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Une loi orwellienne de contrôle du langage, déjà votée au Brésil en vue des JO 2016

Calimaq | scinfolex.wordpress.com | mercredi 4 septembre 2013

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Une loi orwellienne de contrôle du langage, déjà votée au Brésil en vue des JO 2016
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Calimaq
l>Calimaq | scinfolex.wordpress.com | mercredi 4 septembre 2013

La tenue des Jeux Olympiques d’Hiver à Sotchi en Russie alimente la polémique depuis plusieurs mois, que ce soit en raison des actes de censure du pouvoir en place ou des menaces que fait planer la loi "anti-propagande homosexuelle" sur les spectateurs et les athlètes.

Mais les prochains Jeux d’été, qui auront lieu en 2016 à Rio de Janeiro au Brésil, méritent eux aussi que l’on s’y attarde, notamment à cause des dérapages liés à la défense de la propriété intellectuelle qu’ils risquent de provoquer.

Les Jeux Olympiques de Rio en 2016 passeront-ils du côté obscur, comme ceux de Londres avant eux ? (Par Stephan. CC-BY-NC-SA).

Les Jeux Olympiques de Rio en 2016 passeront-ils du côté obscur, comme ceux de Londres avant eux ? (Photo par Stephan. CC-BY-NC-SA).


J’avais déjà écrit l’an dernier un billet pour décrire et analyser la situation proprement orwellienne dans laquelle avait été plongée la ville de Londres pendant la durée des JO. Afin de défendre leurs marques et leurs copyright, ainsi que ceux de leurs sponsors, les autorités olympiques avaient déployé un dispositif massif de surveillance et de répression, responsable de nombreux dérapages. Une police spéciale des marques s’en était pris à de nombreux commerçants ; certains médias préféraient employer l’expression "Jeux d’été" à la place de Jeux olympiques pour éviter d’être pris en défaut ; des opposants aux jeux avaient été victimes de censure parce qu’ils avaient détourné des symboles olympiques et le CIO avait même un moment essayé de réglementer la manière dont les spectateurs devaient s’habiller pour pouvoir entrer dans les stades !

Un des nombreux détournements qui ont fleuri en 2012 pour dénoncer la censure exercée à Londres au nom du droit des marques.

Or toutes ces dérives prenaient leur origine dans le vote en 2006 d’un Olympics Game Act par le Parlement anglais, qui avait octroyé au CIO une protection renforcée sur les symboles olympiques ou sur les termes servant à désigner les jeux.

A la fin de l’année 2009, après que Rio ait été sélectionnée comme ville d’accueil des jeux en 2016, le Brésil a lui aussi voté un Olympic Act, comportant toute une partie dédiée à la propriété intellectuelle. Une protection particulière a notamment été accordée à toute une gamme très large de termes et de symboles :

• all graphically distinctive signs, flags, mottos, emblems and anthems used by the International Olympic Committee (IOC) ;
• the names “Olympic Games,” “Paralympic Games,” “Rio 2016 Olympic Games,” “Rio 2016 Paralympic Games,” “XXXI Olympic Games,” “Rio 2016,” “Rio Olympics,” “Rio 2016 Olympics,” “Rio Paralympics,” “Rio 2016 Paralympics” and other abbreviations and variations, and also those equally relevant that may be created for the same purposes, in any language, including those in connection with websites ;
• the name, emblem, flag, anthem, motto and trademarks and other symbols of the Rio 2016 Organizing Committee ; and
• the mascots, trademarks, torches and other symbols in connection with the XXXI Olympic Games, Rio 2016 Olympic Games and Rio 2016 Paralympic Games.

Le texte ajoute que l’usage de ces éléments est interdit, que ce soit pour un usage commercial ou non. Cette précision, qui va au-delà de ce que le droit des marques défend en temps normal (usage dans la "vie des affaires") constitue une brèche par laquelle beaucoup de dérives peuvent s’infiltrer.

Le site Rio 2016 comporte de son côté toute une section dédiée à la politique de marques de l’évènement (The use of Rio 2016 Brand). On peut y constater que le CIO semble une nouvelle fois bien décidé à défendre avec agressivité ses droits de propriété intellectuelle, alors que les excès des jeux de Londres avaient suscité beaucoup de débats.

Les nombreux symboles des jeux protégés comme marques.

On apprend notamment sur cette page que les usages dans un contexte pédagogique des marques liées aux jeux sont encouragés, mais qu’ils devront tout de même faire l’objet d’une approbation préalable par les autorités olympiques…

Is it possible to use the brands for educational purposes ?

Rio 2016™ supports the use of brands, symbols and expressions in the education institutions for learning purposes, as this is a way to involve youths in the Olympic and Paralympic Movements.

Nevertheless, if the brands are used in any educational project whose aim is to obtain sponsorship or support, the use may be submitted to the approval of Rio 2016™.

A vrai dire, le dossier de candidature remis par la ville de Rio au CIO montrait déjà l’importance accordée à cette question de la défense de la propriété intellectuelle. Les mots brand et branding y sont répétés constamment et toute une section (p. 69 et s.) détaille les moyens qui seront mis en oeuvre par le pays d’accueil pour garantir le respect des marques et des droits d’auteur.

On peut d’ailleurs remarquer (p.69) qu’une "police spéciale des marques" sera, comme cela avait déjà été le cas à Londres, mise en place pour s’assurer qu’aucun produit contrefait ne sera illégalement distribué durant la durée des jeux :

Local law enforcement officers will vigorously enforce the brand protection measures, and additional officers will be assigned to properly control counterfeit goods. In conjunction with Rio 2016, Brand Protection Units will be established within the Federal, State and each relevant City Government to combat the distribution and sale of counterfeit goods in the lead up to and during the Games.

Tous les ingrédients semblent donc réunis pour que les mêmes débordements que l’on avait pu déplorer lors des Jeux de Londres se produisent à nouveau, avec un large pouvoir de contrôle délégué par l’Etat à des puissances privées.

A vrai dire, il semble que les premiers effets négatifs de cette brand policy se fassent déjà sentir. Cet article sur un blog juridique brésilien mentionne le cas d’un développeur d’application sommé de retirer la sienne parce qu’elle mentionnait simplement les termes "Olympics 2016", alors qu’il la diffusait gratuitement. Le juriste auteur du billet ne manque de faire un lien avec la formulation beaucoup trop large de l’Olympic Act adopté par le Brésil :

This law, which is much more rigid than any other Brazilian laws relating to intellectual property, does not recognize the so-called "innocent use" or "fair use" [...]

The law gives the same treatment for both commercial and non-commercial use of Olympics related symbols.
This can lead to nonsense situations, where initiatives aimed at informing the public about the Olympics end up being considered as unlawful acts, simply because of the use of the words "Olympics 2016".

Les jeux d’Hiver de Sotchi seront peut-être déjà eux aussi le théâtre de tels accès de Copyright Madness, en plus des débordements homophobes. Mais il faudra surtout bien se souvenir du risque introduit par ces lois orwelliennes imposées par le CIO si un jour Paris ou une autre ville française viennent à être retenues pour accueillir les Jeux Olympiques…


Voir en ligne : Une loi orwellienne de contrôle du langage, déjà votée au Brésil en vue des JO 2016

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