Bisphénol mon amour (2 articles)

Le Bisphénol A peu dangereux selon l’OMS

Par Nolwenn Weiler (16 novembre 2010)@

Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Il serait « prématuré » de prendre des mesures de santé publique concernant le Bisphénol A. Ce composé chimique est utilisé dans la fabrication des plastiques durs transparents (bouteilles réutilisables, biberons, emballages plastiques des aliments, intérieur des boîtes métalliques). Plusieurs études soupçonnent le Bisphénol A de porter atteinte au développement du fœtus et des jeunes enfants. Les rats et autres animaux de laboratoire qui y ont été exposés ont présenté des malformations des appareils génitaux chez les mâles et des modifications des cellules mammaires chez les femelles. Ces suspicions ont poussé plusieurs États, dont la France et le Canada, à interdire la présence de « BPA » dans les biberons.

D’après le Réseau environnement santé, qui effectue une veille scientifique sur le sujet depuis avril 2009, « sur 88 études publiées dont 31 chez l’homme, 84 démontrent un impact », soit 95 % ! Ce n’est pas suffisant pour les experts de l’OMS réunis à huis clos pour discuter du sujet. Mais, au fait, qui compose ce « comité d’experts » ? Interrogée sur le sujet, l’OMS rétorque que le nom des experts seront dévoilés en même temps que l’expertise.

Prenez des oreilles de cochon, que vous récupérez fraîches à l’abattoir. Posez-les sur un lit de glace, nettoyez, épilez, puis découpez-y des rondelles de la taille d’une vieille pièce de cinq francs. Faites-les reposer sur un liquide nourricier et badigeonnez en surface avec du Bisphénol A (BPA).

C’est la manip’ que vient de réaliser à Toulouse une équipe de l’Institut National de Recherche en Agronomie (Inra). Résultat : 65 % du Bisphénol A passent comme si de rien n’était à travers les oreilles. Pourquoi avoir choisi des oreilles de cochon ? Parce que c’est sa peau qui ressemble le plus à la peau de l’homme. Une fâcheuse nouvelle pour l’agroalimentaire et les fabricants de plastiques, qui raffolent du Bisphénol A.

On en trouve en effet à tire-larigot dans les barquettes des plats cuisinés, la résine qui tapisse l’intérieur des cannettes et des boîtes de conserve, et jusque dans les bonbonnes des fontaines à eau. Or, ça fait plus de dix ans maintenant que le BPA est soupçonné de mettre en vrac le système hormonal. En juin dernier les députés français ont d’ailleurs provisoirement suspendu la vente des biberons en plastique avec du Bisphénol A.

Une interdiction qui n’a pas gêné les fabricants de plastiques, puisque lesdits biberons, ne représentent pas plus de 1,5 % du plastique dur farci au BPA. Mais cette fois, l’expérience menée par l’Inra sur les oreilles de cochon, suivie d’une étude américaine publiée la semaine dernière, montre que le BPA s’attaque aux spermatozoïdes, et donne du grain à moudre à ceux qui veulent le mettre à l’index. Un, le Bisphénol A est plus méchant qu’on ne le pensait. Deux, on découvre qu’on fait aussi le plein de BPA par la peau.

Et devinez grâce à quoi ? Aux tickets de caisse et aux reçus de cartes de crédit, enduits de BPA, utilisé comme révélateur d’encre. Des chercheurs américains avaient d’ailleurs noté, sans comprendre pourquoi, que les caissières avaient plus de BPA que les autres dans le sang. Comme la dose quotidienne de Bisphénol A à ne pas dépasser a été calculée en tenant compte uniquement de ce qu’on trouve dans l’assiette, il faut la revoir dare-dare.

D’autant que c’est à cette dose que quelques études ont détecté des effets chez l’animal. On espère que les agences sanitaires vont fourrer leur groin dans tout ça…

Le Canard Enchaîné N° 4697 du 3 novembre 2010

Article trouvé dans la lettre d’information du 04 novembre 2010 du site

"Altermonde-sans-frontières"