Accueil > 2010 > août > Grippe A (H1N1) : le Sénat dénonce des contrats mal ficelés

Grippe A (H1N1) : le Sénat dénonce des contrats mal ficelés

Aurélie Haroche - 05/08/2010

vendredi 6 août 2010

Paris, le jeudi 5 août 2010 – C’est d’abord l’histoire d’un rendez-vous raté que nous raconte le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la gestion de l’épidémie de grippe A (H1N1) rendu public aujourd’hui après ceux de l’Office parlementaire de l’évaluation des choix scientifiques et technologies (OPESCT) et de l’Assemblée nationale présentés ces dernières semaines.
Attendre ou espérer

La première partie du rapport revient en effet sur la préparation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), de tous les pays du monde et de la France à une pandémie très meurtrière, liée potentiellement à un virus (H5N1). Bientôt, cette crise à laquelle chacun se préparait selon ses moyens s’est faite attendre. Les sénateurs posent même la question : « Les prédictions scientifiques sont-elles devenues inconsciemment des espérances ? » Les sénateurs rapportent ainsi comment « beaucoup d’interlocuteurs de la commission d’enquête ont insisté sur les mécanismes ayant abouti à la préparation collective des esprits et notamment de la communauté scientifique, à l’émergence d’un risque pandémique de type H5N1, tendant à transformer inconsciemment ce qui ne sont que des prédictions scientifiques en un ‘désir de pandémie’ ». Paradoxalement, il est apparu que la grande efficacité des outils de veille scientifiques a contribué à créer ce climat d’attente. « Plus on a de laboratoires de recherche, de surveillance en réseaux dans le monde (…) plus on aura des alertes, éventuellement peu significatives » aura ainsi observé M. Yves Charpak (Haut conseil de la santé publique).
Opacité au sein de l’OMS

Face à ces mécanismes, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) aurait pu, aurait dû, jouer son « rôle de filtre ». Mais l’agence de l’ONU très sévèrement critiquée par le Sénat aurait failli à sa mission. La décrivant comme une « organisation politique pouvant commettre des erreurs techniques d’appréciation au coût élevé » et déplorant ses « recommandations inadaptées aux pays en développement », le Sénat s’intéresse plus précisément encore à sa gestion des conflits d’intérêts. Revenant sur les interprétations de ceux qui n’hésitent pas à voir dans la refonte par l’OMS de sa définition d’une pandémie quelques mois avant la crise la preuve d’une « épidémie inventée », le Sénat semble peu convaincu par la véracité d’une telle vision. Cependant, il reconnaît que ces « interrogations soulèvent la question de la gestion par l’OMS des conflits d’intérêts entre ses experts et l’industrie pharmaceutique ». Or, en l’espèce, le rapport du Sénat estime que l’agence de l’ONU a fait preuve d’une « opacité non justifiable » en choisissant « l’anonymat des membres du comité d’urgence ». Les sénateurs mettent également en cause une « procédure de déclaration d’intérêts non transparente ».
Persuadées de la nécessité d’une vaccination de masse, les autorités sanitaires n’interrogent pas vraiment les experts

Puis, les élus du Palais du Luxembourg se penchent sur la situation française. Ils dénoncent tout d’abord « la confusion » qui a poussé le Comité de lutte contre la grippe (CLCG), à l’heure de se prononcer sur l’étendue de la campagne de vaccination, à se fonder sur des considérations éthiques et non uniquement scientifiques. Les autorités sanitaires, note le Sénat, ont semblé avoir été aveuglées par le présupposé éthique de la nécessité d’une vaccination universelle. Or, le rapport souligne qu’a été oublié un élément essentiel : « Une vaccination de masse ne présente d’intérêt collectif que si elles est achevée avant l’arrivée du virus, afin d’obtenir un effet barrière (…). Une fois le virus circulant, la vaccination présente un intérêt pour la protection individuelle des personnes. Faire prévaloir l’argument éthique aboutissait à écarter cette donnée fondamentale », concluent-ils. Dans cette même perspective, le Sénat souligne que les « autorités publiques » ont semblé avoir été « convaincues a priori de la nécessité d’une vaccination universelle » et ont donc « interprété en ce sens la réponse d’experts qui l’auraient peut être recommandée, mais qui n’ont pas été réellement consultés sur ce sujet ». En effet, le Haut comité de santé publique (HCSP) aurait été interrogé sur la pertinence de la vaccination et non pas sur l’étendue de la vaccination.
Quand le gouvernement se laisse faire

Un second élément semble avoir fortement influencé la stratégie vaccinale : « le gouvernement français n’a pas eu non plus beaucoup de choix : il s’est trouvé enfermé dans une situation dont il n’a pu sortir que par la résiliation des contrats » accuse la commission d’enquête. Le rapport consacre en effet de longues pages à l’absence de fermeté du gouvernement dans la conclusion des contrats avec l’industrie pharmaceutique. Le Sénat souligne en guise d’introduction que les erreurs commises par le gouvernement n’auront eu « que » des conséquences financières alors que « si la situation était devenue dramatique » la France « n’aurait pas obtenu en temps et en heure les vaccins nécessaires ». Le rapport pointe par ailleurs les différentes failles qui témoignent d’un manque très clair de fermeté du gouvernement. Les sénateurs dénoncent ainsi l’absence de clause de révision dans les contrats signés. Ils considèrent par ailleurs comme « anormal que l’Etat ait été contraint de s’engager à acheter près de deux fois plus de vaccins que nécessaire ». Ils observent en effet que l’exigence de deux doses face à un virus tel H5N1 ne semblait pas « a priori » devoir s’imposer contre un virus H1N1. L’OMS elle-même le 7 juillet 2009 ne considérait pas comme « acquise » la nécessité d’une double injection. Pourtant, l’administration française « ne semble pas s’être émue de ce doublement automatique du montant des commandes ». Enfin les sénateurs dénoncent le manque de garanties données à l’état dans les contrats et notent en la matière que « deux semaines après le « pic » de l’épidémie n’avaient été fournies que 30,691 millions de doses ».

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr


Voir en ligne : Grippe A (H1N1) : le Sénat dénonce des contrats mal ficelés

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.