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Des soldats israéliens témoignent des violences envers les enfants palestiniens

Véronique Falez | lemonde.fr | mardi 21 août 2012

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Des soldats israéliens témoignent des violences envers les enfants palestiniens
Véronique Falez | lemonde.fr | mardi 21 août 2012

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Hazem Bader/​AFP

Avner est un homme de 27 ans au visage enfantin, avec des yeux très bleus, des cheveux blonds et des taches de rousseur. Entre 2004 et 2007, il a effectué son service mili­taire dans l’unité spé­ciale des para­chu­tistes de l’armée israé­lienne, entre Naplouse et Jénine, en Cisjordanie.

"Comme sergent, j’ai mené de nom­breuses opé­ra­tions dites "straw widow", qui consistent à prendre une maison pales­ti­nienne pour placer des tireurs d’élite ou des obser­va­teurs, raconte Avner. J’ai réveillé des familles. On les regroupait dans une pièce. Je me rap­pelle d’un incident : un soldat pointait son arme sur un père et son fils qui essayaient de lui parler en arabe. Aucun d’entre nous ne com­prenait. Le soldat s’est énervé. Le garçon voulait juste aller aux toi­lettes, et il a eu si peur qu’il s’est uriné dessus. Avant mon service, j’ai tra­vaillé avec des enfants et je me suis dit qu’il aurait pu être l’un d’eux."

L’ancien mili­taire termine aujourd’hui ses études dans le secteur social. "Avant de faire l’armée, je pensais que les Pales­ti­niens étaient une entité ennemie, je n’avais pas imaginé que je serais confronté à des femmes, des enfants et des per­sonnes âgées, poursuit-​​il. Tsahal [Forces de défense d’Israël] traite de la même façon un enfant qui jette des pierres et un militant du Hamas."

Avner a décidé à la fin de son service de se tourner vers l’association Breaking the silence ("Rompre le silence"), qui recueille les témoi­gnages d’anciens soldats ayant servi dans les ter­ri­toires occupés. L’Organisation non gou­ver­ne­mentale (ONG) a ras­semblé les récits ano­nymes d’une tren­taine de jeunes Israé­liens passés sous les dra­peaux entre 2005 et 2011, et confrontés à des vio­lences com­mises sur des enfants palestiniens.

Les militaires leur font peur

"Il y a un grand mal­en­tendu sur la façon dont l’armée israé­lienne traite les enfants. De l’extérieur, on imagine qu’ils béné­fi­cient d’un trai­tement spécial, or ce n’est pas le cas, jus­tifie Yehuda Shaul, fon­dateur de l’ONG. Nous sommes loin de la vio­lence pales­ti­nienne des années d’Intifada, mais l’armée se com­porte comme à cette époque-​​là : pour contrôler les Pales­ti­niens contre leur volonté, les mili­taires leur font peur, et c’est devenu une routine."

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AFP/​Hazem Bader

L’un des soldats témoigne d’une pro­cédure, pourtant interdite, uti­lisée lorsque l’armée vient arrêter un suspect pales­tinien : les soldats envoient un voisin, chargé de demander aux habi­tants de la maison encerclée de sortir. "Je pense que ça s’est passé à Tul­karem. Nous avons fait sortir tout le monde, sans trouver la per­sonne recherchée. Alors nous avons envoyé des voisins, puis un enfant. Il a dû faire le tour de la maison, ouvrir toutes les portes et fenêtres, allumer toutes les lumières." Le com­mandant de l’unité savait que le procédé était illégal. "Il a déclaré qu’il pré­férait qu’un voisin soit tué (…) si cela per­mettait d’éviter à l’un de ses hommes d’être abattu en entrant dans cette maison", raconte le soldat. La popu­lation n’a pas d’autre choix que de coopérer. "Quand tu frappes à une porte dans la nuit, avec ton arme braquée sur son visage, ta lampe dans ses yeux, que tu vérifies qu’il n’est pas armé (…), il ne te dira pas qu’il ne veut pas coopérer."

"L’enfant Juif est libre de faire ce qu’il veut"

David était affecté à Hébron. Il explique que les colons juifs de la ville lui ont donné du fil à retordre. "Il y avait cet enfant juif qui mar­chait le long de la route des Fidèles [réservée aux colons]. Un enfant arabe passe, l’enfant juif le frappe. Si l’enfant arabe avait répliqué, j’aurais dû l’attraper et le gifler. L’enfant juif est libre de faire ce qu’il veut." Daniel a lui aussi servi à Hébron. Il cir­culait en Jeep avec le com­mandant de la com­pagnie lorsqu’à un point de contrôle, il aperçoit trois ado­les­cents pales­ti­niens qui refusent de passer sous la machine à rayons X. Le com­mandant coince un des garçons dans une ruelle, lui cogne la tête contre le mur et le frappe violemment.

"Dans la voiture, je me disais : je m’attends à une situation comme celle-​​là depuis que je suis enrôlé, j’ai rejoint l’armée pour empêcher ce genre de com­por­tement, et je suis là, à ne rien faire (…) parce que j’ai vraiment peur de ce commandant."

En 2008, à Ramallah, un sergent de la brigade Kfir (infan­terie) par­ticipe à une embuscade tendue à des jeunes Pales­ti­niens du camp de réfugiés de Jelazoun, en Cis­jor­danie. Ces ado­les­cents prennent régu­liè­rement pour cible la colonie de Beit El, à quelques cen­taines de mètres de là, en jetant des cock­tails Molotov sans jamais atteindre les habi­ta­tions. "Un de mes amis était ins­tallé à Beit El, en position de tireur embusqué, se sou­vient le sergent. Un gamin a balancé un cocktail Molotov. Mon ami a tiré." L’enfant est mort.

Les soldats qui rompent le silence "réa­lisent après coup ce qu’ils ont fait, ce à quoi ils ont par­ticipé, et ils veulent le faire savoir ", note Yehuda Shaul. En révélant leur vision de l’occupation, sans clé­mence, à l’égard des enfants, Breaking the silence espère inter­peller la société israélienne.

Ecouter le reportage de France Inter sur le témoi­gnage des soldats israéliens

Plus d’informations sur Breaking the silence


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