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Banksters : la faim leur profite bien...
Agnès Rousseaux - Nicolas Cori - Vittorio De Filippis | oxfamfrance.org - liberation.fr bastamag.net | mardi 12 février 2013
mardi 12 février 2013
Banques : la faim leur profite bien...
| oxfamfrance.org | mardi 12 février 2013
Quand les banques françaises spéculent aussi sur la crise alimentaire
Agnès Rousseaux | bastamag.net | mardi 12 février 2013
A la faim, c’est toujours la finance qui gagne
Nicolas Cori - Vittorio De Filippis | liberation.fr | mardi 12 février 2013
Banques : la faim leur profite bien...
| oxfamfrance.org | mardi 12 février 2013

Près d’une personne sur huit souffre encore de la faim dans le monde : notre système alimentaire ne fonctionne pas ! La campagne CULTIVONS d’Oxfam analyse les causes et propose des solutions pour remédier à cette insécurité alimentaire mondiale.
De nombreuses causes sont en jeu mais Oxfam a identifié deux phénomènes qui jouent un rôle déterminant : les pics de prix alimentaires qui empêchent d’accéder à la nourriture, et les accaparements de terre, qui privent les paysans de leurs moyens d’existence.
A qui la faute ? Aux Etats bien sûr, qui doivent jouer leur rôle de régulateurs mais aussi aux banques !
Spéculation sur les matières premières agricoles comme si l’agriculture était un marché virtuel, prêts bancaires aux plus gros producteurs européens d’agrocarburants, ou fonds destinés à être socialement responsables qui s’avèrent aussi peu éthiques que les autres : les recherches menées par Oxfam France ont montré la responsabilité des banques françaises, et en particulier de BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole dans cette situation.


Quand les banques françaises spéculent aussi sur la crise alimentaire
Agnès Rousseaux | bastamag.net | mardi 12 février 2013
Quelle est la banque française qui spécule le plus sur les produits alimentaires ? BNP Paribas arrive largement en tête du classement opéré par l’ONG Oxfam. La banque possède des fonds spéculatifs sur les matières premières d’une valeur de 1,4 milliard d’euros. Elle est suivie par Natixis (groupe Banque populaire/Caisse d’Epargne), la Société générale, et le Crédit agricole. Les grandes banques françaises possèdent au moins 18 fonds, et spéculent pour plus de 2,5 milliards d’euros sur les marchés de matières premières.
Classement des banques françaises qui spéculent le plus sur les matières premières (source : Oxfam)
Une financiarisation croissante des matières premières agricoles qui participe à l’insécurité alimentaire mondiale. « Ces banques proposent à leurs clients des outils financiers destinés à parier sur la faim », dénonce Clara Jamart, d’Oxfam France. Ce qui contribue à la flambée des prix alimentaires. Autre inquiétude : la majorité de ces fonds ont été créés en France après la crise alimentaire de 2008. « Au niveau mondial, la tendance est la même : le montant total de ces fonds représentait 90 milliards de dollars en 2011, contre moins de 10 milliards en 2004 », décrit Clara Jamart.
Les prix alimentaires pourraient plus que doubler
Les deux tiers du marché des matières premières agricoles est aujourd’hui détenu par les spéculateurs financiers. Une minorité de produits agricoles demeurent entre les mains des producteurs et commerçants. Le monde à l’envers ! Selon le rapport, moins de 3% des contrats à terme sur des matières premières aboutissent à la livraison d’une marchandise, les 97 % restants sont revendus par les spéculateurs avant leur date d’expiration. Avec pour conséquence une hausse des prix. De 2005 à 2008, les prix alimentaires ont augmenté de 83%, et jusqu’à 181 % pour le blé. Selon Oxfam, les prix alimentaires pourraient plus que doubler d’ici à 2030, aggravant famines et mal-nutrition.
Alors que l’Assemblée nationale examine le projet de loi bancaire qui vise à réguler la finance, l’ONG demande au Parlement de voter l’interdiction de toute forme de spéculation sur les matières premières agricoles. Et enjoint les banques françaises à mettre un terme à leurs activités spéculatives, qui mettent en péril le droit à l’alimentation.
Lire le rapport d’Oxfam.
A la faim, c’est toujours la finance qui gagne
Nicolas Cori - Vittorio De Filippis | liberation.fr | mardi 12 février 2013
Un rapport de l’ONG Oxfam dénonce la spéculation sur les matières premières agricoles, en plein débat sur la loi bancaire à l’Assemblée.
Entre leur réputation et les bénéfices, les banques hésitent. Et un mauvais article peut les inciter à se montrer vertueuses. C’est pourquoi Oxfam France lance aujourd’hui une campagne incitant les établissements français, et notamment BNP Paribas, à arrêter de spéculer sur les matières premières agricoles, une activité qui pousse les prix à la hausse et peut avoir des répercussions catastrophiques dans les pays pauvres. L’ONG espère que son message sera relayé à l’Assemblée, où se discute dès aujourd’hui la loi bancaire. Et vu la timidité du gouvernement sur un tel sujet, la pression de l’opinion sera essentielle.
Un marché détourné pour faire du blé
Afrique, Asie, Amérique latine… La liste des émeutes de la faim n’a cessé de s’allonger. Une première fois en 2008, puis en 2010 et enfin en 2012. Et les organisations mondiales n’ont rien vu venir. De 2005 à 2008, les prix alimentaires ont augmenté de 83%. Du jamais-vu. Pour des raisons aussi diverses que la mode des biocarburants, l’abandon des politiques de stockage, le changement climatique, la hausse des cours mondiaux des céréales - celle du blé a été de 181% sur cette période.
C’est sans compter le phénomène d’une financiarisation à l’extrême des marchés agricoles. Dans son étude « Banques : la faim leur profite bien », Oxfam souligne l’importance que jouent les opérateurs financiers sur les marchés des contrats de dérivés agricoles. Initialement créés pour permettre à des producteurs ou à des acheteurs de denrées physiques de se couvrir contre une évolution défavorable de leur cours, les dérivés agricoles ont été largement détournés de leur but originel. « Depuis l’éclatement de la bulle internet en 2000, de nombreux investisseurs institutionnels, comme, par exemple, les fonds de pension, intègrent des dérivés de matières premières à leurs portefeuilles d’actions », écrit Oxfam.
Résultat : la part de ces investisseurs sur le marché mondial des dérivés agricoles est de plus en plus grande. En 1996, les producteurs agricoles, qui utilisaient les marchés à terme pour se couvrir des risques relatifs à la production du blé, représentaient 88% des acteurs financiers de la Bourse de Chicago, où sont fixés les cours des céréales. Les spéculateurs financiers occupent aujourd’hui 65% de ce marché tandis que les producteurs et autres commerçants seulement 35%…
Les banques françaises en première ligne
Dans cette course à la spéculation tous azimuts, les banques françaises ne sont pas en reste. BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis (groupe BPCE), ces quatre grands groupes hexagonaux reconnaissent être présentes sur le marché des matières premières agricoles. Mais n’admettent pas forcément leur responsabilité en matière de « spéculation ». Championne toute catégorie de cette financiarisation des marchés agricoles, BNP Paribas affiche une valeur totale cumulée de plus d’un milliard et demi d’euros. « Ce qui correspond à près de 55% des volumes financiers investis par les banques françaises sur les marchés dérivés de matières premières », précise Oxfam. La banque a du mal à assumer cette première place, elle qui, dans son dernier rapport sur le développement durable, se dit « consciente du caractère crucial de la sécurité alimentaire pour les populations les plus fragiles » et assure avoir mis en place « des mesures pour s’assurer que [s]es produits ne contribuent pas à déstabiliser ce marché ».
Certes, comparé aux 11,3 milliards investis par les banques allemandes dans des actifs financiers agricoles spéculatifs, les 2,6 milliards de la France sont relativement faibles. « Mais c’est une tendance inquiétante », estime Clara Jamart, d’Oxfam France. Surtout que la plupart des fonds ont été créés après 2008. Et que la hausse de l’indice des prix alimentaires suit parfaitement la hausse des investissements dans des fonds spéculatifs de matières premières agricoles.
Un gouvernement français immobile
Face à cette situation, les autorités font mine de réagir fermement, mais le résultat est inexistant. La loi bancaire, discutée à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, comprend ainsi un article interdisant aux banques de spéculer sur les produits agricoles. Mais uniquement pour leur propre compte, soit « une activité aujourd’hui quasiment inexistante », note l’ONG Finance Watch. En revanche, les banques restent libres d’inventer et de vendre tous types de produits financiers agricoles.
Une situation qui a choqué le député socialiste du Lot Jean Launay et son collègue communiste du Cher Nicolas Sansu. Chacun de leur côté, ils ont déposé un amendement pour étendre l’interdiction aux produits vendus à la clientèle. En commission des finances, Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, s’y est opposé. Motif ? « Il est malaisé de faire la distinction entre une activité tournée vers des clients agricoles qui sont exposés à un réel risque économique et une activité tournée vers des clients non agricoles qui se livrent à une spéculation financière à cette occasion. » Peut-être devrait-il lire le rapport d’Oxfam pour se faire une idée.
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