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La Chine annonce des réserves d’uranium pour 3000 ans

Stéphane Pambrun à Pekin | novethic.fr | 11 janvier 2011

vendredi 21 janvier 2011

La Chine annonce avoir mis au point un procédé pour retraiter le combustible nucléaire usé. Selon des responsables Chinois, cette technique apportera une solution à la pénurie d’uranium en permettant de réutiliser jusqu’à soixante fois le combustible. Rien n’a en revanche filtré sur les questions de sécurité.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Chose peu courante en Chine elle a été annoncée en fanfare dans tous les médias : la Chine a trouvé un moyen de retraiter son combustible nucléaire pour le rendre soixante fois plus efficace. Résultat : les ressources de la Chine en uranium pourraient durer 30 siècles. Jusqu’à présent seuls quelques rares pays étaient parvenus à maîtriser cette technologie. En France, plus du tiers des centrales nucléaires sont ainsi capables d’utiliser en partie du combustible recyclé, notamment le Mox qui contient du plutonium hautement radioactif. Et les EPR pourraient tourner entièrement avec ce carburant.

La Chine fait donc désormais partie du club très fermé des pays maîtrisant le cycle complet du combustible nucléaire.

La CNNC (China National Nuclear Corporation) a fait ses calculs : le pays va pouvoir utiliser ses réserves d’uranium pendant 3 000 ans, au lieu de 50 à 70 ans prévus jusqu’ici.

Cette « percée technologique » a été réalisée le 21 décembre dernier dans l’usine numéro 404 de CNNC. Une zone ultrasecrète située dans une partie désertique de la province du Gansu. Sur place, des ingénieurs chinois sont parvenus à réutiliser dans un réacteur expérimental du combustible irradié.

« Dans un premier temps, le réacteur a été mis en route en utilisant des produits non radioactifs ou très faiblement radioactifs. Puis on est passé à une phase de tests actifs avec de la matière fissile, radioactive. Mais il s’agit toujours de test, souligne un expert occidental à Pékin. Nous verrons ensuite quand la Chine passera à une production à plus large échelle ». L’expérience de la CNNC est cependant une étape cruciale pour résoudre le problème de matières premières auquel est confrontée l’industrie nucléaire.

Indépendance énergétique

Le pays possède actuellement 13 réacteurs nucléaires en exploitation et Pékin a donné son feu vert à la réalisation de 34 autres, dont 26 sont déjà en construction, soit plus de 40% des centrales en chantier dans le monde. La Chine cherche en effet à réduire sa dépendance vis-à-vis du charbon, qui couvre les trois quarts de ses besoins en énergie, mais ses réserves d’uranium sont limitées. Elle produit actuellement près de 750 tonnes d’uranium par an. Mais, avec la montée en puissance du nucléaire, la demande annuelle dans le pays pourrait s’élever à 20 000 tonnes d’ici à 2020.

« On estime que 75% de son énergie électrique est produite à partir du charbon, nous explique un représentant d’Areva en Chine. A peu près 15% à partir du pétrole, le reste étant l’hydraulique puis le nucléaire, le solaire et l’éolien. On voit que la partie énergie propre est aujourd’hui minoritaire. Le plan des Chinois, très clairement, est d’en faire une source d’énergie principale ». Objectif : couvrir un quart de ses besoins en énergie d’ici 2035.

« On devrait voir le pays tirer 20 à 25% de ses besoins énergétiques du nucléaire et ceci va permettre également à la Chine de répondre aux engagements de réduction de gaz à effet de serre dans les 10 prochaines années, nous confirme Glenn Maguire, Chef économiste Asie-Pacifique à la Société Générale. Il est certain que plus y aura de pression sur la Chine pour changer son modèle de croissance et plus le pays jouera la carte du nucléaire ».

Dans son plan de développement nucléaire à moyen et à long terme, Pékin a déjà pris note et s’est déjà fixé un objectif précis : porter de 2,5 à 6%, d’ici à 2020, la part du nucléaire dans sa production d’électricité. On est encore loin de la France et de ses 78% d’énergie électrique produite à partir du nucléaire. Mais les choses peuvent aller très vite dans l’Empire du Milieu. Tout récemment, l’Association chinoise de l’industrie nucléaire indiquait que dans les vingt ans à venir, le pays devrait construire au moins 60 centrales pour répondre à ces objectifs !

La sécurité nucléaire passée sous silence

En Chine, le secteur nucléaire est en effet stratégique. Tout comme l’ensemble du secteur énergétique il est étroitement contrôlé par l’Etat. Rien ne filtre. Jusque-là d’ailleurs seuls les problèmes d’approvisionnement en uranium pouvaient vraiment inquiéter les Chinois. Actuellement, en effet, les importations chinoises d’uranium représentent 25% de la consommation mondiale. Sachant que le fonctionnement annuel de chaque centrale nécessite environ 400 tonnes d’uranium, cette boulimie avait fait s’envoler les prix. Selon des experts américains, le prix de l’uranium pourrait croître de 32% cette année. Autant dire que cette annonce chinoise devrait profondément modifier la donne.

Priorité donc au nucléaire avec, du côté des autorités chinoises, un optimisme infaillible : « Écologiquement parlant, l’énergie nucléaire est bonne pour l’environnement, nous assure Zhang Huazhu, Président de l’Association pour l’énergie nucléaire de Chine. Ça nous permet de réduire nos gaz à effet de serre tout en satisfaisant nos besoins en énergie. Nous devons donc changer nos modes de production et développer les énergies propres et notamment le nucléaire ».

La question de la sécurité des installations et du retraitement des déchets est passée sous silence. Récemment pourtant, un incident qualifié de mineur dans une installation du sud du pays a jeté le trouble chez de nombreux observateurs. « On sait très bien que si une fuite radioactive devait se produire, la Chine ferait tout pour étouffer l’affaire », nous assure un diplomate étranger.

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