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Pax (norte) americana : drones & torture -> La CIA, procureur, juge et bourreau

Philippe Leymarie | blog.mondediplo.net - tempsreel.nouvelobs.com | mercredi 6 & jeudi 14 février 2013

jeudi 14 février 2013

sur cette page

 La CIA, procureur, juge et bourreau
Philippe Leymarie | blog.mondediplo.net | jeudi 14 février 2013
 Tortures de la CIA : 54 pays ont collaboré... mais pas la France
Le Nouvel Observateur | tempsreel.nouvelobs.com | mercredi 6 février 2013


sur le net
 Prisons secrètes de la CIA
wikipedia.org
 EXCLUSIVE : INSIDE A SECRET CIA PRISON IN THE POLISH COUNTRYSIDE
Klaus Brill, John Goetz and Frederik Obermaier | SUDDEUTSCHE ZEITUNG/worldcrunch.com | 2013-02-08
 "Vols secrets de la CIA" : sept ans de prison pour l’ancien chef de la CIA en Italie
Le Monde.fr avec AFP | lemonde.fr | 01.02.2013
 CIA’s secret prison : ‘Poland dragging out investigation’
| rt.com | 27 January, 2013
 Inside Romania’s secret CIA prison
ADAM GOLDMAN , MATT APUZZO | independent.co | THURSDAY 08 DECEMBER 2011
 L’Amérique classe l’affaire des vols secrets de la CIA
Jim Jarrassé | lefigaro.fr | 09/09/2010
 Les vols secrets de la CIA
| amnesty.ch | 27/10/2009
 CIA, vols secrets
Ignacio Ramonet | http://www.monde-diplomatique.fr/2007/03/RAMONET/14507 | mars 2007
 Les vols secrets de la CIA : Comment l’Amérique a sous-traité la torture
Stephen Grey | fnac.com | 28/03/2007
 Quatorze pays impliqués dans les vols secrets de la CIA ?
lefigaro.fr (avec AP et AFP) | lefigaro.fr | publié le 07/06/2006 | Mis à jour le 15/10/2007





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La CIA, procureur, juge et bourreau
Philippe Leymarie | blog.mondediplo.net | jeudi 14 février 2013

Il est le vrai « seigneur des drones », l’homme qui a la haute main sur la « kill list », et sur les assassinats ciblés : John Brennan, conseiller à la Maison Blanche pour le contre-terrorisme — que le président américain Barack Obama veut nommer nouveau chef de la Central Intelligence Agency (CIA), en remplacement du général David Petraeus — devait s’expliquer à nouveau, ce mardi 12 février, devant la commission du renseignement du Sénat, mais à huis clos, sur les engagements en cours en Tunisie, Libye et au Mali. La ratification de sa nomination par le Sénat reviendra à re-légitimer l’usage des drones et des assassinats ciblés, une procédure utilisée dans le secret, sur un mode souvent préventif qui néglige les dégâts humains et politiques. Pourtant, cette nomination signera sans doute également la fin du processus de militarisation de la CIA...

Même si la nomination de John Brennan devrait finalement être entérinée, sa première audition, jeudi 7 février, a été houleuse. Vétéran de la CIA (il y a passé vingt-cinq ans) avant de devenir le « M. drone » de la Maison Blanche ces quatre dernières années, Brennan a subi un feu roulant de critiques :

  • Dans une rare manifestation d’unité politique, les membres démocrates et républicains de la commission du renseignement ont exprimé leur colère envers le manque de transparence de la politique du renseignement menée depuis des années par les présidents des deux bords.
  • Le sénateur indépendant Angus King, par exemple, a estimé que — dans les assassinats ciblés — la CIA joue à la fois le « rôle de procureur, de juge et de bourreau » et a proposé une instance externe de contrôle pour valider les opérations de ce genre.
  • A la veille de la première audition au Sénat de John Brennan, NBC News a révélé la teneur d’une note controversée du ministère de la justice permettant au gouvernement des Etats-Unis de tuer en toute légalité l’un de ses ressortissants lorsqu’il représente « une menace imminente d’attaque violente » de type terroriste. Ce document a notamment essuyé le refus du président Barack Obama de le rendre public.
  • Selon certains sénateurs républicains, il avait soutenu la torture en son temps, et dirigé — après avoir quitté la CIA — l’entreprise Analysis Corporation, soupconnée d’avoir trempé dans des interrogatoires menés dans les prisons secrètes de la CIA, où la torture était pratiquée.

En dernier ressort
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John Brennan a fait front durant son audition, ayant recours à une série d’arguments :

  • « Les Etats-Unis sont toujours en guerre contre Al-Qaida et les forces qui lui sont associées » (la mention faite à Al-Qaida, responsable notamment des grands attentats anti-américains de 2011, induit que « la fin justifie les moyens »).
  • A propos du rôle multiforme de la CIA, dans la désignation comme le « traitement » des cibles, Brennan a fait valoir que les conditions de la lutte antiterroriste sont « spécifiques » [1].
  • « Sénateurs, je vis tout ceci nuit et jour, je me couche le soir inquiet en pensant que je n’en ai pas fait assez ce jour-là pour être sûr d’avoir suffisamment protégé le peuple américain. »
  • Les forces américaines font « extraordinairement attention » à préserver les civils, les victimes « collatérales » de ces frappes de drones sont « bien plus rares que la plupart ne l’imaginent ».
  • Les assassinats ciblés ne sont « menés qu’en dernier ressort, pour sauver des vies ».
  • Il ne « s’agit pas de punir des terroristes pour des actes passés ».
  • Brennan défend la nécessité du secret pour la protection de la défense nationale, même s’il affirme « comprendre les désaccords » avec ce programme d’éliminations ciblées par des drones, cette opposition étant « saine, et une composante nécessaire à la vie démocratique ».
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Un pilote et un opérateur de charge dans une « salle contrôle et récupération » de drones
Image de General Atomics Aeronautical.

La commission du renseignement, au Sénat, n’a d’ailleurs pas été virulente, selon le correspondant du Monde à New-York, Sylvain Cypel [2] : pas question de communiquer au public tout ou partie des 6 000 pages de « mémos » communiquées au dernier moment aux sénateurs-enquêteurs ; aucune mention faite à la notion « d’imminence » d’une menace, invoquée pour justifier une frappe préventive contre un individu ou un groupe, ni sur le nombre de « signature strikes » (assassinats décidés sur la seule foi « d’indices concordants »), ni sur le nombre des « victimes collatérales », ni sur les conséquences politiques des frappes.

Valeurs américaines
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Pour emporter la décision de la commission, John Brennan a cependant été contraint de reculer sur plusieurs points :

  • La question de la transparence : il admet que la CIA a été « trop refermée sur elle-même » et reconnaît que le grand public n’a pas assez été mis au courant de la mise en place de ses programmes secrets.
  • La torture : s’il a refusé de qualifier ainsi le waterboarding (interrogatoire avec simulacre de noyade), prétextant qu’il n’est « pas juriste », Brennan a affirmé que la méthode était illégitime, infructueuse et « non conforme aux valeurs américaines ».
  • La mise en œuvre des drones par la CIA : s’il est désigné à la tête de la centrale de renseignement, Brennan mettrait fin aux missions d’assassinats ciblés « qui peuvent être menées par les militaires » (la CIA ne serait plus en pointe dans ce domaine, mais conserverait néanmoins cette capacité, si on comprend bien l’agent spécial Brennan).

D’ailleurs, la militarisation de la CIA — engagée sous le général Michael Hayden (2006-2009), puis poursuivie par Leon Panetta (2009-2011) et le général David Petraeus (2011-2012) — pourrait connaître un coup d’arrêt avec la nomination de John Brennan, comme le souligne l’édition du 13 février de la lettre confidentielle Intelligence Online.

Bouchées doubles
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Pour l’heure, l’utilisation des drones sur la zone Afghanistan-Pakistan semble plus fréquente que jamais : selon le bilan diffusé par l’U.S. Air Forces Central Command, cinq cent six missiles ont été tirés par des drones en Afghanistan au cours de l’année écoulée. Soit quarante-deux par mois, avec un pic lors du dernier trimestre, où cent soixante-treize missiles ont été tirés (soit cinquante-quatre par mois). « On dirait que le président Obama, désormais réélu, est décidé à mettre les bouchées doubles pour éliminer tous les cadres identifiés des groupes terroristes », souligne Philippe Chapleau sur Lignes de défense.

Sur les quatre mille quatre-vingt-deux armes délivrées au titre d’Enduring freedom et de l’ISAF (opération de l’OTAN), entre janvier et fin novembre, mille trois cent trente-six l’avaient été par des drones. A quoi s’ajoute une quarantaine de frappes de drones au Pakistan voisin. « Va-t-il ajouter à son tableau de chasse des responsables africains de groupes islamistes ? », se demande notre confrère, pour qui ce n’est pas impossible : « Les cibles ne semblent pas manquer au Sahel. En outre, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujoa) est désormais considéré comme un groupe terroriste et donc une cible légitime des drones et opérateurs US [3] ».

En janvier 2012, vingt-six Warrior, cinquante-quatre Reaper et cent soixante et un Predator armés figuraient dans le parc américain. Depuis plusieurs années, l’US Air Force forme plus de pilotes ou opérateurs de drones que de pilotes de chasse [4]. Le parc est également en cours de renforcement, puisqu’une nouvelle génération de drones « Avenger » est en cours d’acquisition : ces machines, les plus lourdes mais aussi les plus furtives des « sans pilotes », d’une valeur de 15 millions de dollars l’unité, pourront voler pendant vingt heures à vingt mille mètres d’altitude, et transporter jusqu’à 1,3 tonne de munitions.

Armes sans risques ?
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La problématique des drones n’est pas simple. Exemple, avec ce qu’écrit cette semaine la lettre confidentielle TTU (n° 878) : « Face aux nombreuses réactions des Eglises, des associations pacifistes et des partis dʼopposition à lʼannonce que le ministère de la défense avait la ferme intention dʼéquiper la Bundeswehr avec des drones de combat, le ministre allemand de la défense, Thomas de Maizière, très remonté, a vivement répondu à ceux qui estiment que ces systèmes dʼarmement font baisser le niveau dʼinhibition dʼengagement dans un conflit.

« Ceux qui critiquent les drones de combat nʼont quʼun seul type dʼengagement en tête, cʼest-à-dire des tirs en régions étrangères dans des guerres qui ne disent pas leur nom », a-t-il affirmé, en rappelant que ce type dʼengagement était exclu par le gouvernement fédéral et que tout engagement armé était précisément encadré par la Constitution et soumis à lʼapprobation parlementaire.

Le ministre allemand a aussi rappelé quʼ« un pilote dʼavion qui tire un missile ne voit pas plus sa cible que sur un écran ». Il a enfin rejeté lʼargument que des armes « sans risques » conduisent à abaisser lʼinhibition de lʼengagement :

« Je ne comprends pas lʼargument selon lequel il serait préférable dʼutiliser une arme qui mette en danger ses propres troupes, plutôt quʼune qui protège la vie de ses soldats », a-t-il asséné, en ajoutant que lʼarc et la flèche avaient précisément été inventés pour toucher lʼadversaire tout en se protégeant. »

Pour aller plus loin :
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- David E. Sanger, Obama – Guerres et secrets, Belin, Paris, 2012.
- Océane Zubeldia, Histoire des drones, Perrin, Paris, 2012.
- Nick Turse, Tom Engelhardt, Terminator planet, Dispatch Books, Lexington, 2012.

Notes

[1] Ainsi, le membre du commando des Seals qui avait tiré sur Oussama Ben Laden, lors de l’assaut mené contre sa demeure en 2011, vient de révéler au magazine Esquire que lui et ses camarades avaient l’ordre implicite de tuer immédiatement le chef du mouvement terroriste.

[2] « CIA : John Brennan défend les assassinats ciblés par drones », Le Monde, 8 février 2013.

[3] Les deux drones Predator en voie d’installation à Agadès, au nord du Niger, après accord en janvier dernier avec les autorités de ce pays, ne semblent cependant pas armés, au moins pour le moment.

[4] Lire laurent Checola et Edouard Pflimlin, « Danse avec les drones », Manière de voir n° 126, « L’armée dans tous ses états », décembre 2012.



tempsreel.nouvelobs.com

Tortures de la CIA : 54 pays ont collaboré... mais pas la France
Le Nouvel Observateur | tempsreel.nouvelobs.com | mercredi 6 février 2013

Les enlèvements et les tortures opérés par les Etats-Unis ont reçu le concours de nombreux Etats. En voici la liste.



La base aérienne Mihail Kogalniceanu, en Roumanie, est suspectée d'avoir servi de prison secrète pour la CIA, ce que le gouvernement roumain dément (photo en 2005) (AP Photo/Vadim Ghirda)

>La base aérienne Mihail Kogalniceanu, en Roumanie, est suspectée d’avoir servi de prison secrète pour la CIA, ce que le gouvernement roumain dément (photo en 2005) (AP Photo/Vadim Ghirda)

Pas moins de 54 gouvernements ont contribué d’une façon ou d’une autre au programme d’enlèvements et de tortures de la CIA. C’est ce que révèle un rapport de l’Open Society Justice Initiative, une fondation créée par le milliardaire George Soros, rendu public mardi 5 février.

L’aide apporté à l’agence américaine a pris des formes diverses : présence d’une prison de la CIA sur son territoire, conduite d’interrogatoires, actes de tortures, abus, assistance à la capture ou au transport de détenus, autorisation de survol du territoire, atterrissages en secret…

"En participant à ces opérations, ces gouvernements ont violé aussi le droit intérieur et international et ont sapé les règles contre la torture" qui est "non seulement illégale et immorale mais aussi inefficace pour réunir des renseignements fiables", dénonce le rapport, intitulé "De la mondialisation de la torture".

Seuls trois pays de l’Union européenne (qui comptait alors 15 membres) ont refusé leur concours : le Luxembourg, les Pays-Bas et la France de Jacques Chirac.

Les 54 gouvernements :

Afghanistan, Afrique du Sud, Albanie, Allemagne, Algérie, Arabie Saoudite Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Canada, Croatie, Chypre, , Danemark, Djibouti, Egypte, Emirats arabes unis, Espagne Ethiopie, Finlande, Gambie, Géorgie, Grèce, Hong-Kong, Islande, Indonésie, Iran, Irlande, Italie, Jordanie, Kenya, Libye, Lituanie, Macédoine, Malawi, Malaisie, Mauritanie, Maroc, Ouzbékistan, Pakistan, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Somalie, Sri Lanka, Suède, Syrie, Thaïlande, Turquie, Yémen, Zimbabwe.

L’Iran a remis dix personnes aux Etats-Unis malgré ses mauvaises relations avec Washington.

136 détenus, au moins

Les prisons secrètes de la CIA, où sont passés notamment les cinq accusés du 11-Septembre, actuellement détenus à Guantanamo, étaient en Thaïlande, Roumanie, Pologne et Lituanie.

Le rapport identifie 136 personnes qui ont été détenues ou transférées par la CIA. Certaines étaient des membres engagés du réseau Al-Qaïda, mais d’autres, nombreuses, ont été arrêtées par erreur lors du vaste mouvement de lutte antiterroriste mené à toute allure par l’administration Bush après les attentats du 11 septembre et maintenues en détention.

Les méthodes d’interrogatoires, autorisées sous George W. Bush, dont la simulation de noyade assimilée à de la torture, ont été largement dénoncées par le président Barack Obama.

Impunité

Mais, selon le rapport, les Etats-Unis n’ont enquêté que "de manière limitée" sur les mauvais traitements aux détenus et n’ont engagé aucune poursuite pénale. L’Italie est le seul pays où un tribunal a condamné des responsables pour leur implication dans ces opérations, le Canada est le seul pays à avoir présenté des excuses à une victime, et à avoir comme l’Australie, la Suède et le Royaume-Uni, versé des indemnités de compensation.

La CIA n’a pas commenté le rapport. "L’impunité dont les responsables jouissent aujourd’hui ouvre la voie à d’autres abus dans des opérations de contre-terrorisme", estime l’Open Society Justice Initiative.

B. L. avec agences



Voir en ligne : La CIA, procureur, juge et bourreau

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