Accueil > 2012 > août > Manuel Valls ou le nouvel ordre de gauche

Manuel Valls ou le nouvel ordre de gauche

Catherine Dubouloz | letemps.ch | mardi 28 août 2012

mardi 28 août 2012


Manuel Valls ou le nouvel ordre de gauche
Catherine Dubouloz | letemps.ch | mardi 28 août 2012

Manuel Valls sur les lieux d’une école incendiée lors des récentes émeutes à Amiens. Les événements de l’été l’ont placé en première ligne: le ministre de l’Intérieur a soutenu les policiers blessés dans la ville du nord. Vis-à-vis des Roms, il n’a pas infléchi sa ligne ferme. (AFP)

Manuel Valls sur les lieux d’une école incendiée lors des récentes émeutes à Amiens. Les événements de l’été l’ont placé en première ligne : le ministre de l’Intérieur a soutenu les policiers blessés dans la ville du nord. Vis-à-vis des Roms, il n’a pas infléchi sa ligne ferme. (AFP)



Acclamé à La Rochelle au cours du week-end, le ministre de l’Intérieur défend « l’ordre républicain » et l’évacuation des campements de Roms. Il veut en finir avec le complexe de la gauche sur ces questions



« Socialiste de droite », « Sarkozy de gauche », « ministre de drauche ». Manuel Valls cumule ce genre de surnoms. Mais le ministre français de l’Intérieur s’en agace à peine : « Il faut s’enlever Sarkozy de la tête, faire la démonstration que la gauche peut réussir (sur le terrain de la sécurité) et satisfaire les demandes de protection des Français », confie-t-il au Temps, à La Rochelle, alors que l’université d’été du Parti socialiste touchait à sa fin. « C’en est fini d’une forme de complexe de la gauche sur ces questions », affirme-t-il.

Cela fait longtemps que ce socialiste atypique, féru de questions de sécurité, défenseur de la TVA sociale durant la primaire socialiste, avant son ralliement sans faille à François Hollande, s’est vu coller une étiquette droitière. Un temps marginalisé au PS, il a savouré ce week-end sa popularité. A La Rochelle, le « premier flic de France » a eu droit à une ovation après un discours enflammé. Il y a défendu son « amour de la France et de la patrie », a avoué avoir chanté « La Marseillaise à tue-tête », avant de clamer : « La gauche doit rétablir l’ordre républicain là où la jungle a chassé l’ordre. » Du jamais-vu, ni entendu sans doute, chez les socialistes.

Manuel Valls, 50 ans depuis le 13 août dernier, veut en finir avec le procès en naïveté et en angélisme attenté à la gauche. Ce Catalan d’origine, dont la mère est Tessinoise et qui est l’un des rares hommes politiques français à être naturalisé, n’entend pas laisser ce terrain à l’extrême droite. D’où les messages de fermeté qu’il multiplie depuis sa nomination à la place Beauvau. Ce positionnement porte : selon l’institut CSA, le ministre est la troisième personnalité politique préférée des Français derrière François Fillon et Alain Juppé : 49% des personnes interrogées ont une image positive de lui.

A La Rochelle, son arrivée a donné lieu à une belle cohue. A chaque apparition, militants et militantes se pressaient autour de lui, avides d’autographes et de photos prises à ses côtés. « On vous soutient », glissent-ils sur le ton de la confidence. Dans son costume impeccable, Manuel Valls se détend et sourit, lui qui peut être si dur, si crispé, mâchoire serrée, regard métallique. Un « sanguin à sang froid », comme l’a récemment décrit Le Point.

Omniprésent directeur de la communication durant la campagne de François Hollande, cet homme politique ambitieux et doué est devenu un ministre de l’Intérieur hyperactif. Ce poste, il le visait depuis longtemps – notamment lorsqu’il soutenait Dominique Strauss-Kahn, avant la chute de l’ex-directeur du FMI. Après l’élection du Corrézien, l’ancien député-maire d’Evry a doublé un proche de François Hollande, le sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen. Depuis, Manuel Valls est sans cesse au front, multipliant apparitions et déclarations.

Ainsi, cet été, le premier flic de France n’a guère marqué de pause. Les affrontements à Amiens et l’évacuation des campements illicites des Roms l’ont même placé en première ligne de l’actualité – et d’un certain nombre de critiques dans son camp. Manuel Valls n’a pas reculé. A Amiens, il a soutenu les policiers blessés. Vis-à-vis des Roms, il n’a pas infléchi sa ligne ferme : « Le laisser-faire ne résout rien », estime-t-il. « Je ne peux pas supporter des bidonvilles et des baraquements, où les gens vivent dans des conditions insupportables. » Lundi, les démantèlements se sont poursuivis, à Evry notamment, à la demande du maire socialiste qui a succédé à Manuel Valls.

Le ministre entend pourtant se distinguer de l’ère Sarkozy : « Un ministre de l’Intérieur doit tenir un discours de fermeté sans stigmatisation et sans vouloir passer les gens au karcher. J’ai un souci d’apaisement après la période d’hystérisation que l’on vient de vivre. » Autre « obligation » : la lutte contre la délinquance, les trafics d’armes et de drogues « qui empêchent le vivre-ensemble » dans les quartiers sensibles. « L’ordre républicain, c’est la meilleure réponse contre d’autres ordres maffieux et communautaristes », explique ce défenseur farouche de la laïcité, qui avait voté en faveur de la loi interdisant la burqa. Manuel Valls veut aussi marquer sa différence en encourageant dans la police un travail de formation dans l’encadrement et la déontologie : « Je ne veux pas de tutoiement, ni de contrôles inopinés qui ne servent à rien. »

L’applaudimètre de La Rochelle l’a montré, le PS semble en profonde mutation sur les questions de sécurité. Le ministre, lui, estime que l’évolution remonte à Lionel Jospin. « La gauche a toujours œuvré avec un mélange de prévention et de répression », explique le locataire de la place Beauvau, qui se place dans la ligne de Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement et surtout, bien avant eux, Georges Clemenceau. Aux yeux de Manuel Valls, les réflexions sur la sécurité ont notamment été rendues possibles par l’engagement des élus locaux, en particulier les maires qui ont à traiter les problèmes au quotidien, surtout dans les quartiers sensibles. « La différence par rapport à mes prédécesseurs, c’est que je suis très soutenu par le président de la République et le premier ministre. »

Derrière la volonté de rétablir « un ordre républicain en adéquation avec ce que les Français attendent », se cache aussi un autre enjeu politique : « Garder la confiance des Français et pouvoir gouverner dans la durée, ce que la gauche n’a jamais fait. » Manuel Valls voit loin. Dans son viseur, l’échéance de 2017 ; le metteur en scène de la campagne 2012 plante déjà des banderilles en vue d’un second quinquennat. Pour cela, il s’agit d’ancrer la crédibilité du PS, si possible du côté de la social-démocratie.

Le ministre s’est toujours affiché comme tel ; proche de Michel Rocard, il a fait partie de la deuxième gauche. Sur les questions économiques et sociales, il a défendu des positions singulières à gauche, comme le « déverrouillage des 35 heures » ou la TVA sociale, chère à la droite. Il ne croit guère au retour à l’âge de la retraite à 60 ans et durant la campagne des primaires, il faisait du désendettement une priorité. Aujourd’hui, il ne s’exprime plus sur ces dossiers. Mais hier, il n’a pas hésité à soutenir son collègue Arnaud Montebourg, lequel a qualifié le nucléaire de « filière d’avenir pour la France » provoquant l’ire des alliés écologistes. Encore une position iconoclaste.



Voir en ligne : Manuel Valls ou le nouvel ordre de gauche

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.