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Le béton pourri du Lyon-Turin

olivier cabanel | agoravox.fr | jeudi 13 décembre 2012

jeudi 13 décembre 2012

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Le béton pourri du Lyon-Turin
olivier cabanel | agoravox.fr | jeudi 13 décembre 2012

Oscar Niemeyer, le grand architecte disparu récemment, avait réalisé des merveilles avec le béton. Mais pour les réaliser, il faut une qualité de béton irréprochable, et dans le cas contraire, la vie des citoyens pourrait fatalement être mise en danger.


Une maladie, appelée par certains le « cancer du béton  », a fait son apparition il y a plusieurs années.

Ce phénomène de désagrégation du béton, appelé carbonatation est due parfois à un trop grand apport d’eau lors de la fabrication du béton : lorsqu’il sèche, il devient poreux, les cavités laissées par l’eau se remplissent partiellement d’air, et le béton, par un processus chimique va être atteint par la carbonatation. lien

Cette acidité s’attaque au ferraillage, provoquant sa corrosion et déstabilisant l’homogénéité du béton armé. lien

Pour éviter ce trop grand apport d’eau lors de la fabrication du béton, il existe aujourd’hui une technologie qui mesure en continu l’hygrométrie d’un béton, « Hydrostop » par exemple, mais tous les bétonneurs n’en sont pas équipés et ont fabriqué parfois des bétons défaillants avec les conséquences que l’on imagine.

Elle peut être aussi due à l’acidité présente dans l’air, cette même acidité qui a provoqué en Europe du Nord la disparition massive des conifères et d’autre part au ferraillage présent dans le béton, fragilisant ainsi celui-ci. lien

Mais ce n’est pas le seul danger qui menace le béton, et 500 habitants de Trois Rivières en savent quelque chose.

Le problème peut venir parfois de l’utilisation d’une roche à haute teneur de Pyrrhotite dans la fabrication du béton.

Les conséquences sont désastreuses car sa présence dans le béton le fragilise, notamment lorsque celui-ci a servi aux fondations, fondations qu’il faudra refaire afin d’éviter l’effondrement des habitations. lien

Encore plus problématique, c’est lorsque la maladie du béton concerne un barrage, comme par exemple celui du Chambon en Isère, lequel a du subir des renforcements pour éviter le pire. lien

C’est un danger identique qu’a provoqué le projet LGV/Fret Lyon Turin.

En effet, lors des études concernant ce projet décrié aujourd’hui des deux cotés de la frontière des Alpes, une galerie de reconnaissance d’environ 4 km a été creusée à Villarodin-Bourget et les matériaux excavés ont été utilisés pour la construction.

C’est cette galerie de reconnaissance qui sert entre autre d’arguments à Jean-Jack Queyranne faisant valoir qu’on ne peut pas abandonner un projet de 26 milliards d’euros, alors qu’on a déjà engagé près de 900 millions d’euros pour les études, et les galeries de reconnaissance.

Or une entreprise de BTP, BRA (Béton Rhône Alpes) filiale des ciments Vicat, a utilisé les matériaux issus des déblais de cette galerie de reconnaissance et dans ces déblais il y avait entre autres de l’anhydrite. lien

L’entreprise a d’ailleurs confirmé que « l’anomalie » est liée « à une procédure d’achat et de recyclage de matériaux (…) avec le chantier ferroviaire Lyon-Turin ». lien

D’ailleurs, largement en amont, un expert géologue avait affirmé que l’on trouverait dans ces déblais du gypse et de l’anhydrite, des roches fragiles, solubles dans l’eau. lien

Les promoteurs du projet avaient pourtant affirmé que les matériaux seraient « triés », même si la plus grande partie des déblais serait réutilisée. lien

Expliqué chimiquement, les ions de ces sulfates provenant essentiellement du milieu extérieur modifient la matrice cimentaire, conduisant à la formation de certains composés chimiques expansifs tels que l’éttringite, le gypse et la thaumasite, provoquant le gonflement du béton qui engendre des fissurations. lien

Comme l’a confirmé la DDA de Savoie, « après analyse chimique, il s’avère que les bétons incriminés contiennent du sulfate potentiellement réactif (anhydrite). L’anhydrite réagit avec l’eau, ce qui se traduit par une très forte augmentation de volume, ce qui entraîne la ruine du béton  ».

Au fil des mois qui passent, la liste des constructions qui ont des problèmes à cause de ce « béton pourri » s’allonge : à St Michel de Maurienne, le pavage d’une petite place rénovée en 2004 s’est soulevé au printemps 2006. Dans la station de ski de Valmeinier, les 170 appartements de luxe représentants 800 lits (Les Hauts de Valméinier et les Grand Panorama) ont été interdits d’accès, car « le béton des fondations se liquéfie au contact de l’eau » explique le maire de la commune, Philippe Baudin. lien

Ces appartements correspondent à 9% du parc immobilier de la commune. lien

Le préjudice serait à la hauteur de 20 millions d’euros

Mais il y a peut-être plus grave : 5 télésièges et 8 téleskis, soit 13 remontées mécaniques, (stations de La Toussuire, St Jean d’Arves, Saint Sorlin et Val Fréjus) ont été construites avec ce matériau défaillant, et après carottages et divers contrôles, les experts ont estimé que la résistance des bétons et la stabilité des fondations n’étaient pas mis en cause, même si la teneur en sulfate était supérieure à la moyenne…donnant ainsi un feu vert, peut-être provisoire, à l’exploitation des remontées mécaniques (lien) même si le télésiège des grandes Drozes et quelques autres ont finalement été détruits et reconstruits. lien

Encore à St Michel de Maurienne, la station d’épuration est en sursis à cause du « béton pourri  », (lien) ainsi que d’autres habitations, 3 chalets privés, au Charbonnières, soit environ 400 lits, ont été détruits et reconstruits.

Les gravats de démolition de ces chalets transportés dans des décharges spécifiques Rhône-alpines s’y ajoutant, l’addition sera lourde (lien) d’autant que la liste des ouvrages défectueux pourrait s’allonger.

Comme le disent les membres de l’association VNEA (Valloire Nature Et Avenir), « sans vouloir alimenter tout vent de panique, mais aussi sans vouloir nous voiler la face, nous pensons qu’il n’y a aucune raison que les dégâts se limitent à quelques bâtiments. Il est possible que d’autres constructions réalisées pendant la période incriminée en Maurienne seront également touchées et cela à plus ou moins long terme  ».

Mais il y a une autre surprise.

On reparle de l’entreprise Truchet (lien), puisqu’elle a refait en 2007 les fondations d’une résidence aux Charbonnières, dont le béton défectueux avait été fabriqué avec les matériaux sortis de la galerie de reconnaissance.  lien

C’est cette même entreprise qui est au cœur d’un conflit d’intérêt supposé, dénoncé par les opposants au projet Lyon-Turin, et relaté entre autres par le « Canard Enchaîné », « Politis », et d’autres médias. lien

Cette entreprise familiale, (lien) dont le Président est Roger Truchet, le directeur général délégué étant Anthony Truchet, a la particularité d’avoir un lien avec un autre Truchet, Guy de son prénom, frère de Roger et membre de la commission d’enquête, laquelle devait donner un avis indépendant sur le projet Lyon Turin.

La commission d’enquête a en effet proposé par écrit à RFF de s’intéresser au terrain de Roger Truchet, afin d’accueillir le quasi million de mètre cubes de déblais, ainsi qu’on peut le découvrir à la page 124 dans le rapport d’enquête : « la commission invite RFF (…) d’étudier le mémoire de l’entreprise Truchet TP, qui propose de mettre à la disposition du projet un terrain de 9 hectares (…) pour y stocker de manière définitive 950 000 m3 de déblais… ». lien

Comme l’écrit le « Canard Enchainé » dans son numéro du 3 octobre 2012 « une affaire : le million de mètre cubes de sable et de gravier (…) peut générer aujourd’hui un chiffre d’affaire de 20 à 50 millions d’euros (…) de quoi recouvrir le conflit d’intérêt  ». lien

Mais revenons à Villarodin-Bourget.

Le creusement de la descenderie de reconnaissance a déjà privé le village du Bourget de toutes les sources d’eau potable alimentant le village, (lien) lézardant les murs des maisons, ce qui devrait faire réfléchir les autres communes menacées par le projet.

A Lanslebourg-Montcenis les conseillers municipaux avaient alerté en vain leur maire, s’inquiétant de l’uranium et de l’amiante, dont LTF (Lyon Turin Ferroviaire) a confirmé la présence dans les 5 à 6 millions de m3 de déblais générés par le tunnel de base, lesquels seraient transportés par téléphérique depuis Venaus, et dont les poussières mettraient en danger la santé des populations. lien

Aujourd’hui l’Europe met en garde la France et l’Italie, leur demandant de revoir leurs positions sur le Lyon Turin, (lien) et le député savoyard Dominique Dord évoquant un « abus de conscience » (lien) a déclaré sur l’antenne de France Inter : « si les chiffres de la cour du compte sont vrais déclarant qu’il n’y a pas d’augmentation, voire même une baisse du trafic de marchandises (lien) alors ça veut dire que depuis 20 ans c’est un gigantesque foutage de gueule auquel on se livre en prenant en otage des élus comme moi ». lien

La coordination des opposants de son coté, pour protester contre les violences subies lors du rassemblement pourtant autorisé du 3 décembre à saisi la ligue des droits de l’homme.

Comme dit mon vieil ami africain : « c’est quand le chariot est cassé que les gens vous disent où il ne fallait pas passer ».

L’image illustrant l’article provient de « www.memoireonline.com »

Merci aux internautes de leur aide efficace.

Olivier Cabanel


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