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La décroissance (et la sobriété heureuse) comme alternative à la crise

Pierre Rabhi & Nathalie Cohen | gensol.arte.tv | mercredi 3 octobre 2012

mercredi 3 octobre 2012

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La décroissance (et la sobriété heureuse) comme alternative à la crise
Pierre Rabhi & Nathalie Cohen | gensol.arte.tv | mercredi 3 octobre 2012

© AFP / FRANCOIS GUILLOT

« Je suis né pour vivre »

Entretien avec Pierre Rabhi.

Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, Pierre Rabhi est un des pionniers de l’agriculture biologique. Depuis 1981, il transmet son savoir-faire dans les pays arides d’Afrique, en France et en Europe, cherchant à redonner leur autonomie alimentaire aux populations. Expert reconnu en matière de sécurité alimentaire, il a participé à l’élaboration de la convention des Nations-unies pour la lutte contre la désertification. Face à l’échec de la condition générale de l’humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il appelle à « l’insurrection des consciences » et nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, et à aller vers « sobriété heureuse ». En 1999, il créé l’association Terre & Humanisme pour promouvoir l’agro-écologie, qui consiste à développer l’agriculture tout en protégeant l’environnement. Une interview réalisée par Nathalie Cohen pour Génération Solidarité :

Pouvez-vous nous nous expliquer le concept de décroissance ?

Pierre Rabhi : L’idéologie moderne a organisé le monde sur le précepte, le dogme suivant : la croissance est la solution à tous nos maux et elle va produire de la prospérité pour tout le monde. Nous avons oublié de prendre en compte le fait que notre planète est limitée. Il n’y a pas d’autre planète où aller quand celle-ci sera épuisée. A l’évidence, cette croissance économique, cette course effrénée à l’avoir créée des disparités entre ceux qui sont en tête de peloton, qui ont le plus de biens, et ceux qui sont laissés pour compte, qui n’ont pas même un bol de soupe. Cette idéologie de la croissance est fallacieuse. On la présente comme étant la solution alors qu’elle est le vrai problème. C’est au nom de la croissance économique qu’on détruit les forêts, qu’on épuise les mers et qu’un entrepreneur met des gens à la porte afin d’augmenter la rentabilité de son entreprise. Nous sommes en train de nous rendre compte que si les peuples émergents adoptent ce même principe de croissance illimitée, la planète ne pourra pas y répondre.

Dans les pays en crise du sud de l’Europe, les gouvernements prônent une forme d’austérité. Ces pays ne vont-ils pas, contraints et forcés, vers moins de croissance ?

C’est un peu bête d’être contraint. Faire preuve d’intelligence, ce serait analyser les choses de façon factuelle et décider d’un nouveau paradigme. Nous avons toujours une analyse occidentalo-centrée comme si l’indicateur de l’évolution de notre histoire est en occident alors qu’il y a dans le monde un milliard de personnes qui ne mangent pas à leur faim et trois milliards de personnes qui souffrent de malnutrition. Cette pensée qui est uniquement ajustée au modèle dominant est très dangereuse. Il ne faut pas oublier que la première victime de ce modèle européen c’est l’Europe elle-même.
Les voyageurs du 16 et 17esiècle rencontraient une grande mixité culturelle en Europe, une grande diversité, alors qu’aujourd’hui, la monoculture domine et elle est tragique et totalitaire. C’est d’ailleurs un totalitarisme travesti de libéralisme.

Le nouveau gouvernement mise tout sur la croissance et l’emploi. L’écologie a quasiment disparu du débat politique. Il est encore moins question de décroissance. Qu’en pensez-vous ?

Il n’y a pas d’intelligence. Les hommes politiques comme nous tous dépendent de la nature pour vivre. C’est elle qui assure notre survie. Mais les hommes ne voient pas que cette terre nourricière est le dénominateur commun absolu des hommes, le fondement de la vie, et c’est bien la preuve de la non intelligence de l’humanité. Ce que j’entends par intelligence, ce n’est pas sortir d’une grande école, mais c’est plutôt être lucide, réaliser ce que nous sommes en train de faire à cette planète qui est devenue un champ de bataille. L’homme affronte l’humain et l’humain affronte la nature. Je qualifierai ce chaos de démence collective. Mais elle n’apparaît pas publiquement car chaque personne analyse la situation au sein de son microcosme sans s’apercevoir que la combinaison de ces transgressions donne un système qui ne pourra pas durer.

Comment aller vers la société de « sobriété heureuse » que vous défendez ? Faut-il agir individuellement ou au contraire privilégier les actions collectives ?

Il y a les deux. Nous, nous avons fait un retour à la terre en 1960. Notre démarche était déjà celle de la simplicité et de la sobriété. J’ai vu tant de paysans devenir des exploitants agricoles, pris dans un système qui les a ruinés. La sobriété n’est pas une posture sociale, c’est une posture morale et libératrice. Evidemment, je dois me nourrir, nourrir ma famille, me vêtir, mais au-delà de ça, il y a tant de superflu ! Ce qui nous aliène, c’est cette volonté d’avoir toujours plus. L’être humain manipulé est constamment dans le manque. Nous sommes incapables de dire que nous avons beaucoup, comparé à ce que possèdent les gens en Afrique. Moi-même, si je fais le bilan des modestes choses que j’aie, je suis milliardaire comparé à ces gens. J’ai reçu récemment un prix décerné par Monsieur Ribou et à cette occasion j’ai dit que je vis dans un lieu très beau. La nuit, j’entends la forêt, les hiboux et puis le silence, je respire un air qui semble plus pur qu’ailleurs, ma famille va bien. Je me considère comme un milliardaire…D’ailleurs sur la couverture d’une revue on peut lire : Pierre Rabhi le milliardaire. Aucun milliardaire n’achètera la joie de vivre et nous sommes ici-bas pour être joyeux et non aliénés par l’argent. Je ne suis pas né pour le produit national brut. Je suis né pour vivre. L’aliénation dans notre société est telle que nous sommes persuadés que notre mode d’existence est le bon alors que la surabondance qu’entraîne notre mode d’existence s’accompagne de la consommation presque exponentielle d’anxiolytiques. Les gens ne sont pas heureux, alors que le but de notre existence devrait être d’être heureux. L’avoir inhibe l’être et l’être n’est pas heureux.

Internet peut-il être un outil dans la prise de conscience que vous appelez de vos vœux ?

Comme tous les outils que crée l’humanité, il y a du bon et du moins bon. La question est de savoir si les outils que nous créons sont une évolution positive de l’humanité ou s’ils nous asservissent. Que fait l’humanité de son génie créateur ? Est-il au service d’une humanité solidaire, sans violence, qui respecte la vie, où est-ce le lucre, l’argent, le profit, la finance qui dominent tout et pervertissent les âmes.

- Le site Terre & Humanisme

Bibliographie Pierre Rabhi :

• Du Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe – Itinéraire d’un homme au service de la Terre-Mère. (Albin Michel 1983)
• Le gardien du feu – Message de sagesse des peuples traditionnels. (Editions de Candide, Lavilledieu, 1986 Réédition Albin Michel 2003).
• L’offrande au crépuscule. (Editions L’Harmattan, 1989, réédition 2001).
• Le Recours à la Terre. (Editions Terre du Ciel, 1995).
• Parole de terre – Une initiation africaine. (Editions Albin Michel, 1996).
• Pierre Rabhi – Le chant de la Terre. De Rachel et Jean-Pierre Cartier. (Editions de la Table Ronde, 2002.)
• Graines de Possibles, Regards croisés sur l’écologie. Pierre Rabhi et Nicolas Hulot. (Editions Calmann Levy, 2005.)
• Conscience et environnement – La symphonie de la vie. (Editions du Relié, 2006)
• Terre-Mère. Homicide volontaire ? Entretiens avec Jacques-Olivier Durand. (Editions le Navire, 2007).



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mis sur la piste par Eric





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  • « riche de pauvreté » & « pauvres de richesses »
    Roger Chomeaux, dit « Chomo » | chomo.fr

    Roger Chomeaux, dit « Chomo », artiste pluridisciplinaire aujourd’hui disparu, a voué sa vie à la création. Son travail hors des circuits traditionnels de l’art utilisait essentiellement pour ingrédients des matériaux de récupération les plus divers, qu’il allait chercher dans les décharges environnantes ou dans les sous-bois.

    Pendant la plus grande partie de sa vie, seul sur une parcelle de la forêt de Fontainebleau, vivant en ascète, dans des conditions très rudes et dans le plus grand dénuement, Chomo bâtit ce qu’il nomme le "Village d’Art Préludien", son monde à lui. Ce microcosme est constitué d’un ensemble de bâtisses, composé de « L’Eglise des Pauvres », du « Sanctuaire des Bois brûlés » et du « Refuge », des constructions destinées à abriter ses nombreuses sculptures et peintures. Reclus dans son univers, Chomo a refait le monde à sa manière, un monde parallèle où la création est omniprésente, alimentée d’énergies invisibles. “Je suis gouverné par les forces cosmiques” déclarait-il.
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