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Le crime organisé détourne 600 millions d’euros d’aide européenne par an

Ludovic Lamant | mediapart.fr | jeudi 4 décembre 2012

mardi 4 décembre 2012

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Le crime organisé détourne 600 millions d’euros d’aide européenne par an
Ludovic Lamant | mediapart.fr | jeudi 4 décembre 2012

De notre envoyé spécial à Bruxelles

Alors que l’Europe est enlisée dans ses négociations budgétaires, incapable de s’entendre sur son budget pour l’an prochain, le sujet est explosif : de plus en plus d’argent débloqué par Bruxelles atterrit dans les mains du crime organisé. Pour la seule année 2010, des groupes mafieux sont parvenus à détourner 617 millions d’euros des fonds d’aide européens et des ressources propres de l’Union, si l’on en croit une étude présentée lundi au parlement européen à Bruxelles.

« Ce ne sont pas seulement les États membres les plus pauvres, du sud de l’Europe, qui sont concernés », précise Barbara Weiler, une eurodéputée allemande, qui a écrit le rapport, en reprenant une bonne partie des chiffres publiés par l’Olaf, l’office européen de lutte antifraude. Cette socialiste fait partie d’une commission parlementaire mise sur pied en mars, sur le crime organisé, la corruption et le blanchiment d’argent, dont les conclusions seront rendues courant 2013.

Parmi les exemples les plus médiatisés de ce type très particulier de fraude figure celui de Vito Nicastri, un homme d’affaires sicilien, qui a fait fortune grâce au boom de l’éolien, jusqu’à développer 43 sociétés dans le secteur. Les champs d’éoliennes, construits avec des subventions publiques de l’Italie comme de l’Europe, lui servaient à blanchir l’argent de la mafia de Cosa Nostra. Celui que l’on surnommait « le seigneur du vent » a été arrêté en septembre 2010, avec une dizaine de complices, dont certains de ses relais au sein de la classe politique locale.

« La corruption liée aux activités de la mafia en Italie concerne surtout des fraudes via les fonds de soutien à l’agriculture, nuance Barbara Weiler. Mais ces personnes se déplacent aujourd’hui au Nord, et sont désormais impliquées dans de grands projets d’infrastructure (...) À cause de la crise, beaucoup de gens sont obligés de quitter leurs terrains, ce qui permet à la mafia de reprendre beaucoup de terres à des prix bradés, et de pouvoir toucher des aides européennes pour l’utilisation de ces terrains. »

Mario Nikolov en 2010 au tribunal de Sofia.Mario Nikolov en 2010 au tribunal de Sofia.

Autre cas significatif, en Bulgarie : l’homme d’affaires Mario Nikolov a été condamné en 2010 à 12 ans de prison, pour avoir détourné 7,5 millions d’euros du fonds européen « Sapard » d’aide à l’agriculture (aujourd’hui disparu). Avec son complice Lyudmil Stoykov, il blanchissait de l’argent sous couvert de développement d’activités d’élevage en Bulgarie.

« Presque dans tous les cas de figure, l’abus des fonds de l’UE n’arrive pas seul. Il est lié à d’autres activités criminelles, qui diffèrent selon les cas », analyse un autre rapport parlementaire sur le sujet, publié l’an dernier (et plus complet : à télécharger ici). Cette diversité rend les politiques de prévention plus difficiles à mettre en place.

En tout, 13 631 « irrégularités » ont été repérées par l’Olaf sur l’année 2010, c’est-à-dire des cas d’usage frauduleux de fonds européens. Cela représente environ deux milliards d’euros de manque à gagner pour l’Union, d’après des extrapolations, très fragiles vu la nature des flux, de l’office antifraude. Un gros quart de ce gâteau partirait pour le crime organisé.

Ces estimations ne prennent pas en compte les fraudes à la TVA, un éventail de techniques qui permettent à des entreprises, souvent au travers de l’ouverture de sociétés écran dans d’autres États membres à la fiscalité plus avantageuse, de contourner ces impôts. Là encore, le manque à gagner est estimé à plusieurs milliards d’euros par an. La commission spéciale du parlement réfléchit à la création d’un bureau européen des marchés publics, qui renforcerait la surveillance, et faciliterait la coopération entre Bruxelles et les États membres.

En attendant, ces chiffres jettent un éclairage cru sur les débats en cours sur le budget de l’Union. Les chefs d’État et de gouvernement semblent incapables de s’entendre sur l’enveloppe budgétaire de l’Union pour les sept ans à venir. Or, au-delà du volume global de l’aide, c’est aussi la question de l’utilisation des fonds qui fait débat. François Hollande, lors de sa campagne présidentielle, avait plaidé pour une « meilleure utilisation » des fonds structurels (lire notre article à l’époque). Il semble que la question ait à présent disparu de l’agenda, en tout cas du côté du Conseil européen.


 

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Transmis par Erual
 Tue, 4 Dec 2012 17:20:38 +0100 (CET)
 

 
 


Voir en ligne : Le crime organisé détourne 600 millions d’euros d’aide européenne par an

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