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Drogues, dépénaliser ou légaliser ?.. l’irrationnel et les irresponsables du tabou... (3 truks)

Michel Koutouzis - Olivier Cabanel - Michel Hautefeuille & Emma Wieviorka | blogs.mediapart.fr - agoravox.fr - liberation.fr | jeudi 18 et vendredi 19 octobre 2012

samedi 20 octobre 2012


- Les drogues, l’irrationnel et les irresponsables
Michel Koutouzis | blogs.mediapart.fr | vendredi 19 octobre
- La drogue, ce tabou...
Olivier Cabanel | agoravox.fr | vendredi 19 octobre 2012
- Drogues : dépénaliser ou légaliser ?
Par Michel HAUTEFEUILLE Psychiatre addictologue au Centre médical Marmottan et Emma WIEVIORKA Psychiatre à l’hôpital Ville-Evrard | liberation.fr | jeudi 18 octobre 2012


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Les drogues, l’irrationnel et les irresponsables
Michel Koutouzis | blogs.mediapart.fr | vendredi 19 octobre

Les toutes dernières saillies de l’opposition, en particulier celle de Rachida Dati envoyée au front comme « spécialiste » (vu son expérience familiale en la matière), et la sèche réponse de Matignon comme quoi « il n’y aura pas de changement à la loi de 1970 », indiquent, comme le faisait remarquer le regretté Peter Cohen (La culture de l’interdit du cannabis, Université de Gent, 3 décembre 2007), que tout débat sur ce produit relève de la religion. Comment expliquer autrement que les dizaines d’études, d’interventions, de résultats, de faits, n’ont aucune influence sur la croyance qui a engendré la loi de 1970 en France, et sur l’impossibilité de la changer en fonction des acquis scientifiques, des résultats concernant non seulement l’usage (la France est devenue la plus grande consommatrice de cannabis en Europe), mais aussi de trafic et ses effets (néfastes) concernant la justice, la police et en fin de compte l’Etat de droit, l’égalité et l’équité dans ce pays. 

La levée des boucliers moralistes et irrationnels contre la politique de la réduction des risques concernant l’héroïne tout au long des années 1990, n’a pas – heureusement -, sabordé cette initiative enclenchée par les professionnels en la matière et ainsi - personne n’en parle non plus -, a enrayé puis fait disparaître le long cortège des victimes de cette drogue en France. Ce résultat positif qui a sauvé des centaines de vies et a enrayé sérieusement l’épidémie du SIDA dans notre pays, (et qui s’est faite en dépit de la lettre et de l’esprit de la loi de 1970), est sans doute le meilleur résultat de la lutte contre les drogues enregistré par la France, et Paris, au lieu de marmonner sur ses applications futures (sales dites d’injection par exemple), devrait en tirer fierté et la partager avec le (peu) de pays européens qui n’ont pas encore mis en place cette politique.

Tout dogme est difficile à contester, il appauvrit la pensée, dénude d’intelligence tout débat, le faisant traîner dans les limbes du n’importe quoi, des platitudes et des idées reçues. En ce sent, le débat sur le cannabis, en particulier, et les drogues, en général, reste eschatologique. Or, figer un problème, le faire entrer dans une glaciation de l’entendement, n’aide en rien à le résoudre. Bien au contraire : les effets pervers directs et les dommages collatéraux de cette politique sont désormais visibles à l’œil nu. Multiplication et rajeunissement des consommateurs, inégalité devant la loi, compromissions et corruptions de ceux qui sont en charge de cette politique, conflits perpétuels entre les juges et les forces de l’ordre, découragement de ces derniers par leur supplice de Tantale imposé, insertion des fonds illégaux dans l’économie par la corruption, apparition de nouvelles générations d’une criminalité organisée, abandon des espaces de la République qu’ils soient situés dans les quartiers sensibles ou dans le monde de la banque au point qu’Antonio Maria Da Costa, directeur de l’UNODC pouvait affirmer que l’argent des trafiquants de drogue injectés à l’économie financière a sauvé les banques de la crise financière (The economics of crime, avril 2011, Costa corner, htpp//www.antoniomariacosta.com). 

Le débat sur le cannabis devrait porter beaucoup plus sur le Rif marocain, où en quinze ans les cultures se sont multipliées par trois, posant de graves problèmes écologiques, politiques et sociaux, des luttes pour la terre irrigable et une corruption assumée aux plus hautes sphères de l’Etat. Le débat sur les drogues devrait assumer que depuis l’intervention en Afghanistan ce pays est devenu le premier producteur d’opium, que désormais il contrôle toutes les phases de cette production exportant massivement, de l’héroïne multipliant les voies d’acheminement maritimes et asiatiques, tandis que sous les Talibans la production était proche de zéro. L’Etat devrait, s’il était vraiment responsable réfléchir sur la mexicanisation de nos banlieues et de nos Dom Tom antillais, et prendre justement plus au sérieux ce qui se passe au Mexique et aux Caraïbes où justement les responsables politiques, observant une déperdition dramatique de l’Etat de droit exigent la fin de la « guerre à la drogue » et d’une prohibition forcenée qui a jadis permis toutes les interventions musclées des USA sur le sous continent latino-américain et la criminalisation du politique. Enfin, l’Etat responsable devrait, avant de lancer des cris de guerre hallucinants, observer la gangrène financière qui entraîne une culture de l’illégalisme, basée sur l’appât du gain. Lorsque le commissaire européen Olin décrit le monde comme régit par la cupidité et la peur, il ne parle pas des caïds des quartiers, mais bien de nos hommes d’affaires, de nos financiers et il serait naïf de la part des gouvernants de croire que cela n’a aucune incidence sur justement ces apprentis caïds. Ceux qui prônent un débat et souhaitent la fin d’une politique qui a fait ses preuves criardes d’inefficacité sont responsables. Sont irresponsables ceux qui s’attachent désespérément à un dogme désuet, tandis que ceux qui évitent le débat, laissant les sondages et leurs communicants décider à leur place, le sont encore plus. 

Les libertés que l’on prend avec des structures, des hommes et des Etats dès lors qu’ils semblent garantir la lutte contre nos phobies élémentaires issues d’un monde instable, ou, trivialement, par pur intérêt économique ont comme conséquence la déperdition des règles les plus élémentaires de l’Etat de droit, pour ne pas introduire ici d’autres, tout aussi fondamentales et qui concernent l’éthique et la morale. C’est au sein de ce no man’s land de l’arbitraire juridique et institutionnel —et sur lequel on agit si peu—, que naît et se développe le crime polymorphe organisé.

Nos gouvernants devraient faire l’effort d’aller voir Sauvages le dernier film (plutôt médiocre) d’Oliver Stone, qui traite justement de tous les sujets inhérents à la drogue, cette mixture d’une modernité bourgeoise googelienne qui se voudrait zen et carburant au tetrahydrocannabinol au contact de la sauvagerie des cartels et s’épanouissant grâce aux compromissions d’une police corrompue jusqu’à l’os qui devient de la sorte partie pérennisant du problème. Soldats perdus de l’Irak recyclés à l’industrie de l’herbe, geeks écolos, bobos millionnaires et hackers « pragmatiques » dessinent et surtout singent le monde absurde tel qu’il est : irrationnel, individualiste et sauvage régit par l’argent comme seule variable constante. Le joint c’est mauvais ; Mais dans un monde aussi cruel et absurde, c’est plutôt bon dit le commentaire. Ce film confus perçoit la réalité et sa complexité bien mieux que tous les politiques, en leur renvoyant sur la figure leur propre incompétence, leur mauvaise foi et surtout leur irresponsabilité. 


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La drogue, ce tabou...
Olivier Cabanel | agoravox.fr | vendredi 19 octobre 2012

En France, nombreux sont ceux qui demandent la dépénalisation du cannabis et récemment, Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale à jeté un pavé dans la mare, provoquant une polémique, infructueuse, une fois de plus.


Le premier ministre a tout de suite éteint l’incendie, et l’incident est donc clos. lien

On se souvient que le 5 juin 2012 sur l’antenne de RMC, Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, avait rappelé qu’elle et son parti étaient toujours favorables à la dépénalisation du cannabis. lien

Ajoutant « je sais que ce n’est pas la position du gouvernement », elle préconisait cette solution « afin d’en faire baisser le trafic, et d’avoir une politique de santé publique ».

Tout vient d’une grossière hypocrisie qui veut mettre d’un côté les drogues légales, et de l’autre celles qui ne le sont pas.

En effet, l’alcool et le tabac ne sont rien d’autre que des drogues, avec seule différence qu’elles sont autorisées.

La définition du mot drogue est pourtant claire : « composé chimique, biochimique ou naturel, capable d’altérer une ou plusieurs activités neuronales et/ou de perturber les communications neuronales ». lien

Or, l’alcool ou le tabac ne répondent-ils pas à cette définition ?

On se souvient qu’aux USA, entre 1920 et 1933, la loi Volstead avait fixé les règles qui donnaient un cadre à l’interdiction de vente et de consommation d’alcool. lien

Ce qui n’a rien empêché, mais qui, par contre, à fait grimper les prix, et enrichi la maffia.

C’est le même mécanisme qui se passe aujourd’hui avec la drogue concernant entre autres le cannabis : il permet un trafic illicite qui enrichit les réseaux maffieux, et d’après les experts, la drogue est devenue dans le monde le principal mode de financement du terrorisme.

C’est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivé en 1994 Iqbal Hussain Rizvi, officier en chef de la lutte contre les stupéfiants d’Interpol. lien

Il faut savoir que la valeur du commerce mondial des drogues, représente, d’après le Bureau du contrôle et de la prévention du crime des Nations Unies, environ 400 milliards de dollars par an, même si le magazine « the Economist » ne l’estime qu’à 150 milliards.

Or, en ce qui concerne le cannabis, la valeur du produit est beaucoup plus modeste, et ce n’est que son interdiction qui en fait monter le prix.

Mais en 2007, la France a adopté la « tolérance zéro » en se basant sur le modèle américain.

La loi de 1970 punit d’une année de prison, celui qui détient de la drogue, et de 10 ans pour usage et détention.

Ce qui ne tient pas debout, car il faudrait mettre en prison des millions de personnes, puisqu’il est admis que dans notre pays, 4 millions de personnes fument du cannabis, 1,2 millions de français le consommant régulièrement, et plus de 500 000 en fumant tous les jours. lien

Déjà, en France, nos prisons surpeuplées ont déjà atteint un record historique avec déjà près de 70 000 incarcérés, (lien) et sur 6 personnes emprisonnées, une l’est pour des motifs liés à la drogue, ce qui représente 8000 incarcérations par an, nombre en augmentation exponentielle. lien

Certains, pour crédibiliser l’interdiction du cannabis évoquent des atteintes à la santé de ceux qui en consomment, affirmant qu’il diminuerait les capacités de mémorisation et d’apprentissage, provoquant des hallucinations, anxiété, fatigue physique, difficulté de concentration, voire même humeur dépressive.

Récemment une étude néo-zélandaise, à prendre avec précaution selon l’addictologue Alain Rigaud, indique que le cannabis aurait un impact néfaste sur le QI des consommateurs, et qu’un homme de 38 ans, ayant régulièrement consommé de la marijuana pendant la puberté, perdrait jusqu’à 8 points de QI. lien

Pourtant d’autres prennent le contrepied, comme le docteur Guillermo Velasco, professeur à l’université Complutense de Madrid, et ses collègues, qui a affirmé début 2009 que le principe actif du cannabis agirait contre les tumeurs du cancer et la maladie d’Alzheimer.

Cette découverte publiée dans « le journal of clinical Investigation  » se base sur le fait que le THC (tétrahydrocannabinol), principe actif dans la marijuana, pourrait résoudre la croissance des tumeurs cancéreuses. lien

Un autre scientifique, le docteur Joshua-Haim, du Meridian Institute for Aging de New Jersey a évalué l’effet du dronabinol (version synthétique du THC) sur 48 patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, et a découvert qu’après un mois de traitement, les 2/3 des patients avaient amélioré leur mobilité, et que 100% des patients diagnostiqués comme anorexiques avaient retrouvé l’appétit, et repris du poids. lien

Déjà en 1997, le Docteur Ladislav Volicer avait observé de sérieuses améliorations de l’état de ses patients atteints de la maladie d’Alzheimer en utilisant le THC.

Les applications médicinales du cannabis ne datent pas d’hier, et des Chinois, aux Indous, en passant par les civilisations amérindiennes, tous ont largement utilisé le cannabis pour se soigner.

2737 avant notre ère, l’empereur Shen Nung expliquait déjà tous les bienfaits du cannabis, notamment pour soigner les rhumatismes, la goutte, les « absences mentales », le paludisme, le béribéri…

Plus tard, Hua T’o, un chirurgien célèbre et chinois l’utilisait comme anesthésiant, mélangeant vin et résine de cannabis.

Raphael Mechoulam, de l’université hébraïque de Jérusalem l’évoque comme médicament contre la lèpre, et comme vermifuge.

Le docteur Franjo Grotenhermen raconte dans ce long document de 176 pages toutes les applications connues, et moins connues, du cannabis depuis des siècles.

Mais d’autres pistes existent.

En 2009, un parlementaire californien, Tom Ammiano, plaidait pour la légalisation du cannabis afin d’atténuer les effets de la crise.

Ce marché, évalué à hauteur de 15 milliards de dollars par an, permettrait en autorisant la vente de cigarettes au chanvre, de faire rentrer dans les caisses de l’état, au moment ou selon un sondage, 40% des américains seraient favorables à la légalisation du cannabis. lien

Et début novembre 2010, la Californie a fini par lancer une campagne sur la légalisation du cannabis, dans une campagne menée tambour battant sur le thème de « yes we cannabis  », (lien) campagne qui s’est soldée par un échec relatif, puisque avec 44% de oui, elle n’a finalement pas abouti. lien

Le réel problème étant le contrôle du produit vendu, car si l’on veut bien se souvenir des pratiques concernant la vente de l’alcool, au moment de la prohibition, il circulait sous le manteau des produits dangereux, sans le moindre contrôle possible.

Il en va de même avec les drogues aujourd’hui interdites en France.

Une analyse portant sur l’une de celles-ci permettrait sans doute de découvrir que des produits autrement dangereux sont mélangés au produit d’origine, faisant courir un risque bien plus important aux consommateurs.

Pour en rester au chanvre, il ne faut pas oublier qu’il a aussi de multiples usages, notamment dans le bâtiment, puisqu’on en fait des briques très isolantes, (lien) et divers matériaux isolants, remplaçant efficacement, la laine de verre de plus en plus contestée. lien

Mais ce n’est pas tout, le chanvre permet la production d’une huile riche en oméga 3 et 6, (lien) et le papier produit avec du chanvre donne 4 à 5 fois plus de cellulose à l’hectare que l’exploitation du « bois à papier », en permettant un produit beaucoup plus résistant. lien

Mieux, il est une bonne alternative à l’amiante dans la fabrication de plaquettes de freins. lien

Sur la question alimentation, le chènevis (nom donné à la graine de chanvre) contient autant de protéine que le soja, tout en étant plus digeste, permettant de faire du lait, ou du tofu et de plus il a la faculté de constituer des immunoglobulines qui agissent comme anticorps pour combattre les maladies.

Ajoutons que ces graines sont tout à fait légales, à la différence des feuilles de chanvre, puisqu’il s’agit de chanvre « industriel » et non de celui qui a des propriétés psychotropes ou médicinales.

Les pousses de chènevis sont délicieuses en salade, et les graines moulues peuvent servir à la confection de toutes sortes de pâtisseries. lien

Nos voisins outre-quiévrain ont même lancé l’an dernier un « hamburger au cannabis ». lien

Alors il faudrait être logique et, soit interdire toutes les drogues, l’alcool, le tabac, tout comme le cannabis, ou alors tout autoriser, ce qui en permettrait un contrôle, et serait une source de revenus non négligeables pour l’état, ce qui par ces temps de crises tomberait plutôt bien.

Mais apparemment, ce n’est pas, ni pour ce nouveau gouvernement, ni pour le monde politique français, à l’ordre du jour. lien

Comme dit mon vieil ami africain : « même si le gnou mange l’herbe, elle continue de pousser ».

L’image illustrant l’article provient de « cannabissativa.com »

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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liberation.fr

Drogues : dépénaliser ou légaliser ?
Par Michel HAUTEFEUILLE Psychiatre addictologue au Centre médical Marmottan et Emma WIEVIORKA Psychiatre à l’hôpital Ville-Evrard
Hautefeuille & Emma Wieviorka | liberation.fr | jeudi 18 octobre 2012


Par Michel HAUTEFEUILLE Psychiatre addictologue au Centre médical Marmottan et Emma WIEVIORKA Psychiatre à l’hôpital Ville-Evrard

Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, a été remis à sa place. Le débat est clos. Mais jusqu’à quand ? Il faudra bien un jour avoir une réflexion large sur l’avenir à donner au statut des drogues. De plus en plus nombreux sont ceux qui comprennent que le problème principal n’est pas tant le produit lui-même que la prohibition qui l’accompagne. C’est elle qui engendre la violence, la délinquance, le trafic, les économies parallèles. C’est d’elle dont certains politiciens ont pris conscience parce qu’ils sont, pour beaucoup d’entre eux, des élus locaux et voient chaque jour l’inefficacité d’un système répressif qui n’a pas évolué depuis quarante ans. Cette loi date d’un autre âge. Tout a changé depuis, tout a évolué, tout sauf la législation sur les drogues.

Quarante ans de prohibition totale n’ont pas permis d’éradiquer l’usage des drogues. Quarante années qui ont mené à l’impasse actuelle décrite par certains comme catastrophique. D’ailleurs, ceux qui dressent le tableau le plus sombre sont en général ceux qui ont toujours défendu la prohibition et qui, au prétexte que la répression n’a pas marché, réclament, maintenant encore plus de répression. Ils surfent toujours sur les mêmes peurs, les mêmes tabous, les mêmes représentations et ainsi les mêmes justifications à réprimer sous prétexte de prévenir. Le débat est clos.

Il serait donc temps que le législateur prenne en compte les changements de mœurs. On ne peut pas continuer à considérer les 14 millions de Français expérimentateurs de cannabis, les 3,8 millions d’utilisateurs dans l’année, le 1,2 million d’usagers réguliers ou les 550 000 usagers quotidiens comme des délinquants (1). C’est ce constat d’échec qui a été dressé au niveau mondial par la Global Commission on Drug Policy, qui compte parmi ses membres Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, et d’ex-chefs d’Etats - César Gaviria (Colombie), Ernesto Zedillo, (Mexique). Dans son rapport de juin 2011, il est indiqué l’urgence « de réformer les politiques nationales et mondiales de contrôle des drogues » mais également de mettre fin « à la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation des personnes consommant des drogues » et d’expérimenter « des modèles de régulation légale des drogues afin de réduire le pouvoir de criminalité organisée et de protéger la santé et la sécurité de leurs concitoyens ». Ce rapport souligne par là que « les drogues illégales seraient les marchandises qui dégageraient le plus gros chiffre d’affaires au monde, derrière le pétrole » (2) . Il apparaît donc urgent de changer la règle.

Deux options peuvent être envisagées. La première est la dépénalisation de l’usage, c’est-à-dire ne plus considérer l’usage simple comme un délit. La dépénalisation, peut être soit complète, soit partielle dans le cadre d’une contraventionnalisation (usage sanctionné par une amende). Cette réponse nous semble une mauvaise réponse. En effet, elle permet, certes, à l’usager de ne plus être considéré comme un délinquant mais la dépénalisation ne règle en rien les problèmes de commerce, de trafic, de culture. Elle n’aurait donc aucun effet sur les traductions économiques et sociales que posent la drogue et sa prohibition. Or, ce sont ces problèmes qui concernent le plus le citoyen. D’autre part, la dépénalisation entraînerait l’autorisation de l’usage de produits dont la fabrication et le commerce seraient exclusivement entre les mains des circuits maffieux. Seule une légalisation du commerce des drogues, sous contrôle de l’Etat, permettrait de tarir le trafic et la délinquance associée, de mettre fin aux économies parallèles et à leurs conséquences économiques, sociales et familiales. Elle permettrait aussi de faire baisser le prix des produits et donc une partie de la délinquance associée à l’usage de drogue. En effet, les produits sont très chers parce que objets de trafic illicite, vendus parfois 15 à 20 fois leur coût de revient. Cela entraîne une dépense énorme pour l’usager notamment s’il est malade de dépendance, mais entraîne des profits également énormes pour celui qui en fait le commerce, profits qui seront blanchis dans l’économie mondiale légale et qui en constituent d’ailleurs une pollution préoccupante. La légalisation contrôlée permettrait ainsi de mettre en circulation des produits de bonne qualité sanitaire identique à celle des médicaments ou de certains produits de confort et non pollués par des additifs bizarres ou des produits de coupe toxiques.

La légalisation serait aussi en phase avec les mœurs actuelles. Les drogues ont perdu le côté contestataire qu’elles pouvaient avoir dans les années 70. Ainsi, la majorité des utilisateurs de cannabis sont des hommes et des femmes bien insérés socialement, qui travaillent, ont des enfants, une vie de famille. Ce produit est librement fumé par des hommes et des femmes qui gèrent de façon tout à fait correcte leur consommation sans en faire une maladie. Alors, bien sûr, pour proposer une telle mesure de santé publique, il faudrait un certain courage. Le courage de vouloir changer les mentalités, de vouloir changer les a priori rapides et frileux. Malheureusement, les réactions, tous partis confondus, à la proposition de Vincent Peillon, laisse craindre que la route ne soit encore longue et que les décideurs puissent s’en sortir uniquement en disant : « Le débat est clos ».

(1) Drogues, chiffres clés, 4e édition, OFDT, janvier 2012. (2) « Les Tribulations d’un gramme de coke », Christine Renaudat et Vincent Taillefumier, éd. Massot, 2011.





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Transmis par Anne & Ahmid
Sat, 20 Oct 2012 00:59:39 -0700


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