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La relocalisation

Jean-Luc Pasquinet | relocalisons.wordpress.com | 07/01/2011

vendredi 7 janvier 2011

Depuis au moins les années 70 avec la publication des thèses de Georgescu-Roengen sur la décroissance et le cri d’alarme du livre « halte à la croissance » en 1972, nous savons bien que nous devons changer. Malheureusement, malgré ces alertes, nous avons dû subir l’inverse de ce que nous aurions dû faire, le culte de la croissance s’est emparé du monde entier, le libéralisme est devenu encore plus débridé, les échanges commerciaux se sont multipliés, les économies locales ont été détruites au nom de « l’ouverture au monde des économies », de nouveaux pays industrialisés et productivistes sont apparus. Nous avons bien changé, mais ce fut pour plus de productivisme encore.

C’est dans ce contexte, que certains tentent de proposer des alternatives et notamment d’imaginer une transition vers des sociétés postindustrielles, post-capitalistes, post-nucléaires.

Deux mouvements qui essayent de trouver des solutions à ces enjeux sont nés au début du XXIème siècle, le mouvement de la « décroissance » et celui de « transition town ».

Tous les deux se posent les mêmes questions, sur la nécessaire relocalisation de l’économie, tous les deux font confiance à des mouvements de citoyens pour impulser la transition.

Cependant, en ce qui concerne la relocalisation, il existe encore une confusion : s’agit-il d’un simple enjeu de réduction de transport ou bien d’un enjeu plus global ?

Dans ce sens, on peut distinguer la relocalisation au sens étroit et la relocalisation comme une des revendications du mouvement de la décroissance.

1- La relocalisation au sens étroit : un problème de réduction de transport

Dans le sens commun lorsqu’on s’interroge sur le sens de la relocalisation, la première chose qui vient en tête c’est la remise en cause de lointains transports de marchandises qui se sont développés avec l’ouverture au monde des économies. A l’ère du pétrole bon marché, il est devenu plus profitable de faire parcourir des milliers de kilomètres à des crevettes par exemple afin de les faire nettoyer ici, conditionner là-bas et livrer en France parce que les coûts de main-d’œuvre sont moins élevés ici et là-bas et le prix de vente plus intéressant en France.

Tout cela a permis l’explosion des transports avec les nouvelles méthodes de management : le « zéro stock », « zéro défaut », « kamban » et compagnie imposée dans le cadre de l’ouverture au monde des économies et de la délocalisation à tout crin des industries et de certains services.

Cette délocalisation a augmenté les risques pour les sociétés, notemment celui de ne plus pouvoir nous alimenter en cas de rupture du système d’approvisionnement.

1.1 La relocalisation est d’abord un enjeu de sécurité :

111 sécurité alimentaire :

Nous savons qu’aujourd’hui seule 20 % de l’approvisionnement alimentaire en ile de France vient de la région parisienne et que la ceinture maraichère est en voie de disparition. Pourtant, les stocks des supermarchés sont de l’ordre de 4 à 5 jours, en cas de rupture d’approvisionnement en pétrole, on peut imaginer la catastrophe alimentaire qui en résulterait.

C’est pour l’éviter que certains ont choisi de se battre pour l’accès à la terre sur le modèle impulsé par « Terre de liens » par exemple (achat de terres par un organisme coopératif et location de celle-ci à des paysans pour faire de l’agriculture biologique auprès des villes par exemple), et pour le développement d’une ceinture vivrière autour des grandes villes.

112 sécurité de l’emploi :

Avec l’ouverture au monde du capitalisme contemporain depuis au moins quarante ans, nous assistons à l’apparition de nouveaux pays industrialisés, ainsi qu’à la délocalisation de pans entiers de l’industrie et des services des vieux pays industrialisés vers ces nouveaux pays industrialisés pour réduire les coûts de main-d’œuvre notamment.

La relocalisation de ces activités devraient être impulsées via un système de taxation, s’appuyant sur des critères de respect du droit du travail et environnemental, elle devrait permettre d’améliorer la situation des actifs en général et de se poser la question des produits et des usages.

1.2 Quelques exemples concrets d’initiatives de relocalisation :

1.2.1. Transition Town Totness :

Ce mouvement est né vers 2005 au Royaume-Uni, à l’initiative de Rob Hopkins. Il propose de lancer un mouvement pour organiser la transition vers la société post pétrole. Précisons tout de suite que ce concept est encore au stade expérimental, aucun des 200 et quelques groupes de transition existant dans le monde n’étant encore parvenu au bout de sa démarche.

Il part du constat que le pétrole « bon marché » est une denrée qui va devenir de plus en plus rare, et propose d’organiser la transition vers la société post-pétrole afin de pouvoir mieux rebondir.

Il faudrait donc réorganiser les sociétés, les villes autour de la réduction des transports d’après le mouvement « transition town ».

Rob Hopkins le fondateur du mouvement « Transition », propose dans son livre « The transition handbook » de passer de la « dépendance pétrolière à la résilience locale ». La « résilience » est un terme popularisé par un psychanalyste célèbre en France (Boris Cyrulnick) et désigne la capacité de « rebondir » après avoir subi un traumatisme, car il y aura bien un « traumatisme ».

D’ailleurs, dans son livre Rob Hopkins dresse une liste de tous les « désordres psychologiques » liés à la fin de l’ère du pétrole :

 * des désordres physiques, des risques de perte de lien avec la réalité, la peur des réflexes de nihilisme ou de survivaliste (repli sur soi égoïste).
 * le déni, un optimisme exubérant, le syndrome du « je vous l’avais bien dit » (qui risque de démobiliser).

La résilience d’un territoire (ville, région, pays) est ce qui le rend mieux capable de surmonter les chocs (économiques, catastrophes naturelles etc.) et de rebondir ensuite. Pour de nombreuses villes ou régions, la fermeture d’une usine est souvent un désastre lorsque leur économie repose sur une mono-industrie ou une monoculture. Très ouvertes sur le monde, nos économies sont aussi très peu résilientes, car elles dépendent d’échanges à grande distance que seule l’abondance de pétrole bon marché à rendus possibles.
Présentation de la démarche proposée par Rob Hopkins :

La démarche proposée est un ensemble souple et adaptable de principes pratiques et concrets issus de l’expérience de terrain et de l’observation. Son ambition consiste à susciter une vision positive de l’avenir au sein de la population, puis, dans un deuxième temps, à élaborer collectivement un plan d’action visant à rebâtir la résilience de nos collectivités de vie et à amorcer leur décroissance énergétique.

Il se base sur la compréhension qu’il faut agir MAINTENANT, sans attendre le prochain miracle technologique ou la prochaine conférence internationale.

Une initiative de transition est une démarche du « bas vers la haut », c’est-à-dire à partir des citoyens, afin de pouvoir inclure tout le monde, toutes les compétences, toutes les idées. Il s’agit moins de créer une association de plus que de fédérer les projets et les énergies existants autour d’un axe fédérateur.

Le fait d’agir au niveau local n’exclut bien entendu pas d’agir et de s’engager à d’autres niveaux : régional, national, politique, etc. En Grande-Bretagne, les initiatives sont d’ailleurs regroupées en réseaux régionaux et nationaux.

1.2.2 La « relocalisation industrielle » : l’exemple de Kalundbord au Danemark :

A l’inverse de ce qui a été fait jusqu’ici par le capitalisme, mais toujours pour les mêmes rasions de réduction de coûts, il existe maintenant des réflexions sur la relocalisation dans les théories économiques dominantes.

Dans sa livraison du 23 janvier 2010, le journal « Le Monde » nous présente le « miracle » de Kalundbord.

Kalundbord est un port situé sur l’île de Sjaelland sur la côte ouest à une centaine de kilomètres de Copenhague.

On y trouve une organisation industrielle mise en place à partir de la gestion et de la récupération des déchets.

Il s’agit d’un projet purement industriel et ne remettant absolument pas en cause le monde dans lequel nous vivons.

Ici les patrons d’usines ont trouvé leur propre solution pour « limiter la pollution » (dixit Le Monde) et, surtout, réduire leurs coûts : les déchets de l’un produisent l’énergie de l’autre. On appelle ça « l’écologie industrielle ».

Les eaux de refroidissement de la raffinerie sont réemployées par la centrale (qui a ainsi réduit de 60 % puis de 90 % sa consommation d’eau), puis par les autres entreprises. L’eau, qui est ici une denrée rare acheminée depuis le lac Tissø, à une vingtaine de kilomètres, est réutilisée jusqu’à quatre fois. La vapeur d’eau rejetée par les usines est récupérée pour produire de l’énergie et du chauffage. Ce que les entreprises de recyclage ne peuvent récupérer, elles le brûlent pour produire de l’énergie. Les boues de Novozymes servent de fertilisant pour les terres alentour (bonjour les métaux lourd !) et le dioxyde de souffre rejeté par la centrale est désulfuré pour fabriquer du gypse.

« Comme il n’y a pas au Danemark de carrière de gypse pour fabriquer du plâtre à partir de matériau naturel, jusqu’en 1980 40 gros cargos de 6000 tonnes apportaient chaque année la matière première depuis le sud de l’Espagne, aujourd’hui le dioxyde de souffre rejeté par la centrale, récupéré et transformé, produit 95 000 tonnes de plâtre par an et je ne fais plus venir en appoint que deux cargos…. » Søren Kilmose, le directeur de l’usine Gyproc.

Mais comme le conclut le journaliste : « bien plus qu’un exemple en matière d’économie d’énergies et de matières premières, Kalundborg serait-il un paradigme de management ? »

En tout cas, il s’agit d’un bel exemple de la récupération du projet de « relocalisation » de l’économie par le capitalisme, mais aussi une piste, vers la relocalisation des entreprises en les interconnectant, avec pour but non point de faire du profit mais de satisfaire les besoins du bassin où elles sont installées.

Le concept d’interconnexion des entreprises à partir des déchets qu’elles produisent est un concept extrêmement intéressant et à creuser, mais à condition que l’on ne récupère pas de déchets toxiques, ce qui sous-entend un questionnement les produits, et l’organisation le permettant.

2- La relocalisation au sens large : comme un des éléments de la décroissance – naissance d’un nouveau mouvement politique.

2.1 La relocalisation questionne l’économie politique classique :

Les Physiocrates sont considérés comme les fondateurs de l’économie politique moderne, dans le sens où ils fondent la richesse non point dans celle du souverain, mais dans le travail de tous les membres d’une Nation. Leurs successeurs insisteront sur la richesse du travail industriel, alors que les Physiocrates insistaient sur la richesse du travail agricole.

Mais dans tous les cas l’économie politique classique sera dominée par des critères mécaniques et l’importance accordée au travail, oubliant les lois physiques et en particulier la loi d’entropie. Le couple Travail, Capital va marquer les écrits économiques, le Capital étant considéré comme du « travail accumulé », un « détour de consommation », ou du « travail mort ». De nombreuses formules mathématiques nous font miroiter un monde ou tout est réversible, le travail en capital et le capital en travail, en tout cas dans les théories libérales.

Dans les théories marxistes, il existe une fin, après la crise finale liée à la « baisse tendancielle de la plus-value » et qui doit déboucher sur un monde post-capitaliste, mais qui resta longtemps dominé par le productivisme.

2.2 La loi d’entropie : les déchets acquièrent un sens :

Arrive Georgescu-Roengen, l’auteur de ces lignes ignore s’il est le premier à avoir évoqué la loi d’entropie dans l’économie, en tout cas son œuvre représente une rupture dans l’approche économique classique. Désormais, l’histoire a bien un sens, mais ce n’est pas d’aller obligatoirement vers le communisme, mais plutôt de lutter contre l’entropie, ou la perte d’information….ce qui est peut-être la même chose ( ?)…

« Aucune loi peut-être n’occupe dans la science une place aussi singulière que la Loi de l’Entropie. C’est la seule loi physique qui reconnaisse que l’uni­vers matériel lui-même est soumis à un changement qualitatif irréversible, a un processus évolutif. (…)(NGR 1971b, p. XIII pp. 191-194). La Décroissance Georgescu-Roengen.

Exit donc les théories mathématiques où l’on pouvait transformer du travail en capital et vice versa…le passage par le travail produit de l’échauffement mais aussi une perte irrémédiable. Dans les théories économiques classiques, on ne se souciait absolument pas des déchets, résultats des transformations ultimes du travail. Or, ils nous reviennent en force avec la pollution et la raréfaction des matières premières. On pourrait résumer le flux économique tel qu’il était considéré dans l’économie classique ainsi

W (travail) –> K (Capital) –> marchandises –> profitè –> W…

Or, après Georgescu-Roengen il faudrait plutôt introduire le flux suivant :

W –> ressources de valeur–> produits –> déchets…

Le processus économique, comme tout autre processus du vivant est irréversible (et l’est irrévocablement) ; par conséquent on ne peut en rendre compte en termes mécaniques seulement. C’est la thermodynamique, avec sa Loi de l’Entropie, qui reconnaît la distinction qualitative, que les économistes auraient dû faire dès le début entre les inputs des ressources de valeur (basse entropie) et les outputs ultimes de déchets sans valeur (haute entropie). Le paradoxe soulevé par cette réflexion, à savoir que tout le processus économi­que consiste à transformer de la matière et de l’énergie de valeur en déchets, est ainsi résolu, facilement et de façon instructive. Pour les économistes, il est très important de reconnaître que la Loi de l’Entropie est la racine de la rareté économique. Si cette loi n’existait pas, nous pourrions réutiliser l’énergie d’un morceau de charbon à volonté, en le transformant en chaleur, cette chaleur en travail, et ce travail à nouveau en chaleur. Les moteurs, les habitations et même les organismes vivants (si tant est qu’ils pussent alors exister) ne s’épuiseraient jamais non plus. Il n’y aurait aucune différence économique entre les biens matériels et la terre au sens de Ricardo.

société et l’environnement. Il s’agit ni plus ni moins de penser un nouveau système économique, mais aussi technique permettant plus de « résilience » comme expliqué ci-dessus.

Autrement dit, que ce soit dans la vision économiste classique ou dans sa critique, l’enjeu est d’abord un enjeu de revenu et de croissance. L’objectif des économistes et de leurs critiques marxistes (qui ne sont qu’une variante des économistes) est de faire croître le revenu et de mieux le répartir. Alors, qu’à partir de Georgescu-Roengen, on commence à se poser la question des ressources, de leur usage, des déchets et des accidents que leur usage entraîne. On peut dire que dorénavant l’enjeu sera de trouver le moyen de mieux répartir des ressources rares, ou de faire croitre l’usage de ressources non-renouvelables afin de satisfaire des besoins qui dovient être redéfinis dans ce nouveau contexte.

Le processus économique étant irréversible, par exemple le recyclage d’un même papier ne peut être effectué que 2 à 5 fois…

Il reste un espoir cependant, c’est la vie, qui va se fixer comme objectif de remettre de la vie, de l’ordre ou bien de l’information là où il n’y avait que dissipation.

Les déchets n’étant pas constitués seulement des gaz à effet de serre, il devient essentiel de réfléchir de façon globale à la façon de réduire tous les déchets.

Dans ce sens, la relocalisation est le meilleur moyen de lutter contre la loi d’entropie, en partant des besoins et des moyens locaux et en essayant de résoudre les problèmes posés par le couple « produit-déchets » de la façon la plus idoine.

2.3 La relocalisation questionne la technique :

La Technique et les catastrophes : sont bien l’enjeu du siècle. Nous savons depuis Leroi-Gourhan (« le geste et la parole ») que le propre de la technique c’est d’avoir pu permettre à l’homme de survivre et de conserver son intégrité, celle d’un corps qui évolue à l’échelle du temps géologique, alors que la transformation des techniques a eu lieu à une échelle historique.

Ainsi « les hominiens ont pu de cette manière préserver les rythmes géologiques de leur transformation, maintenir cet état de disponibilité et d’immaturité qui a rendu possible sans cesse l’élaboration de nouveaux apprentissages ». Tibon-Cornillot « le triomphe des bactéries ».

Néanmoins, depuis le surgissement de la technologie qui correspond à la naissance de la bourgeoisie, et à une inféodation de la technique à la science il y a environ 500 ans, nous assistons à un « déferlement technique » (Tibon-Cornillot) au point que non seulement les relations entre l’homme et son environnement, mais aussi les relations humaines sont maintenant médiatisées par la technique.

Les conséquences sont doubles :

 Alors que les techniques ont servi à l’homme à survivre le mieux possible dans son environnement en conservant son intégrité physique, sa fragilité et son immaturité, sources de créativité, la technologie moderne, s’active de plus en plus pour pénétrer dans les organismes vivants, pour les contrôler, les transformer et les mécaniser.

 La deuxième conséquence est relative à la démesure qui caractérise ce déferlement des techniques actuelles, elle concerne l’imaginaire qui a été formaté autour du mythe de la croissance éternelle. Ce déferlement pourrait déboucher dans une guerre nucléaire fatale pour les êtres humains.

C’est aussi une occasion de critiquer l’analyse marxiste classique. Elle part d’une lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat, lutte autour du revenu, de sa répartition, du pouvoir exorbitant sur celui-ci grâce à la position dominante permise par la propriété lucrative des moyens de production. Cette vision oublie que la bourgeoisie, le capitalisme ce sont aussi une civilisation, pas uniquement le profit et son partage. Il s’agit d’une civilisation née avec la Science, qui a développé l’autonomie de l’économie sur la société, rendu le monde industriel que nous connaissons comme une chose naturelle, et provoqué le déferlement technologique que nous subissons aujourd’hui, rappelons le « la bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les moyens de productions… » (K. Marx « le manifeste du parti communiste »).

Ce « déferlement technologique » accompagne cette volonté de transformer l’homme, déjà présente dans les révolutions jacobines. Ce « transformisme » d’abord « social » pourrait déboucher sur un transformisme « biologique » avec pour conséquence la création d’un être humain « parfait » et mature, fermé à toutes évolutions.

Dans ces conditions et afin d’éviter la catastrophe, la relocalisation se doit de questionner les savoir-faire d’autrefois. Il ne s’agit point de revenir aux vieilles techniques mais de repartir de savoirs souvent perdus et adaptés à chaque réalité locales et de les perfectionner à la lumière de récentes découvertes.

Réhabiliter les savoir-faire d’autrefois, et ce faisant « relocaliser » la technique, puisque toutes ces techniques d’autrefois étaient liées à des lieux biens définis, par exemple les systèmes d’irrigation souterrains en Irak et en Iran différents des systèmes d’irrigations mis en œuvre par les Arabes en Afrique du Nord ou en bien en Espagne.

Il s’agit de repartir de ces savoir-faire traditionnels adaptés à chaque région pour produire, construire, se transporter, à moindre frais environnementaux.

2.4 La relocalisation n’est pas le nationalisme ni le repli sur soi :

La relocalisation plus ou moins forte de l’économie permettra de réduire nos gaspillages énergétiques ainsi que nos émissions de CO2. Mais, surtout, elle se produira d’elle-même, qu’on la considère comme désirable ou non.

En effet, des carburants trop chers, ce sont des transports routiers, maritimes et aériens moins nombreux et des produits importés toujours plus onéreux : les pommes du Chili ou les fraises d’Alméria deviendront un luxe, de même que les jouets Chinois ou les vacances exotiques. Rechercher ressources, fournisseurs, compétences et clients plus près deviendra vital.

Le mot relocalisation ne signifie donc pas repli autour de son clocher. Il indique simplement que la longueur moyenne des échanges commerciaux devrait diminuer. Des industries délocalisées, comme le textile ou la sidérurgie, pourraient reprendre vie en Europe. Des ressources régionales ou locales, comme le bois, devraient retrouver leur valeur et leur intérêt. Dans un tel contexte, le niveau local gagnera en importance, sans être non plus exclusif.

D’autre part, l’élévation du prix de l’énergie et donc des coûts de production risquent de réduire l’emploi dans de nombreux secteurs, à commencer par les transports et l’automobile. Parallèlement, le manque de pétrole devrait susciter de nouveaux métiers, que ce soit dans les nouvelles énergies ou la production agricole que pour réparer des vélos ou des machines à laver. Le besoin de requalification d’une partie importante de la population paraît logique.

Dans un contexte de récession, voire de dépression économique, apprendre à faire son jardin, à bricoler, à réparer et à retrouver certains savoir-faire pourra rendre service à beaucoup de gens, ne serait-ce que parce que cela leur permettra d’économiser de l’argent.

Enfin, le renforcement des économies locales dans les pays non-industriels ne pourra se produire que si les économies des pays industrialisés se relocalisent. Elles sont toutes les deux interconnectées. La suppression du « free trade » s’impose.

A la place du « free trade », ou le libre échange décrété par les accords de Bretton Woods en 1944, voici venu le temps du « juste échange » ou « fair trade » au niveau international, en attendant la relocalisation des économie. Ainsi pourraient s’appliquer, en accompagnement de mesures de relocalisation des économies et des techniques, une taxe carbone au niveau européen pour taxer les produits ayant trop voyagé et favoriser la production européenne, cette taxe pourrait accompagner une taxe sur les transactions financières afin d’instaurer une régulation globale de la sphère monétaire et financière. On peut aussi imaginer le renforcement de la responsabilité sociale et environnementale des filiales des entreprises qui délocalisent. Ces nouvelles taxes pourraient servir au désendettement de nos finances publiques, à la hausse des investissements et à l’augmentation de nos engagements vis-à vis des pays du Sud, en préparation de la remise en cause du développement.

Conclusion :

Le mouvement « transition town » a commencé à arriver en France. Depuis la première initiative à Trièves, on a vu apparaître le mouvement dans la région est de Paris et à Sucy en Brie en 2010. Il se pose non seulement des questions relatives à la société post-pétrole, mais aussi vis-à vis du pouvoir qu’il ne vise pas à conquérir, ne voulant pas être conquis par lui.

En parallèle de l’arrivée de ce mouvement, les objecteurs de croissance, souvent partie prenante des initiatives de transition, s’organisent, eux aussi et se méfient du pouvoir, de la prise du pouvoir. Mais au lieu de se contenter de soulever les problèmes de la société post-pétrolière, de travailler sur la consommation, la distribution, ils analysent aussi les problèmes posés par les entreprises, ainsi que les pouvoir, le déferlement technique et ses conséquences. Il a été décidé de s’appuyer sur les expérimentations, les projets et d’apparaître en politique, c’est le sens de la « théorie des trois pieds »- pour créer une « masse critique » afin d’avoir un impact politique, mais aussi d’identifier toutes ces initiatives qui œuvrent à la relocalisation de l’économie en France, à la simplicité volontaire, à la lenteur, etc…

Plus que jamais, la relocalisation est d’abord un enjeu « politique » afin que les citoyens reprennent le pouvoir sur leur économie et la gestion de leur cité, tout en assurant la « rupture » d’avec le système. Des citoyens de plus en plus « urbanisés » qui vont s’attaquer à des problèmes de la campagne : la sécurité alimentaire, des techniques locales adaptées à chaque terroir, etc.

Le mouvement des objecteurs de croissance croit possible la création d’une « masse critique » à partir des trois pieds de la décroissance que sont les projets, les expérimentations collectives et l’apparition dans le jeu électoral, mais sur un mode non électoraliste. La relocalisation de l’économie est au cœur de leur projet, elle signifie la remise en cause de l’économisme, du travail comme valeur-centrale de la société, de la séparation du politique et de l’économique, de la conquête totale de la société par la démocratie grâce à l’autogestion généralisée.


Voir en ligne : La relocalisation par Jean-Luc Pasquinet

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