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L’hébergeur de Wikileaks défend l’anonymat sur le net

Simon Pielter | bakchich.info | mercredi 13 octobre

mercredi 13 octobre 2010

MÉDIAS

Militant radical de la liberté d’expression, Mikael Viborg, l’hébergeur de Wikileaks ou de Pirate Bay, répond à nos questions sur la protection des sources, Julien Assange, le procès de Pirate Bay… et Hadopi.

On connaît désormais un peu mieux Julien Assange, le fondateur de Wikileaks, qui, après la publication de 77000 documents confidentiels sur la guerre d’Afghanistan a réussi à se faire pas mal d’ennemis.

On connaît moins Mikael Viborg, ancien membre de l’équipe du site de téléchargement Pirate Bay, aujourd’hui patron de l’hébergeur suédois PRQ. Ce dernier, installé en Suède, revendique une position militante sur les thèmes de la liberté d’expression, de la protection des sources journalistiques, et de l’anonymat des internautes. Il héberge les sites de Wikileaks, de Pirate Bay mais aussi des sites rebelles tchétchènes ou encore des forums pédophiles.

Dessin de Pakman

Alors que se poursuit le procès en appel de Pirate Bay - le procureur vient de demander la confirmation de la peine d’un an de prison ferme prononcée en première instance, en avril dernier - et tandis que Wikileaks s’apprête à publier de nouveaux documents sur la guerre en Irak, Mikael Viborg nous a accordé un entretien.

Mikaël Viborg
(DR)

Pouvez vous vous présenter ?

 Je suis le principal propriétaire et dirigeant de PRQ. J’ai un master suédois en droit et je suis le porte-parole de l’entreprise pour tout ce qui concerne le droit, la politique et la stratégie de l’entreprise. En ce qui concerne notre approche, nous avons adopté une politique d’indépendance vis-à-vis des entités privés et des autorités, dans la mesure où les lois suédoises le permettent. On ne filtre, censure ou surveille pas nos clients d’aucune manière. On ne garde aucune adresse IP pas plus que des informations sur les entreprises avec lesquelles nous travaillons. On ne conserve qu’un email pour la facturation. Tous nos services sont payables a l’avance et nous n’accordons pas de crédit pour nos services. On se bat pour tous les sujets relatifs à la liberté d’expression ainsi que pour chaque action qui permettrait d’accroître la transparence des gouvernements (Wikileaks en est un exemple). L’entreprise a été fondée sur l’idée que la liberté d’expression et le respect de la vie privée sont des droits qui ne peuvent être restreints mais qui sont au contraire des droits fondamentaux qui garantissent la démocratie et le débat.

Quand avez-vous fondé PRQ ?

 Le site a été fondé juste après le fameux « raid » sur Pirate Bay de 2007

Pourquoi ?

 Pour remplacer l’entreprise qui hébergeait Pirate Bay. L’entreprise s’appelait alors PRQ Inet KB mais elle a dû fermer après les pertes financières massives consécutives à la saisie de tout son matériel par la police. Pirate Bay n’était qu’un de ses clients et j’ai pensé, avec d’autres, que la politique de PRQ de protection l’anonymat des clients et de défense de la liberté d’expression devait continuer à vivre.

Le travail d’hébergeur n’est pas bien connu, pouvez-vous expliquez votre rôle ? Qu’est ce qui fait la spécificité de PRQ ?

 Nous offrons une multitude de services. Le plus souvent nos clients placent leur serveur dans nos locaux et nous leur fournissons l’électricité et la connexion internet sans aucune forme de censure ou d’implication de notre part.

PRQ est connu pour héberger The Pirate Bay, Wikileaks, mais aussi des sites rebelles Tchétchènes ou encore des forum pédophiles. Comment avez-vous pris contact avec eux ?

 Nous ne contactons jamais des clients potentiels pas plus que nous leur faisons de la publicité. Ils nous contactent à chaque fois, le plus souvent anonymement.

Votre bureau a été perquisitionné par la police en septembre dernier. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet épisode et ses conséquences aujourd’hui ?

 C’est un élément de l’offensive multinationale contre ladite « scène ». Pour autant, aucun serveur n’a été enlevé de nos locaux.

Vous parlez souvent de la loi suédoise. En quoi est-elle différente d’autres pays ?

 La loi suédoise offre une forte protection pour la liberté d’expression. Mais elle est comparable aux autres pays occidentaux. Néanmoins, nous avons une protection des sources bien spéciale qui rend illégale pour toutes les autorités de rechercher d’où vient une information journalistique. La protection la plus forte est sans doute celle des fournisseurs d’accès internet qui n’ont aucune obligation de vérifier et d’enregistrer les données de leurs clients. Ils n’ont pas non plus l’obligation d’enregistrer leur activité…pour l’instant. PRQ refuse simplement de garder des documents et conserve, malgré les demandes, l’anonymat de ses clients.

Selon un membre du parti pirate, les Etats-Unis veulent fermer le site Wikileaks. Avez-vous des indications d’une telle volonté ?

 Non, pas jusqu’ici. Nous n’avons été contactés ni par les USA ni par la Suède à propos de Wikileaks.

Avez-vous déjà rencontré Julien Assange ?

 Non, jamais.

Wikileaks a annoncé que de nouveaux documents sur la guerre en Irak cette fois seront publiés prochainement. Seront-ils hébergés par PRQ ?

 Oui, il le seront. En partie, ou principalement.

Que pensez-vous de la démission d’employés de Wikileaks qui dénoncent le management de Julien Assange et sa vision de la liberté d’expression ?

 Ni moi ni PRQ n’avons de commentaire à faire sur la façon dont des individus ou des organisations définissent la liberté d’expression.

Sans dévoiler de secrets industriels, pouvez-vous nous en dire plus sur vos protocoles de sécurité ?

 C’est aux clients d’amener leur propre sécurité via leur hardware, leur software, les mises à jour et le choix des systèmes d’exploitation. Nous fournissons l’anonymat.

Le procès en appel des fondateurs de Pirate Bay est en cours, quel est votre sentiment sur cette affaire ?

 Je suis toujours de l’avis que le premier jugement résulte d’une logique défectueuse, d’une mauvaise interprétation de la loi et d’un problème de compréhension des technologies bittorrent.

Selon Le Local, un quotidien suédois, vous avez été employé par le parti démocrate suédois (l’extrême droite locale) comme conseiller juridique. Est-ce vrai ?

 C’est vrai. Je leur ai fourni des conseils juridiques quand ils voulaient récupérer le contrôle d’un nom de domaine enregistré en Allemagne.

Avez-vous entendu parler d’Hadopi ? Qu’en pensez-vous ?

 Je crois que j’ai lu quelque chose à ce propos. Et bien, je pense que ce genre d’activité qui consiste à poursuivre tout un chacun parce qu’il partage des fichiers va contre les libertés individuelles, mais aussi contre le débat. La disponibilité des contenus doit changer et les auteurs devraient accepter cette idée.

On a l’impression que vous livrez un combat difficile et isolé. Qui sont vos soutiens en Suède et ailleurs ?

 En raison de nos positions sur la liberté d’expression, la protection des sources journalistiques et la transparence des gouvernements, nous sommes soutenus par des journalistes de temps en temps. Bien que, financièrement, nous sommes seuls. Il y a quelques petites entreprises qui ont une approche similaire à la nôtre, et l’on coopère parfois. De manière générale, les fournisseurs d’accès internet en Suède partagent nos positions sur de nombreux sujets.

Pensez-vous que Wikileaks est né de l’échec de la presse traditionnelle ?

 En partie. Mais je pense aussi que Wikileaks est une conséquence inévitable d’internet. Un forum où tout le monde peut dire ce qu’il veut de manière anonyme, peu importe ce qu’en pensent les médias traditionnels.

Pour finir, quels sont les projets de PRQ ?

 Nous consacrons la majeure partie de notre temps à améliorer nos services et à rechercher de nouveaux moyens de garantir encore mieux l’anonymat des clients. Nous essayons d’anticiper les nouvelles lois et de nous y adapter. Notre but est de continuer à offrir dans le futur, les services que nous offrons déjà actuellement.

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