Accueil > 2010 > octobre > “base élèves” : les réalités face aux déclarations du ministère

“base élèves” : les réalités face aux déclarations du ministère

ldh-toulon.net | dimanche 31 octobre 2010

dimanche 31 octobre 2010

Après le communiqué lénifiant publié le 21 octobre dernier par le ministère de l’Éducation nationale, on pourrait penser que la page est tournée et que le fichier “Base élèves” ne pose plus aucun problème.

Il n’en est rien ! Comme vous pourrez le constater, la réalité est très différente. Rappelons tout d’abord que les directeurs d’école qui ont été sanctionnés dans leur emploi, pour avoir défendu le respect de la confidentialité des données personnelles des enfants dont ils ont la charge, n’ont toujours pas été réintégrés [1].

Par la tentative de synthèse que nous proposons, nous voudrions attirer l’attention sur les problèmes importants que continue à poser l’existence de “base élèves premier degré” (BE1D) et de la “base nationale des identifiants élèves” (BNIE). Problèmes soulevés notamment par le Collectif national de résistance à base élèves (Cnrbe) qui considére que « le ministère s’assoit sur le jugement du Conseil d’État » et qui persiste dans son opposition.

Nous nous référons aux décisions du 19 juillet 2010 du Conseil d’État [2] relatives à ces deux “fichiers” telles qu’elles sont mentionnées dans les “notas” qui ont été ajoutés à la suite de l’arrêté du 20 octobre 2008 – ces ajouts sont rappelés ci-dessous.

Dans son communiqué du 21 octobre 2010 – repris également plus bas – le ministère de l’Éducation nationale déclare avoir pris toutes les mesures demandées par le Conseil d’État pour les traitements de données BE1D et BNIE. Il affirme avoir modifié les déclarations à la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) des deux traitements, et avoir reçu de cette dernière deux récépissés datés du 11 octobre ne comportant aucune réserve.

Mais les déclarations à la Cnil ne sont pas publiées, et l’absence de réserve exprimée par la commission n’est pas une preuve de l’absence de problème – chacun a encore présent à l’esprit les problèmes de sécurité du printemps 2007 pour un système qui avait reçu un récépissé le 1er mars 2006.

Insistons sur deux points : le problème de l’opposition et celui des interconnexions.

Le droit d’opposition

Certes le Conseil d’État a annulé l’arrêté du 20 octobre 2008 en tant qu’il interdisait « la possibilité pour les personnes concernées de s’opposer, pour des motifs légitimes, à l’enregistrement de données personnelles les concernant au sein de Base élèves 1er degré ». Mais dans la pratique, cela n’a rien changé : tous les motifs invoqués jusqu’à présent par des parents pour justifier leur opposition à l’inscription de données relatives à leur enfant dans BE1D ont été récusés.

Et dans une note adressée aux recteurs d’académie et aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale, le 7 octobre 2010, la directrice des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale refuse toute légitimité aux différents motifs invoqués jusqu’à présent par des parents pour justifier leur demande. Cette circulaire a été comprise comme une fin de non-recevoir à l’intention des parents.

Les parents d’élèves devront-ils là encore s’adresser à la justice pour faire respecter leur “bon droit” ?

Les problèmes d’interconnexion

Le Conseil d’État a également annulé l’arrêté du 20 octobre 2008 du ministre de l’éducation nationale, « en tant qu’il met en oeuvre un fichier qui permet le rapprochement et la mise en relation de données avec d’autres fichiers, sans que cette modalité d’exploitation du traitement Base élèves 1er degré ait été mentionnée dans la déclaration adressée par le ministre à la Cnil. »

Dans son communiqué du 21 octobre, le ministère affirme avoir « pris toutes les mesures demandées par le Conseil d’État dans les décisions rendues le 19 juillet dernier », mais il ne donne aucune précision sur les interconnexions de BE1D et de la BNIE avec les fichiers des mairies, avec les fichiers des écoles privées, et avec d’autres fichiers du ministère de l’Éducation nationale eux-mêmes interconnectés avec des fichiers d’autres administrations – voir ici et là.

L’article 2 de la proposition de loi Warsmann

Ce dernier point est d’autant plus important que nous sommes actuellement menacés d’une évolution très importante concernant les échanges d’informations entre les différentes administrations.

En effet une proposition de loi dite de “Simplification et amélioration du droit” – ou encore loi Warsmann –, adoptée par l’Assemblée nationale le 2 décembre 2009 et actuellement en cours d’examen au Sénat (première lecture), vise dans son article 2 à autoriser l’interconnexion de tous les fichiers de toutes les administrations [3] :

Article 2

I. - Avant l’article 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 16 A ainsi rédigé :

« Art. 16 A. - I. - Les autorités administratives échangent entre elles toutes informations ou données strictement nécessaires pour traiter les demandes présentées par un usager.

« Une autorité administrative chargée d’instruire une demande présentée par un usager fait connaître à celui-ci les informations ou données qui sont nécessaires à l’instruction de sa demande et celles qu’elle se procure directement auprès d’autres autorités administratives françaises, dont elles émanent ou qui les détiennent en vertu de leur mission. (...)

Deux amendements visent à supprimer cet article :

- l’un, présenté par Pierre-Yves Collombat et les membres du Groupe Socialiste, apparentés et rattachés [4], considère que « ce dispositif complexe d’échanges de données entre administrations et [...] demeure extrêmement flou sur les informations susceptibles d’être partagées et les finalités de ce partage. »

- l’autre, présenté par Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche [5], estime « que l’échange d’informations entre les administrations ouvre des possibilités infinies d’exploitation et de croisements des données hors de l’assentiment des personnes concernées. »

Quand on connait la prédilection de nos gouvernants pour la surveillance de la société, on ne peut que partager l’inquiétude manifestée par le Cnrbe face aux fichage des enfants : « Ces fichiers vont constituer d’énormes banques de renseignements sur les personnes dès leur plus jeune âge, sans aucun débat, sans souci d’information des parents sur les risques de voir la vie de leur(s) enfant(s) et leur(s) parcours “tracés” par ces dispositifs. [6] »


Communiqué de presse du MEN [7]

Exécution des décisions du Conseil d’État relatives à la "base élèves premier degré" et à la "base nationale des identifiants élèves"

le 21 octobre 2010

Le ministère de l’Éducation nationale a pris toutes les mesures demandées par le Conseil d’État dans les décisions rendues le 19 juillet dernier sur les traitements de données "base élèves premier degré" (BE1D) et "base nationale des identifiants élèves" (BNIE).

Dans ses décisions, le Conseil d’État a souligné l’importance de ces bases de données pour le fonctionnement du service public de l’éducation et reconnu la légitimité des deux bases de données contestées. Il en a, par ailleurs, validé l’économie générale et, sur l’essentiel, les données recueillies, ne prononçant que des annulations très partielles et limitées dans leur portée.

En conséquence des décisions du Conseil d’État, aucune suppression de données n’a été nécessaire pour la base élèves premier degré. En particulier, les données relatives à la mention exacte de la catégorie de classe d’intégration scolaire (CLIS) avaient déjà été supprimées par décision du ministre en 2008.

S’agissant de la BNIE, les données enregistrées avant la délivrance d’un récépissé par la CNIL, le 27 février 2007, ont été effectivement supprimées à la date du 30 septembre 2010.

Par ailleurs, les déclarations faites à la CNIL sur ces deux traitements ont fait l’objet de modifications pour lesquelles la CNIL a délivré deux récépissés en date du 11 octobre dernier sans faire aucune réserve ou observation. Pour BE1D, cette modification a permis de confirmer la suppression en 2008 des données relatives à la mention exacte de la catégorie de CLIS. La modification portant sur la BNIE retient une durée de conservation des données fixée à 5 ans après sortie des établissements scolaires du 1er degré au lieu des 35 ans de durée initialement mentionnée.

L’ensemble de ces mesures ont ainsi été prises dans le délai de trois mois imparti par le Conseil d’État. L’utilisation de ces bases est donc à ce jour tout à fait régulière.


Notas ajoutés à l’arrêté du 20 octobre 2008

[Ces notas ont été ajoutés récemment à l’arrêté portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l’enseignement du premier degré tel qu’il est publié sur Légifrance [8].]

Nota : Le Conseil d’Etat, par décision n° 317182 du 19 juillet 2010, article 5, annule l’arrêté du 20 octobre 2008 du ministre de l’éducation nationale, portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l’enseignement du premier degré en tant qu’il interdit expressément la possibilité pour les personnes concernées de s’opposer, pour des motifs légitimes, à l’enregistrement de données personnelles les concernant au sein de Base élèves 1er degré.

Le Conseil d’Etat, par décision n° 317182 du 19 juillet 2010, article 6, annule l’arrêté du 20 octobre 2008 du ministre de l’éducation nationale, portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l’enseignement du premier degré en tant qu’il met en oeuvre un fichier qui permet le rapprochement et la mise en relation de données avec d’autres fichiers, sans que cette modalité d’exploitation du traitement Base élèves 1er degré ait été mentionnée dans la déclaration adressée par le ministre à la C.N.I.L., ainsi que dans cette mesure le refus de l’abroger.

NOTA :

Décision du Conseil d’Etat n° 317182, 323441, en date du 19 juillet 2010 Art. 5 : l’arrêté du 20 octobre 2008 a été annulé en tant qu’il interdit expressément la possibilité pour les personnes concernées de s’opposer, pour des motifs légitimes, à l’enregistrement de données personnelles les concernant au sein de “Base élèves 1er degré”.


Notes

[1] voir http://93.snuipp.fr/spip.php?article1323

[2] Pour ces décisions, voir cette page.

[3] Voir le dossier législatif de cette proposition de loi, sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/dossier-legisla...

Voir également cette page.

[4] Référence : http://www.senat.fr/amendements/201...

[5] Réf http://www.senat.fr/amendements/201...

[6] Extrait du communiqué du Cnrbe daté du 30 octobre : http://retraitbaseeleves.wordpress....

[7] Référence : http://www.education.gouv.fr/cid536...

[8] Voir : http://www.legifrance.gouv.fr/affic...


Transmis par françois collectifs locaux anti-délation

Sun, 31 Oct 2010 22:01:55 +0100

Collectifslocaux-anti-delation


Voir en ligne : “base élèves” : les réalités face aux déclarations du ministère

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.