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Hen : le nouveau pronom neutre qui fait polémique en Suède

Nathalie Rothschild | slate.fr | dimanche 27 mai 2012

samedi 24 novembre 2012

slate.fr

Hen : le nouveau pronom neutre qui fait polémique en Suède
Nathalie Rothschild | slate.fr | dimanche 27 mai 2012

La Suède tente de se débarrasser de ses « il » et « elle » en les remplaçant par le pronom neutre « hen ». À tort ou à raison ?

Capture d'écran du catalogue Leklust

Pour la plupart des gens, la Suède est un
paradis pour femmes libérées. On y trouve le taux d’emploi féminin le plus
important au monde et environ 2/3 des diplômes sont obtenus par des femmes. Le
congé parental y dure en moyenne 480 jours, dont 60 exclusivement réservés aux
papas, ce qui fait que, pour certains, ce pays a ouvert la voie à un nouveau
type de masculinité
nourricière
. En 2010, le Forum économique mondial avait désigné la Suède
comme le pays le plus sexuellement égalitaire du monde.

Mais pour de nombreux
Suédois, l’égalité des sexes ne suffit pas. Beaucoup font pression pour que la
nation nordique ne soit plus simplement sexuellement égalitaire, mais
devienne sexuellement neutre.

Selon cette idée, le gouvernement et la
société ne devraient plus tolérer la moindre distinction entre les sexes. Plus
spécifiquement, la société devrait prendre davantage
en considération les individus pour qui l’identité ne relève ni du masculin ni
du féminin, y compris en autorisant n’importe quel type de couple à se marier.

Mais c’est là le côté le
moins radical du projet. Pour de nombreux militants de la neutralité sexuelle,
la société devrait viser à effacer totalement les stéréotypes et les rôles
sexuels traditionnels, y compris aux niveaux les plus terre-à-terre.

Spiderman et sa poupée

Ces militants font du
lobbying pour que les parents puissent choisir n’importe quel prénom pour leur
enfant (actuellement, la Suède reconnaît officiellement 170 prénoms unisexes). L’idée
consiste
à ne pas lier les prénoms au sexe et
autoriserait donc les parents à appeler, par exemple, une fille Jack ou un
garçon Lisa.

Une marque de vêtements
pour enfants suédoise a supprimé les rayons « fille » et « garçon » de ses
magasins, et l’idée d’habiller les enfants de façon neutre a été largement débattue sur la blogosphère parentale. Pour ce catalogue de jouets suédois, le changement consiste à présenter un petit garçon
déguisé en Spiderman poussant un landau rose, tandis qu’une petite fille en
jean conduit un tracteur jaune.

La fédération suédoise
de bowling a annoncé son
intention
de fusionner les tournois féminins et
masculins afin de neutraliser ce sport. Des politiciens sociaux-démocrates ont
proposé
l’installation de toilettes neutres pour
que les citoyens ne soient plus obligés de se catégoriser en dames ou
messieurs.

Dans de nombreuses
écoles maternelles, toutes les références au sexe des écoliers ont été
supprimées et le personnel choisit désormais de s’adresser aux enfants par
leurs prénoms ou en utilisant le terme de « copains ».

Ainsi, un enseignant va plutôt
dire « bonjour les copains » ou « bonjour Lisa, Tom et Jack » que « bonjour les
filles et les garçons ». Ce qui répondrait aux directives du ministère de
l’éducation nationale incitant les écoles maternelles à « contrer les schémas et les rôles sexuels traditionnels » et à
offrir aux enfants « des opportunités
identiques de tester et de développer des aptitudes et des intérêts sans être
limités par des stéréotypes sexuels »
.

L’entrée du pronom « hen » dans l’encyclopédie

Au début du mois, le mouvement
pour la neutralité sexuelle a franchi une étape importante : quelques jours
après la Journée internationale des femmes, un nouveau pronom, hen [hɛn], fut ajouté à la version numérique de l’Encyclopédie nationale
suédoise.

L’entrée
définit hen comme une « suggestion
de pronom neutre remplaçant il [han,
en suédois] et elle [hon] »
.
L’annonce de l’Encyclopédie nationale s’est faite au beau milieu d’un débat
houleux sur la neutralisé sexuelle agitant les colonnes des journaux, les
plateaux de télévision, les blogs parentaux et autres sites féministes.

Une polémique déclenchée par la publication du
premier livre pour enfants sexuellement neutre, Kivi
och Monsterhund
(Kivi et Monstrochien). Il raconte l’histoire de Kivi,
personnage voulant un chien pour son
anniversaire. L’auteur, Jesper Lundqvist (un homme), introduit de nombreux
termes neutres dans son ouvrage, en remplaçant par exemple mammor et pappor (mamans et
papas) par mappor
et
pammor.

Un journal plein de « hen »

Le magazine gratuit Nöjesguiden, dédié à l’art de vivre et distribué dans les grandes
villes suédoises à peu près sur le même modèle que Village Voice, a récemment sorti un numéro employant hen dans
tous ses articles.

Dans sa chronique, l’écrivain
Kawa Zolfagari déclare « L’égo masculin
est parfois dur à porter. J’ai personnellement tendance à mal le prendre quand
une amie qui a souffert du sexisme ou qui a été blessée par un type quelconque
se met à dégoiser des généralités sur les hommes. Je me dis parfois ’hen me connaît, hen sait que je ne suis pas un idiot,
alors pourquoi parle-t-hen
ainsi de tous les hommes ? »
.

Pour la rédactrice en chef de Nöjesguiden, Margret Atladottir,
hen devrait être inclus dans le dictionnaire de l’Académie suédoise,
l’institution qui remet chaque année le Prix Nobel de littérature.

Ambitions linguistiques ou politiques

Hen fut mentionné pour la première fois par des linguistes
suédois au milieu des années 1960 puis, en 1994, c’est le linguiste Hans
Karlgren, aujourd’hui décédé, qui suggéra son ajout en tant que nouveau pronom personnel, principalement pour des raisons pratiques. Karlgren essayait d’éviter l’embarras du il/elle, engluant
l’écriture, et voulait inventer un terme unique pour « nous permettre de parler d’une personne sans avoir à préciser son
sexe »
. Selon lui, l’initiative allait permettre d’améliorer la langue
suédoise et de lui conférer davantage de nuance.

Mais aujourd’hui, les partisans
du hen ont des ambitions politiques bien spécifiques. Par exemple, le
livre de Lundqvist est publié chez Olika, une maison d’édition dont le nom
signifie « divers ou différent ». Olika ne publie que des livres qui « défient les stéréotypes, les normes
obsolètes et les traditions dans le monde de la littérature »
.

On trouve ainsi dans son
catalogue 100
möjligheter Istället för 2 !
 (« 100 possibilités 
plutôt que 2 ! »), un livre pour les adultes qui « veulent donner aux enfants davantage d’opportunités dans un quotidien
emprunt de stéréotypes sexuels »
 ; et Det
var en gång … en ritbok !
(« Il était une fois...un
livre de coloriage ! »), le premier livre de coloriage « sexuellement critique »
pour enfants qui « défie les conceptions
traditionnelles et discriminantes des filles, des garçons, des hommes et des
femmes »
.

La polémique « hen »

Mais de telles ingérences
politiques dans la grammaire suédoise sont loin de faire consensus. Dans une
récente interview pour le magazine Vice, Jan Guillou, l’un des plus célèbres écrivains
suédois, évoquait les partisans de hen
comme des « militants féministes qui
cherchent à détruire notre langue »
.

D’autres détracteurs pensent
que son emploi peut s’avérer psychologiquement et socialement délétère, en
particulier pour les enfants. Elise Claeson, chroniqueuse et ancienne
responsable des questions d’égalité au sein de la Confédération suédoise des
associations professionnelles, avait ainsi déclaré que l’idée d’un « entre-deux »
sexuel pouvait troubler les jeunes enfants en plein développement cérébral et
corporel. Pour Claeson, les adultes ne devraient pas déranger les enfants dans
leur découverte du genre et de la sexualité. Interrogée par le quotidien Dagens Nyheter, elle déclara
que les « idéologues du genre » avaient réussi à s’immiscer dans les programmes
scolaires nationaux et faire que les écoles luttent activement contre les rôles
sexuels.

Les stéréotypes à l’école

Claeson n’a peut-être pas tort.
Le système scolaire suédois s’est lancé à corps perdu dans ce nouveau programme
et son adoption s’est sans doute fait avec un peu trop d’enthousiasme et de
rapidité. A l’automne dernier, 200 enseignants s’étaient rendus à une grande conférence, organisée sous l’égide du gouvernement, et qui visait à
débattre des manières d’éviter les « schémas sexuels traditionnels » à l’école.

A Egalia, une école maternelle modèle de Stockholm tout –de la
décoration aux livres, en passant par les jouets– est méticuleusement choisi
pour promouvoir une perspective sexuellement égalitaire et éviter ainsi les
visions traditionnelles du genre et des rôles parentaux. Les enseignants
tentent d’exposer le moins possible les écoliers à des « expressions genrées ». A
Noël, le personnel d’Egalia a réécrit les paroles d’une chanson traditionnelle
en « hen fait des gâteaux toute la journée ».

Quand les enfants jouent à la
famille, ils sont incités à placer des « maman, papa, enfant » dans leurs univers
imaginaires, mais aussi des « papa, papa, enfant » ; des « maman, maman, enfant » ;
des « papa, papa, sœur, tata, enfant » ; ou n’importe quelle autre
configuration domestique moderne.

Une adaptation normative ?

Pour ceux qui ont le sentiment
que l’égalité sexuelle ou la neutralité sexuelle sont des notions intrinsèques
à la société moderne, défendre l’instillation de telles valeurs au plus jeune
âge relève probablement de la logique. Les Verts suédois ont même suggéré la
mise en place de « pédagogues du genre » dans toutes les écoles maternelles de
Stockholm, la capitale suédoise, afin qu’ils puissent agir en « chiens de garde »
du processus. Mais évidemment, en termes d’interventions linguistiques, les
nourrissons ne peuvent soupeser les arguments de chacune des parties et ne
conçoivent ni n’analysent les rôles sexuels comme le font les adultes.

L’ironie de la chose, c’est
qu’en voulant absolument libérer les enfants suédois de comportements
soi-disant normatifs, les partisans de la neutralité sexuelles les soumettent à
tout un ensemble de nouvelles lois et de nouvelles normes, vu que
certains types de jeu deviennent tabous, que le langage se voit régulé, et que
les interactions et les attitudes des enfants sont scrupuleusement observées
par les enseignants.

Une école suédoise s’est ainsi débarrassée de toutes ses petites voitures car les garçons y
assignaient des « codes genrés » et les considéraient comme symboliquement
supérieures aux autres jouets. Une autre école maternelle a préféré supprimer
toutes les plages de « jeu libre » de son emploi du temps car, comme l’a expliqué un de ses pédagogues, c’est quand les enfants sont livrés
à eux-mêmes que « naissent et s’enracinent
les stéréotypes sexuels. Quand ils jouent librement, on retrouve de la
hiérarchie, de l’exclusion et les fondements du harcèlement »
.

Et c’est ainsi que le moindre
petit détail des interactions enfantines sera soumis à la microgestion
d’adultes préoccupés, des adultes qui en viendront à problématiser l’existence
des enfants dans ses aspects les plus dérisoires, que ce soit leurs manières de
se faire des amis, le type de jeux qu’ils jouent ou le genre de chansons qu’ils
chantent. 

Nathalie Rothschild

Traduit par Peggy Sastre

 
 

****
Transmis par Yves B.
 Sat, 24 Nov 2012 23:19:06 +0100
 

 
 


Voir en ligne : Hen : le nouveau pronom neutre qui fait polémique en Suède

Messages

  • Des catalogues de jouets révolutionnent les genres
    Chloé Woitier | lefigaro.fr | lundi 5 novembre 2012

    Pour Noël, les Magasins U ont distribué un catalogue où la plupart des clichés sexistes sont inversés. D’autres enseignes spécialisées dans le jouet préfèrent elles abandonner les sections « filles » et « garçons » au profit de pages thématisées et unisexes.

    Un petit garçon qui tient dans ses bras un poupon et joue à faire la cuisine, une petite fille qui s’amuse avec une voiture télécommandée ou une grue... le catalogue de Noël des Magasins U a agréablement surpris plusieurs parents, qui n’ont pas manqué de partager leur contentement sur les réseaux sociaux. Exit les pages « garçons », remplis de jeux d’aventures et d’imaginaire, et les pages « filles », dévolues aux activités maternantes, ménagères et de séduction (maquillage, coiffure, bijoux) ; ici, les clichés sont détournés.

    « On avait pour tradition de mettre dans nos prospectus des garçons qui font du bricolage et des filles qui jouent à la dînette. Mais plusieurs parents nous ont fait remarquer que ça ne se passait pas forcément comme ça chez eux », explique-t-on chez les Magasins U. « Ça nous a fait réfléchir, et on a décidé de mettre en scène ces situations dans notre catalogue. » Mais l’enseigne de moyennes et grandes surfaces retoque tout militantisme. « On a écouté une demande de notre clientèle. Nous sommes avant tout des commerçants ! »

    Catalogues « garçons/filles » ou catalogues thématiques

    La question des catalogues de jouets sexistes interpelle depuis plusieurs années associations féministes, égalitaristes mais aussi simples parents. « À l’heure où, dans la société, les femmes ont conquis certaines sphères professionnelles et politiques réservées aux hommes, pourquoi les jouets continuent-ils de refléter une division si archaïque des rôles sociaux ? », s’interrogeait en 2006 l’association Mix Cité, qui a organisé de nombreux happening dans les magasins de jouets au cours des dernières années et rencontré à ce propos la Halde en 2010.

    Les choses ont-elles changé aujourd’hui ? Un coup d’oeil aux catalogues de Noël actuellement distribués dans les boîtes aux lettres montrent que les pages « filles » et « garçons » ont encore la cote dans les prospectus des hyper et supermarchés. A contrario, les enseignes spécialisées dans le jouet ont évacué ces pages au profit d’un découpage thématique : jeux d’extérieur, d’imitation, de constructions, créatifs... « Cela fait dix ans que nous étudions cette problématique », explique au Figaro Franck Mathais, directeur des ventes et des relations clients chez La Grande Récré. Pour cette grande enseigne, le prospectus des Magasins U n’est pas un exemple à suivre.

    « On pose un regard d’adulte sur des problèmes d’enfants. Or, l‘enfant veut faire comme à la maison et imiter ses parents. Il va reproduire ce qu’il voit. Chez lui, son père peut faire la vaisselle et sa mère le bricolage, ou bien l’inverse. Du coup, nous préférons nous adresser à l’enfant, dans le catalogue comme en magasin, de manière universelle, et non segmentante. Un aspirateur sera présenté comme une activité unisexe, et pas réservée aux filles ou aux garçons », détaille Franck Mathais.

    Des jouets d’imitation unisexes

    Dans cette optique, l’enseigne a développé la gamme de jouets Tim&Lou, qui propose aux enfants des jouets d’imitation unisexes. Le bleu et le rose sont bannis au profit de couleurs neutres, comme l’orange, le violet ou le vert. Sur l’emballage, un garçon et une petite fille sont dessinés « en situation ». Ainsi, la caisse à outils met en scène Tim avec une perceuse et Lou avec un marteau.

    « C’est une gamme nationale, disponible uniquement dans notre réseau, qui monte en puissance depuis plusieurs années », explique le responsable de La Grande Récré. Mais selon lui, il sera difficile de voir les géants du jouet, qui ciblent un marché mondial où on ne se pose pas forcément les mêmes questions sur les relations hommes-femmes, fabriquer des jouets similaires. « Nous avons répondu à une problématique nationale avec cette gamme. »

    Toutes les activités peuvent-elles être « désexualisées » de la même manière que le bricolage ou le ménage ? Pour Franck Mathais, tout dépendra de l’évolution de la société. Actuellement, les activités de pouponnage sont les plus difficiles à ouvrir aux garçons. « On ne peut pas dire aux garçons de “jouer à la maman”, ce n’est pas logique. Il faudrait les faire “jouer au papa”. Mais ça veut dire quoi ? Ça reste très flou et très nouveau. Pouponner son enfant reste encore une tâche majoritairement féminine. Nous sommes à l’écoute des parents et des enfants pour faire évoluer nos gammes, mais cela ne se fera que très lentement, au rythme de la société. »

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