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Prison : la France condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme

Franck Johannès | lemonde.fr | vendredi 26 avril 2013

jeudi 2 mai 2013

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Prison : la France condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme
Franck Johannès | lemonde.fr | vendredi 26 avril 2013

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La France a été à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, jeudi 25 avril, pour "traitement dégradant", en raison des conditions de détention dans la maison d’arrêt de Nancy, finalement fermée en 2009.

Enzo Canali, 60 ans, avait été incarcéré pour meurtre à la prison Charles III de Nancy le 24 mai 2006, dans une cellule de 9 m2, avec un autre détenu. Lors d’une fouille de sa cellule, en juin, les surveillants lui confisquent un balai : il proteste, et écrit trois jours plus tard à la directrice de l’établissement pour réclamer son balai et des produits d’entretien. Il en profite pour réclamer une porte aux toilettes de la cellule, séparée par un simple petit muret des lits superposés, à 90 cm de là.

Il y a aussi une fuite dans la chasse d’eau, et "le manque de pression de la chasse d’eau m’oblige à réduire les excréments afin qu’ils puissent s’écouler normalement dans l’évacuation", écrit plus tard le détenu à un magistrat. D’ailleurs, ajoute-t-il, "ce qui est inhumain, c’est de faire ses besoins à la vue de tous". Le plateau de la table n’est pas non plus fixé, une prise électrique déboitée est tout près du lavabo, les cafards croissent et se multiplient dans cette antique prison – construite en 1857 – qui contenait à grand peine 283 détenus pour 262 places.

"ÉTAT D’HYGIÈNE PITOYABLE"

Enzo Canali réclame à nouveau par écrit son balai le 3 juillet, et fait valoir que "son collègue et lui-même étaient dans un état d’hygiène pitoyable". De guerre lasse, il dépose plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges de Nancy le 25 juillet 2006. En octobre, ce dernier estime la plainte irrecevable : il s’agit d’un problème qui relève de l’administration pénitentiaire, et donc du tribunal administratif.

Le détenu fait appel. La Cour lui donne raison et désigne un autre juge d’instruction. Il est enfin entendu par le magistrat en février 2008, mais le 20 janvier 2009, la Cour de cassation décide que les conditions de détention ne relèvent effectivement que du droit administratif. Enzo Canali, qui n’a été détenu que six mois à Nancy, saisit alors en juillet la Cour européenne des droits de l’homme.

Les juges de Strasbourg n’ont pas de standards spécialement exigeants : l’arrêt observe que partager une cellule de 9 m2 "lui permettait de disposer d’un espace individuel de 4,5 m2, réduit cependant par les installations sanitaires (lavabo et toilettes) et les meubles de la cellule (dont une table, un lit superposé et deux chaise)". Ce n’est pas Versailles, mais "un tel taux d’occupation correspond au minimum de la norme recommandée par le Comité européen pour la prévention de la torture" qui ne s’alarme qu’au-dessous de 3 m2 par personne – l’équivalent d’une pièce où l’on pourrait, du centre, toucher tous les murs.

"SÉRIEUX AVERTISSEMENT À LA FRANCE"

Mais la Cour note aussi que "d’autres aspects des conditions de détention sont à prendre en compte", notamment " la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, le mode d’aération, l’accès à la lumière, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base", qui faisaient cruellement défaut à Nancy. D’autant qu’Enzo Canali passait vingt-deux heures sur vingt-quatre en cellule, et que la promenade se faisait dans une courette de 50 m2 où les détenus étaient trop serrés pour même tourner en rond.

Ainsi, "la Cour considère que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d’hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à l’humilier et à le rabaisser". La Cour lui accorde 10 000 des 15 000 euros qu’il réclamait (le gouvernement français avait estimé que 600 euros étaient vraiment un maximum), et 4 784 euros de frais de procédure.

"C’est la première fois qu’est mis en avant le critère de surpopulation", se réjouit Me Patrice Spinosi, qui a obtenu – une cinquième fois – la condamnation de la France sur la question des prisons, au nom de l’Observatoire international des prisons (OIP). "Même si la surpopulation carcérale n’est pas constitutive à elle seule d’un traitement dégradant, c’est un critère à prendre en considération. C’est une avancée remarquable."

Pour l’OIP, il s’agit d’un "sérieux avertissement à la France", qui "doit amener le gouvernement à engager enfin une >politique pénale faisant véritablement de l’emprisonnement un ultime recours, au bénéfice d’une probation renforcée et d’une réduction du champ d’intervention de la justice pénale." 


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