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Irak : l’horreur ordinaire révélée par Wikileaks

| LEMONDE.FR | 22.10.10

samedi 23 octobre 2010

AFP/MAURICIO LIMA

Un Irakien tué par une patrouille de l’armée américaine, le 13 décembre 2003 à Bagdad.

Le Monde, conjointement avec le New York Times, le Guardian, le Bureau of investigative journalism et le Spiegel, a pu consulter en avant-première 400 000 rapports de l’armée américaine en Irak, rendus publics ce vendredi par le site Wikileaks, spécialisé dans la publication de documents confidentiels. Il s’agit des rapports d’incidents, rédigés par les officiers sur le terrain, qui constituent le fichier SIGACTS ("significant activity") des forces américaines de janvier 2004 à décembre 2009. Une masse de documents qui décrivent, jour à près jour, les attentats, les échanges de tirs, les fouilles de caches d’armes, les arrestations, et les violences contre les civils.

Confidentiels, les "rapports d’incidents" ne sont pas classés secret défense. Les documents publiés par Wikileaks ne contiennent pas les rapports des forces spéciales américaines, ni les mémos des services de renseignement. Des évènements majeurs des six années d’occupation couvertes par ces fichiers, comme la mort de quatre mercenaires de l’entreprise Blackwater qui a déclenché la première bataille de Fallouja, en avril 2004, n’y sont évoqués que de manière très brève et imprécise.

L’intérêt de cette masse de documents est ailleurs : les 400 000 rapports jettent un regard nouveau sur le lourd tribut que les populations civiles ont payé à la guerre. Les cadavres de milliers de femmes et d’hommes, victimes d’exécutions sommaires, ont été découverts par les soldats américains. Ces mêmes soldats ont tué au moins six cent civils en six ans aux checkpoints, ou en ouvrant le feu sur des véhicules pris pour une menace. Un nombre indéterminé, et minimisé dans les rapports, d’Irakiens ont été les victimes collatérales des frappes aériennes contre les insurgés.

Les documents montrent également que les violences de la police irakienne, régulièrement minimisées par l’état-major américain, sont une réalité quotidienne des soldats du rang, témoins directs de tortures pratiquées à grande échelle et couvertes par une partie de la hiérarchie policière. Les violences des soldats américains, notamment lors de l’arrestation des suspects, est aussi évoquée par les 400 000 fichiers. Le comportement des forces de sécurité privées, promptes à ouvrir le feu y compris pour les motifs les plus futiles, est également abondamment décrit.

Les fichiers offrent aussi, pour la première fois, un regard “de l’intérieur” sur la conduite de l’occupation et ses pratiques. Ils disent à la fois l’ennui, l’absurdité, le stress du quotidien des soldats.

Le Monde consacre un dossier spécial à ces fichiers irakiens dans son édition du 24-25 octobre, en kiosque samedi à partir de 11 h à Paris et ensuite en province, avec notamment les décryptages des grands reporters du Monde ayant couvert la guerre et l’occupation de l’Irak. L’ensemble de ce dossier spécial, préparé par Patrice Claude, Yves Eudes et Rémy Ourdan, du Monde, et Damien Leloup, du Monde.fr, sera également accessible sur l’édition abonnés du Monde.fr. Au sommaire : les dessous de la saga Wikileaks, le Pentagone face aux révélations, et l’analyse de "l’escalade de la force" et de la "banalité du mal" dans l’Irak occupé.

Pour en savoir plus :

 * Deux moteurs pour explorer les rapports : Diary dig et sur Owni.fr
 * Une carte interactive de tous les morts répertoriés dans les rapports sur le site du Guardian
 * Une journée "ordinaire" de guerre en Irak, sur le site du Guardian

Le Monde.fr


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