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L’innocence des Blancs

Michael Muhammad Knight | vice.com | lundi 17 septembre 2012

vendredi 21 septembre 2012



L’innocence des Blancs
Michael Muhammad Knight | vice.com |

Alors, je viens de recevoir un courriel d’un lecteur, me demandant si je pourrais avoir quelque chose à dire à propos du film The Innocence of Muslims. « La tolérance de la satire est-elle vraiment un concept qui n’est pas compatible avec l’Islam ? » me demande-t-il. « Y a t-il quelque chose dans toute cette indignation que "nous" de l’Occident, ne comprenons pas ? »

Lorsqu’on me demande d’expliquer la colère musulmane, j’ai une réponse, mais je connais déjà la réaction à ma réponse. Un défenseur de la "civilisation occidentale" me dira : « Ouais, mais nous ne sommes pas violents. Ce sont eux qui tuent des gens pour des questions de religion. » Si les chiffres ont quelque importance, cependant, il faut reconnaître que la mythologie de "l’Amérique" tue beaucoup, beaucoup plus de gens aujourd’hui que tout mythe de "l’Islam". Pour entretenir un culte militaire pseudo-laïque, nous avons produit une nation de cheerleaders du sang et du meurtre. Nous décrivons le travail héroïque de ce culte en termes de "sacrifice" et disons faire tout cela pour une cause divine, la "liberté".

Voilà ce que nous envoyons là-bas, sur leurs têtes. Nous ne vivons pas simplement dans un monde où un côté a le sens de l’humour et l’autre, non ; où un côté est "moderne" et "éclairé" tandis que l’autre doit rattraper son retard. Le côté moderne et éclairé asperge les gens de napalm. L’innocence est simplement celle du tyran de terrain de jeux qui traite votre mère de salope après vous avoir cassé la mâchoire, puis qui se demande pourquoi vous êtes incapable d’accepter une plaisanterie.

Je ne cherche pas à excuser la violence. En tant qu’artiste, je soutiens le droit de chacun à faire des oeuvres cheap et merdiques, et verser le sang n’est jamais pour moi un moyen acceptable de répondre à une ouvre. Mais à l’échelle macroscopique, le débat n’oppose pas vraiment une religion violente à de l’art non violent ; il oppose violence et violence.

La semaine dernière, le jour de ma chronique a coïncidé avec le 11 septembre. Ma chronique n’a pas porté sur le 11 septembre ; je n’ai offert aucun souvenir personnel de cette journée, aucune méditation sur la direction que notre pays a prise depuis, aucun diagnostic ou espoir d’un avenir meilleur, et aucune excuse au nom de musulmans "modérés". Au lieu de cela, j’ai écrit au sujet des drogues. Il semble que chaque année, l’anniversaire du 11 septembre génère chez un certain nombre de blogueurs et commentateurs musulmans une performance publique de notre amour de la paix, en assurant tout le monde que nous avons, nous aussi, partagé les souffrances de ce jour-là. Je leur en suis reconnaissant et je respecte leurs efforts, parce que c’est un travail qui doit être fait. Mais je n’ai pas essayé.

La raison de mon silence au sujet du 11 septembre est que je ne suis pas uniquement musulman. Je suis aussi États-unien. Je suis aussi blanc. Je suis un homme et hétérosexuel. Cependant, on ne me demande pas, à titre d’États-unien, de réfléchir chaque année au jour anniversaire de la chute de nos bombes atomiques sur le Japon, ou à nos innombrables interventions militaires partout dans le monde. Il n’ya pas de date sur le calendrier où, en tant que personne de race blanche, je démontrerais que j’ai bien réfléchi à l’esclavage et aux générations d’inégalité et de sadisme blanc explicite qui ont persisté entre l’époque de l’esclavage et de notre propre présent inéquitable ; nous pourrions avoir une telle journée, mais elle se transformerait souvent en étalage d’autosatisfaction facile. En tant que personne de race blanche, je ne suis pas invité à examiner les meurtres gratuits de jeunes hommes noirs par des flics blancs ou des civils blancs, ou le terrorisme blanc de fusillades dans les gurudwaras (temples sikhs), comme directement pertinents à mon identité. Je n’ai pas non plus de date anniversaire désignée où réfléchir, en tant qu’homme hétéro, aux statistiques horribles de viols ou aux autres façons dont l’hétérosexisme rend notre pays dangereux pour autant de gens.

Pourtant, comme je suis musulman, les gens s’attendent réellement à me voir démontrer mon introspection sur un seul événement, et je suis régulièrement invité par les médias populaires à imaginer le 11 septembre comme un cancer rongeant mon essence même. Les journalistes m’interrogent sur la "crise" de l’Islam comme s’il s’agissait d’un démon privé que je dois personnellement combattre tous les jours ; entretemps, ma blancheur reste intacte et incontestée par la décennie de crimes haineux qui ont suivi le 11 septembre. Les journalistes ne me demandent souvent si la "tradition blanche" peut être conciliée avec les idéaux modernes de l’égalité et de pluralisme, ou si la "communauté mâle hétéro" est capable de vivre en paix aux États-Unis. Pourtant, en ce qui concerne ma participation aux États-Unis, ma blancheur et ma virilité sont beaucoup plus susceptibles que mon Islam de blesser d’autres personnes, et présentent donc peut-être un besoin plus urgent de "réforme" ou de "renaissance" ou de que ce soit que vous dites que l’Islam nécessite. Encore une fois, cela n’est vrai que si les chiffres ont quelque importance.

Oui, il y a quelque chose que nous, auto-identifiés comme "l’Occident", ne comprenons pas : nous-mêmes. Nous voyons la violence que nous voulons voir. Nous balayons sous le tapis notre héritage de haine et de destruction, toujours à se demander comment ils peuvent même se regarder dans le miroir.

Michael Muhammad Knight est l’auteur de huit livres, dont Journey to the End of Islam, le récit de son pèlerinage à La Mecque.

Original : The Innocence of White People - http://www.vice.com/read/the-innocence-of-white-people

Version française : Martin Dufresne

Tous droits réservés à Michael Muhammad Knight et VICE.




The Innocence of White People
Michael Muhammad Knight | vice.com | lundi 17 septembre 2012

So I’ve just received an email from a reader, asking whether I might have something to say about The Innocence of Muslims. “Is tolerance for satire really a concept that is not compatible with Islam ?” he asks. “Is there something about all this indignation that ‘we,’ the West, don’t understand ?”

When asked to explain Muslim rage, I have an answer, but I already know the response to my answer. A defender of “Western civilization” will tell me, “Yeah, but we aren’t violent. They’re the ones who kill people over religion.” If numbers matter, however, the mythology of “America” kills many, many more people today than any myth of “Islam.” To sustain a pseudo-secular military cult, we have produced a nation of cheerleaders for blood and murder. We speak of the cult’s heroic work as “sacrifice” and say that it’s all for a divine cause of “freedom.”

That’s what we send out there, at them. This is not simply a world in which one side has a sense of humor and the other does not, or one side is “modern” and “enlightened” while the other side needs to catch up. The modern, enlightened side is burning people alive. Innocence is simply the playground bully calling your mother a slut after already breaking your jaw, and then wondering why you can’t take a joke.

I am not trying to excuse violence. As an artist, I support everyone’s right to make shitty, cheap-looking art, and I do not believe that bloodshed is ever an acceptable way of responding to art. But in the big picture, this isn’t really about violent religion vs. nonviolent art ; it’s violence vs. violence.

Last week, the day on which my column runs happened to fall on September 11. My column was not about September 11 ; I offered no recollections of the day, no meditation on where we’ve gone as a nation since then, no diagnosis, no hope for a better future, and no apology on behalf of “moderate” Muslims. Instead, I wrote about drugs. It seems that every year, the anniversary produces a number of Muslim bloggers and commentators publicly performing our love of peace, assuring everyone that we, too, shared in the suffering of that day. I am thankful for them and respect their efforts, because this is work that needs to be done. But I did not try.

The reason for my silence on 9/11 is that I am not only Muslim. I am also American. I am also white. I am male and heterosexual. However, I am not asked, as an American, to reflect on the yearly anniversary of our atomic bombs falling upon Japan, or our countless military interventions throughout the world. There is no date on the calendar for me, as a white person, to demonstrate that I have properly reflected on slavery and the generations of inequality and naked white sadism between the slave era and our own unjust present ; we could potentially have such a day, but often turn it into shallow self-congratulation. As a white person, I am not asked to consider the wanton murders of young black men by white cops or white civilians, or the white terrorism of shootings in gurudwaras, as directly relevant to my identity. Nor do I have a designated anniversary for reflection, as a straight man, on the horrifying statistics of rape or the ways in which heterosexism makes this country unsafe for so many.

As a Muslim, however, people do expect me to show evidence of my soul-searching over a single event, and I am regularly instructed by popular media to imagine 9/11 as a cancer within my own self. Journalists ask me about Islam’s “crisis” as though it’s a private demon with whom I must personally wrestle every day ; meanwhile, my whiteness remains untouched and unchallenged by the decade of hate crimes that have followed 9/11. Journalists don’t often ask whether “white tradition” can be reconciled to modern ideals of equality and pluralism, or whether the “straight male community” is capable of living peacefully in America. When it comes to my participation in America, my whiteness and maleness are far more likely than my Islam to wound others, and thus perhaps more urgently in need of “reform” or “enlightenment” or whatever you say that Islam needs. Again, this is only if numbers matter.

Yes, there’s something that we, the self-identified “West,” don’t understand : ourselves. We see the violence that we want to see. We ignore our legacy of hatred and destruction, always wondering how they can even look themselves in the mirror.

Michael Muhammad Knight is the author of eight books, including Journey to the End of Islam, an account of his pilgrimage to Mecca.




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Transmis par Yves B.
Fri, 21 Sep 2012 22:20:33 +0200




Voir en ligne : The Innocence of White People

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