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Cancer et alimentation : nouvelle enquête

Véronique Smée | novethic.fr | 02/12/2010

vendredi 3 décembre 2010

L’association Génération Futures et le réseau européen Health & Environnement Alliance publient une enquête dans le cadre de la campagne « Cancers et environnement ». L’objectif : démontrer la présence de substances chimiques toxiques dans notre alimentation et leur lien avec l’explosion du nombre de cancers pour demander des réglementations sur ces produits.

Le contexte général de l’enquête menée par Génération futures (ex MDRGF) et le réseau européen Health & Environnement Alliance est bien connu : le nombre de cancers explose et cette épidémie ne peut pas s’expliquer uniquement par des facteurs génétiques et par la consommation d’alcool ou de tabac. Les facteurs environnementaux, au sens large, doivent être pris en compte pour expliquer qu’entre 1980 et 2005, l’incidence du cancer a progressé de 93% chez l’homme et de 84% chez la femme (données InVS). Par ailleurs, la croissance du nombre de cancers chez l’enfant vient renforcer les hypothèses de cancers d’origine environnementale. Ce constat conduit une fois de plus les associations spécialistes du sujet – le Reseau Environnement Santé, le WWF, le Criid- à interpeller l’opinion publique et les législateurs, au plan européen et national. A l’appui de cette campagne, une enquête a été menée sur l’alimentation quotidienne des enfants, en analysant les différents produits qu’ils consomment au petit déjeuner, au déjeuner, au goûter et au dîner. Les analyses des aliments (légumes, fruits, poisson, pain beurre, fromage etc) ont été réalisées par des laboratoires accrédités auprès des autorités publiques et reconnus comme spécialistes de ces recherches. Les associations leur ont demandé d’identifier plusieurs types de substances : pesticides, dioxine, PCB, additifs problématiques et éventuels transferts de plastiques alimentaires vers les aliments (phtalates et BPA), en recherchant pour chacune d’entre elles leur classement comme cancérigènes « certain, probable ou possible », et/ou comme perturbateurs endocriniens, responsables de dérèglements hormonaux.

Effet cocktail

Bilan : s’agissant du petit déjeuner, 28 résidus de substances chimiques ont été trouvés, dont 21 cancérigènes possibles ou probables, 3 cancérigènes certains et/ou 19 perturbateurs endocriniens. Au total dans une journée, 128 résidus représentants 81 substances chimiques différentes sont ingérés par un enfant, ainsi que 36 pesticides différents et 47 substances cancérigènes suspectées.
Stratégie communautaire sur les perturbateurs endocriniens

L’UE a mis en place une « Stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens » (PE) pour « aborder, d’urgence, le problème des perturbateurs endocriniens nocifs à la santé et à l’environnement ». Elle prévoit des mesures à court, moyen et long terme : lister les molécules PE fortement suspectes d’effets hormonaux pour qu’elles fassent, à terme, l’objet d’une réglementation ; définir les publics fragiles et informer les consommateurs, développer des produits de substitution et des tests capables d’identifier les PE. Un rapport sur la mise en oeuvre de cette stratégie est attendu d’ici la fin 2010. Début 2012, des recommandations et des modifications du cadre législatif sont prévues pour prendre en compte l’exposition aux PE.

Certes, les doses peuvent respecter les limites maximales autorisées, mais l’effet cocktail de ces diverses substances et leur accumulation quotidienne restent inconnus aujourd’hui. Comme le souligne François Veillerette, président de Générations Futures, « actuellement, l’impact des cocktails chimiques ingérés par voie alimentaire n’est pas évalué. A fortiori, l’impact de ces résidus conjugué aux autres expositions chimiques ne l’est pas non plus ». Face aux incertitudes et à la quasi-impossibilité de mesurer ces effets extrêmement complexes et variables, les associations veulent que soient au moins reconnus les différents facteurs de risques. « Les leviers réglementaires existent pour réduire, voire interdire, les substances dangereuses, à l’exemple de la loi Grenelle avec les pesticides, commente François Veillerette. L’interdiction du BPA dans les biberons, décidée récemment par la Commission européenne, en est aussi un bon exemple ». De fait, c’est grâce à l’alerte lancée par le Réseau Santé Environnement que le BPA a fini par être interdit, alors même que l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) avait conclu dans ses études à l’absence de risques sanitaires liés au bisphénol A dans les plastiques alimentaires.

La réduction ne suffit pas

Reste que les autorités prennent peu en compte ces facteurs environnementaux dans les politiques de santé publique, qu’il s’agisse du Plan Cancer ou du Plan national Santé Environnement. Certaines substances comme le formaldéhyde, l’un des polluants les plus présents dans l’air intérieur, classé comme cancérigène certain, font certes l’objet de mesures de réduction, mais ces objectifs, trop partiels, ne satisfont pas les associations. L’UFC-Que choisir, après avoir enquêté, avait elle aussi demandé en 2009 l’interdiction de ces substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Pour l’heure, il est surtout question d’un étiquetage des produits… prévu pour 2012.

Le docteur Laurent Chevalier, médecin nutritionniste membre du Réseau santé Environnement, confirme que la réduction de ces substances toxiques n’est pas la clé du problème. « On néglige les effets cumulatifs comme les effets retardés de l’exposition à ces produits. Le nombre de diabétiques a par exemple augmenté de 41% entre 2001 et 2010. Ce n’est pas dû simplement à une surconsommation de sucre. Les perturbateurs endocriniens jouent un rôle dans ces maladies ». Pour ce médecin, il faudrait commencer par interdire les perturbateurs endocriniens présents dans les additifs alimentaires et les produits de synthèse qui sont en contact avec les aliments, tels que les plastifiants et autres emballages. « L’interdiction du BPA dans les biberons a montré que des alternatives existent. Elles étaient même prêtes et déjà commercialisées sur le marché. La rapidité de cette offre montre que c’est possible… », rappelle François Veillerette, qui affirme « faire confiance à la capacité de réponse et d’innovation des industriels, dès lors qu’une réglementation les y poussera ».

Véronique Smée

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