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La victoire des délinquants

Olivier Cabanel | agoravox.fr | jeudi 16 mai 2013

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La victoire des délinquants
Olivier Cabanel | agoravox.fr | jeudi 16 mai 2013


Après le scandale du mensonge de l’ancien ministre du budget et la découverte de sa fraude, celui-ci envisage, sans le moindre scrupule, de se présenter à nouveau devant les électeurs de sa région, et il est probable qu’il pourrait bien être réélu…

La nouvelle pourrait surprendre, pourtant si l’on regarde attentivement le passé, on réalise qu’il ne s’agit pas d’une première, et que l’affaire Cahuzac n’est hélas qu’un cas parmi tant d’autres.

Pour Claude Guéant, pris dans la tourmente, les affaires ne semblent pas s’arranger puisqu’un nouveau versement, de 25 000 € celui là, en provenance de la Jordanie ne trouve pas d’explication rationnelle, et que la presse ivoirienne s’étonne d’une toile.

Celle-ci, exposée maintenant dans son cabinet d’avocat, offerte lors d’une visite officielle, n’a rien à faire là, puisque la règle voudrait qu’elle fut restituée lors de son départ du ministère. lien

Mais revenons à ces élus qui, malgré leur condamnation, et les fautes prouvées, ont brigué un nouveau mandat, et ont été réélus.

Qui n’a entendu parler du couple Balkany ?

Patrick Balkany, déclaré inéligible par la justice le 7 mai 1996 (lien), puisqu’il avait été pourtant condamné à 15 mois de prison, et à 200 000 francs d’amende, (lien) n’a pas hésité à se représenter, et a été réélu à Levallois avec 42,88% des voix.

Il lui avait été reproché de payer sur les fonds publics son jardinier, une gouvernante, et un homme à tout faire pour s’occuper de son appartement et de sa résidence secondaire.

Encore mieux, malgré les nombreuses casseroles qu’il avait collectionnées, il sera réélu député en 2002, avec 34,47% des suffrages contre 32,72 à son rival.

Et malgré toutes ses condamnations, de nouveau éligible en 2002, il sera réélu maire de Levallois-Perret dès le 1er tour.

Qui se souvient de Jean-Paul Alduy, pris la main dans le sac, ou plutôt dans la chaussette, puisque le frère d’un de ses colistiers, président d’un bureau de vote, avait triché en glissant des bulletins afin de fausser l’élection ?

Il avait dissimulé des bulletins et des enveloppes dans ses poches et ses chaussettes lors du dépouillement de mars 2008.

Son élection a donc été invalidée, ce qui n’a pas empêché les électeurs de lui offrir 40% des suffrages au premier tour de l’élection municipale de Perpignan le 21 juin 2009. lien

François Bernardini, ex militant PS, exclus du parti pour s’être présenté contre un autre socialiste investi par son parti, maire d’Istres de mars 2001 à novembre 2002, condamné à 18 mois de prison avec sursis, 400 000 francs d’amende, et 5 ans d’inéligibilité, sera réélu, les doigts dans le nez en mars 2008 dans sa bonne mairie. lien

Et quid d’Henri Emmanuelli, condamné en 1997 en sa qualité de trésorier du PS pour l’affaire Urba ?

Pourtant les 18 mois de prison avec sursis, et ses 2 ans de privation de droits civiques n’ont pas empêché sa réélection en 2000 d’autant qu’il est devenu président du conseil général des Landes en 2001.

Sa place de député sera confirmée en 2012, puisqu’il sera réélu avec un score de 55%. lien

Quant à Jean-François Mancel, député UMP depuis 2002, il avait été condamné par le tribunal correctionnel de Beauvais pour prise illégale d’intérêt, ce qui devait lui valoir 10 ans d’inéligibilité selon l’article L0130, (lien) il a été relaxé en 2001, puis condamné en 2005 par la cour d’appel de Paris, à 18 mois de prison avec sursis, même si cette même Cour d’Appel avait annulé son inéligibilité, mais confirmait l’amende et la condamnation, et pourtant il a été réélu en 2007. lien

Xavier Dugoin, de l’UMP, devait aimer le bon vin, et suite à la disparition de 1200 bouteilles propriétés du Conseil Général de l’Essonne, il a été condamné en 2000 pour abus de confiance, détournement de fonds publics, falsification de documents administratifs et prise illégale d’intérêt…et aussi impliqué dans d’autres affaires.

Il écopera finalement de 18 mois d’emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d’amende, et de 2 ans d’inéligibilité…il se présentera malgré tout en 2008, et emportera la place de maire à Mennecy.

Il démissionnera, quittant son fauteuil de maire au profit de son fils,(lien) argumentant être contre le cumul des mandats….ce qu’on a de la peine à croire puisque par le passé, il a été à la fois député, (puis sénateur) maire, et président du conseil général. lien

C’était sa 22ème campagne électorale

Pour en finir avec cet accro de la politique, on notera son sens aigu de la famille et des amis politiques, puisqu’outre qu’il avait engagé dans ses effectifs sa propre épouse, on y trouvait aussi l’épouse de Jean Tibéri, 2 proches de Charles Pasqua, une amie de Philippe Seguin, la fille de son épouse, et cerise sur le gâteau sa propre femme de ménage. lien

Maire de Béthune entre 1977 et 1996 le socialiste Jacques Mellick a aussi été député entre 1978 et 1996, jusqu’à l’affaire OM-Valenciennes.

Ill avait démissionné pour avoir été condamné pour « témoignage de complaisance ». en 2002, et suite à l’invalidation de l’élection du maire sortant, il sera réélu dès le 1er tour. lien

La belle aventure se terminera en 2008, où il chutera au 2ème tour face à Stéphane Saint-André pour 160 petites voix. lien

Au parti communiste, Christian Cuvilliez, maire de Dieppe de 1989 à 2001, a été condamné en 2003 par la cour d’appel de Rouen à 1 an de prison avec sursis et à 2 ans de suppression des droits civiques, civils et famille au motif de « détournement de fonds publics et recel ».

En 2007, il a fait acte de candidature lors des municipales de Dieppe et a été réélu en tant que conseiller municipal. lien

On ne peut pas non plus passer sous silence les 16 ans de carrière de Gaston Flosse à la présidence de la Polynésie, puisque malgré toutes les casseroles qu’il a accumulées, malgré le régime de terreur qu’il a fait régner en Polynésie Française, et les condamnations dont il a fait l’objet, s’est présenté et a été élu.

Pourtant l’ardoise était lourde : complicité de tenue illicite de maison de jeux, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics, obstacle à l’exercice des pouvoirs des magistrats, destruction de preuves…ce qui lui a valu en février 2013, 4 ans de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité.

Son avocat a porté l’affaire devant la Cour de Cassation, et celle-ci doit prendre la décision finale fin 2013 ou dans le courant de 2014. lien

A Neuilly, par exemple, un certain Charles Pasqua a été élu de nombreuses fois malgré ses nombreuses condamnations.

En avril 2010, la Cour de Justice de la République, l’avait condamné à un an de prison avec sursis, jugeant qu’il était coupable d’abus de bien sociaux et de complicité de recel dans l’affaire des contrats de la Sofremi…et en mars 2008 il avait déjà été condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis, peine confirmée en appel en septembre 2009, puis en cassation le 8 avril 2010. lien

Ça ne l’a pas empêché de conserver son poste de sénateur jusqu’au 30 septembre 2011. lien

Arrêtons cette liste nauséabonde que l’on pourrait hélas prolonger facilement.

Alors si au soir du 24 mai, Jérôme Cahuzac décide de briguer un nouveau mandat de député, malgré la fraude qu’il a finalement avoué, et malgré les mensonges à répétition, il ne serait pas étonnant qu’il soit réélu. lien

Il y a en France 43 millions d’électeurs, soit autant de potentiels candidats à une élection, et on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’exclure de la candidature tous les élus ayant été condamné une fois…

C’est ce qu’a proposé Daniel Lebègue, président de « transparence international  », en adressant en 2008 un questionnaire aux têtes de liste dans les villes de plus de 100 000 habitants.

Il avait posé entre autres une question : « pensez vous que tout élu condamné pour corruption par une décision judiciaire définitive ne devrait plus se représenter à l’avenir ?  »

Tous n’ont pas répondu, mais sur 10 questionnaires envoyés, il en a reçu 8 remplis, tous favorables à sa proposition. lien

Etonnant dès lors que ces mêmes élus, une fois qu’ils sont en place, n’aient pas la bonne idée d’en faire une loi, puisque, s’il faut en croire ce qu’ils avaient répondu au questionnaire, elle aurait toutes ses chances d’être couronnée de succès.

Mais comme dit mon vieil ami africain : « le singe qui monte au cocotier doit avoir le cul propre  ».

L’image illustrant l’article provient de « la règle du jeu.org « 

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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