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Loi Warsmann : la peur d’un grand fichier national

Margot Nadot | temoignagechretien.fr | 14 décembre 2010

dimanche 26 décembre 2010

Depuis lundi 13 décembre, est discuté au Sénat le projet de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, proposé par le député UMP Jean-Luc Warsmann. L’article 2 prévoit l’établissement d’un système d’échange de données entre les différentes administrations françaises. Le but : remédier aux lenteurs administratives. Les défenseurs des libertés, eux, craignent la constitution d’un gigantesque fichier national des usagers.

Tout le monde s’est un jour agacé devant la lenteur des administrations à traiter les dossiers et la lourdeur des procédures administratives. Le projet de loi simplification et d’amélioration de la qualité du droit, déposé à l’Assemblée Nationale le 7 août 2009, a la louable intention de vouloir remédier à ces problèmes.

Parmi les mesures proposées par ce projet de loi, l’article 2 prévoit l’échange entre les différentes autorités administratives des informations et des données de leurs fichiers respectifs. Il s’agit essentiellement d’éviter à l’usager d’avoir à fournir plusieurs fois les même documents à différentes administrations.

Les défenseurs des libertés dénoncent cependant une formulation floue qui pourrait donner lieu à la constitution d’un gigantesque fichier national des usagers.

Le Collectif National Unitaire Antidélation cite l’exemple de l’article 11 de la loi RSA qui a autorisé « le recueil d’informations strictement nécessaires » entre la CAF, les Conseils Généraux, Pole-Emploi et qui est devenu, par le décret d’application, le grand fichier national et local « @RSA ».

Selon Delphine Batho, député PS des Deux-Sèvres, « le texte tel qu’il est rédigé actuellement laisse comme possible interprétation l’interconnexion des fichiers des différentes administrations, ce qui n’est pas conforme à la loi informatique et liberté de 1978. »

Lors du passage du projet de loi à l’Assemblée Nationale, les députés de gauche ont déposé un amendement de suppression de cet article. L’amendement a été rejeté et le texte a été adopté en première lecture. Le texte est depuis le 3 décembre 2009 entre les mains des sénateurs qui le discutent en séance publique les 13 et 14 décembre.

Trois questions à la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat

Nicole Borvo Cohen-Seat est la présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, auteure d’un nouvel amendement de suppression de l’article 2 au sénat.

TC : Dans l’amendement, vous pointez du doigt les « possibilités infinies d’exploitation et de croisements des données hors de l’assentiment des personnes concernées », pourriez-vous préciser ce que vous redoutez et dénoncez parmi ces "possibilités d’exploitation" ?

Nicole Borvo Cohen-Seat : Si l’article 2 est adopté, tous les fichiers administratifs – à l’exception de ceux exclus par un décret en Conseil d’État - pourront devenir accessibles à toutes les autres administrations : un domaine donc a priori très vaste, surtout que nous ne connaissons pas la teneur de ce futur décret.

Qui dit accessibilité à un tel réseau de données dit de fait « interconnexions » possibles. Cette disposition fait donc peser des dangers sur les libertés individuelles et sur le droit respect de sa vie privée. Les quelques limites apportées dans l’article 2 ne suffiront pas.

De plus, elle aurait mérité pour le moins un débat et non un simple article au détour d’un texte « fourre-tout ». Le rapport de la Commission des lois au Sénat évoque d’ailleurs à propos de l’article 2 une « réforme majeure ».

Notre inquiétude est encore plus grande au regard du contexte. On assiste en effet à une multiplication des fichiers et des échanges de données depuis 2002 notamment. On le voit encore avec la LOPPSI II.

TC : Quels dispositifs de contrôle de l’exploitation du croisement de ces données existe-t-il si cet article n’est pas supprimé ?

Nicole Borvo Cohen-Seat : Le contrôle de l’exploitation du croisement de ces données est tout à fait insuffisant. On sait ce qu’il en est par exemple du STIC : un accroissement permanent des données et leur non rectification ou effacement.

La CNIL elle-même a eu l’occasion de souligner, à propos précisément des informations détenues par les administrations (rapport 2001), les difficultés pour « garantir la confidentialité des informations si elles deviennent accessibles à un très grand nombre d’utilisateurs » ou pour « éviter des détournements de finalité lorsque des informations collectées pour des fins différentes se voient rassemblées dans une base commune ».

Rappelons que les élus (les maires), les professionnels de l’action sociale, de la santé, de l’éducation se voient déjà imposer des obligations de délation par certains textes de loi.

En outre, quelle garantie avons-nous que ces données ne franchiront pas le périmètre administratif ou les frontières du pays ?

TC : Est-ce qu’on peut, selon-vous, faire un rapprochement entre cet article du projet de loi et le projet SAFARI* qui a suscité une vive réaction populaire et débouché sur la création de la loi informatique et liberté en 1978 ?

Nicole Borvo Cohen-Seat : Effectivement, il est possible de faire un rapprochement entre les dispositions prévues par cet article et le projet SAFARI, heureusement abandonné à l’époque devant l’indignation qu’il avait suscité.

 * À l’étude en 1974, le projet SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) projetait l’interconnexion des fichiers nominatifs de l’administration grâce au Numéro d’Identification au Répertoire qui sert notamment de numéro de sécurité sociale.


Transmis par Agnes - collectifs locaux anti-délation

Sat, 25 Dec 2010 22:36:46 +0100


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