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Bisphénol : tickets interdits de caisse

Dominique Delpiroux et S. B. | ladepeche.fr | 02/02/2011

mercredi 2 février 2011

Les caissières des supermarchés seraient plus exposées à ce perturbateur endocrinien./ Photo DDM, archives, F. C.

Les groupes Carrefour et Super U viennent de retirer les facturettes distribuées aux caisses : elles contiennent du bisphénol, selon une étude réalisée par l’INRA de Toulouse.

Maudit bisphénol A ! Il est partout, caché dans d’innombrables objets de notre vie quotidienne. Or si ce produit est particulièrement pratique, on ne cesse de découvrir sa toxicité et sa facilité à se diffuser dans le corps humain.

On sait que, après une longue polémique, le bisphénol vient d’être proscrit de nos biberons. Or, ces jours derniers, deux enseignes et pas des moindres, Super U et Carrefour, viennent d’annoncer qu’elles renonçaient à utiliser des facturettes et des bons de caisse contenant du bisphénol. Cela concerne, pour le seul groupe Carrefour 1600 magasins, supermarchés, hypers, ou supérettes.

Les imprimantes de facturettes fonctionnent en effet sur le principe d’une réaction thermique, où se mélangent plusieurs réactifs, dont le bisphénol. Le bisphénol A est à l’heure actuelle présent dans une majorité de ces « papiers thermiques », ou il sert de révélateur de la coloration Les enseignes appliquent le principe de précautions, et utiliseront un autre système (papiers sans bisphénol A), légèrement plus onéreux.

« Pour de nombreuses facturettes, sur une des faces du papier, on trouve le bisphénol à l’état de poudre, explique Daniel Zalko, de l’Unité Toxalim de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Toulouse. Nos études montrent clairement que le bisphénol A mis au contact de la peau peut facilement la pénétrer. » Car le hic, c’est que l’on sait que le bisphénol est ce que l’on appelle un « perturbateur endocrinien ».

« Il est faiblement actif, mais des études ont démontré qu’il y avait des effets, notamment chez les animaux, surtout lorsque l’exposition a eu lieu avant la naissance : on constate des anomalies sur des animaux qui ont été exposés durant leur développement dans l’utérus, en particulier sur les fonctions reproductrices », note Daniel Zalkco.

Déjà en 2003, nous avions démontré chez la souris, le passage du bisphénol A de la mère au fœtus. Ceci a été ultérieurement confirmé par d’autres équipes chez l’être humain. Il y a de grandes chances pour que des perturbateurs endocriniens tels que le bisphenol A aient des effets chez l’être humain également. « Une étude américaine a montré il y a quelques mois que des taux plus élevés résidus de bisphénol A étaient retrouvés chez les 17 personnes, qui manipulaient fréquemment des facturettes. » Des factures qui pourraient donc coûter cher à notre santé.

Dominique Delpiroux


Biberons et boîtes de conserve

Alerter les bébés : c’est ce qu’a fait le député PS de la Haute-Garonne Gérard Bapt en interdisant l’usage des biberons produits à base de bisphénol A dans les collectivités de sa commune, Saint-Jean en juin 2009.

Un an plus tard, le 23 juin 2010, le Parlement étendait cette mesure à tout le pays. Au mois de mars 2011, il sera interdit de fabriquer ou de vendre des biberons BPA dans toute l’Europe.

Jusqu’en 2008, neuf biberons sur dix vendus en France étaient fabriqués avec du bisphénol A. Mais certains fabricants, comme Dodie, avaient pris les devants, en commercialisant des biberons exempts de BPA. Ces biberons coûtaient plus cher.

Deux ans après le Canada, la France a donc proscrit le BPA des biberons. Mais pas des boîtes de conserve, ni des canettes ! « On retrouve la présence du bisphénol A dans la fabrication de plastiques alimentaires (boîtes en plastique allant au micro-onde, et l’intérieur des boîtes de conserves ou des canettes), « souligne le député socialiste Gérard Bapt qui avait proposé à l’Assemblée nationale un amendement pour supprimer le BPA des contenants alimentaires, amendement rejeté.

Le député de la Haute-Garonne attend un rapport et un nouveau débat sur le sujet au Parlement.

En attendant, il souhaite que le ministère de la Santé lance une campagne d’information auprès « des publics sensibles, les femmes enceintes », afin qu’elles évitent le contact avec les perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A. « Aux États-Unis, de telles campagnes existent, dans les services de PMI ou autres », dit-il.

L’industrie devrait anticiper, et trouver des alternatives pour fabriquer ces plastiques alimentaires.

S. B.


« Sage précaution »

Daniel Zalco, chercheur Inra Toulouse

Pourquoi avez-vous mené cette étude sur le bisphénol ?

Nous sommes exposés à des dizaines de produits, notamment le bisphénol qui est un perturbateur endocrinien. Notre étude a été réalisée avec de la peau de porc et nous avons pu constater qu’elle constitue une porte d’entrée du bisphénol A. Sur ces explants d’oreilles de porc, on a observé qu’environ les deux tiers du BPA déposé à la surface de la peau traversaient la barrière cutanée, quelle que soit la dose déposée.

Dans un deuxième temps, une comparaison a été réalisée avec des explants de peau humaine, démontrant des résultats similaires. Ces nouvelles données associées au fait qu’une contamination alimentaire ne peut expliquer à elle seule les taux de BPA retrouvés chez certaines personnes suggèrent fortement que cette molécule est capable de pénétrer dans l’organisme à travers la peau humaine.

Les facturettes représentent donc une source d’exposition supplémentaire. Or, on sait que le bisphénol peut avoir des effets néfastes notamment en période de grossesse, qui est une période critique, où le fœtus en développement peut subir des dommages. Cette décision sur les facturettes me paraît donc une sage précaution. »


Le chiffre : 1600

MAGASINS CARREFOUR > vont supprimer le bisphénol A des tickets de caisse. L’enseigne rejoint ainsi Super U qui avait annoncé une décision du même ordre au mois de décembre dernier.


20 000 enfants recrutés

À partir du mois de mars, une étude va être entreprise par l’Ined-Inserm auprès de 20000 enfants, recrutés dans 344 maternités, et qui seront suivis jusqu’à l’âge de 18 ans. Le but est d’étudier les conséquences des pesticides, des phtalates, du bisphénol A, et autres substances chimiques sur la santé des enfants.


Voir en ligne : Bisphénol : tickets interdits de caisse

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