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Pussy Riot : les punkettes qui bousculent Poutine

Laurent David Samama | lesinrocks.com | lundi13août 2012

lundi 13 août 2012

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Pussy Riot : les punkettes qui bousculent Poutine
Laurent David Samama | lesinrocks.com | lundi13août 2012


Nadejda Tolokonnikova, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina, membres du collectif Pussy Riot, sur le banc des accusés (Maxim Shemetov / Reuters)

Nadejda Tolokonnikova, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina, membres du collectif Pussy Riot, sur le banc des accusés (Maxim Shemetov / Reuters)



A quelques jours de la journée mondiale de soutien aux Pussy Riot (17 août), retour sur l’histoire de ces trois jeunes femmes qui ébranlent la Russie.

Palais des Sports Loujniki de Moscou, congrès du parti Russie Unie, nous sommes le 24 janvier 2011. Devant une salle chauffée à blanc et près de 11000 spectateurs, le Président russe Dimitri Medvedev prend la parole. Sans trembler, devant les caméras du monde entier, il annonce alors l’extraordinaire jeu de chaises musicales qui va faire de lui le complice d’une manipulation politique inédite. « Je pense qu’il serait bon que le congrès soutienne la candidature du chef du parti, Vladimir Poutine, au poste de président du pays ». Le cauchemar des opposants au régime russe se réalise : Dimitri Medvedev et Vladimir Poutine s’échangent les rênes du pouvoir. Sonnant comme une sentence irrévocable, la petite phrase a scellé le sort du géant russe pour de très longues années. En effet, grâce à l’adoption d’une réforme constitutionnelle prolongeant la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans à partir de 2012 (sic), Vladimir Poutine, pourra théoriquement se représenter en 2018 et rester au pouvoir jusqu’en 2024 ! Une éternité…

Des lors, tout ce que la Russie compte d’opposants décide de ne pas se laisser faire. Parmi eux, à force de concerts sauvages, un groupe de punkettes hyper engagées commence à faire progressivement parler de lui : ce sont les Pussy Riot. En bonnes héritières du mouvement riot grrrl, ces féministes revendiquées nourries au sein de L7 et Bikini Kill multiplient les performances à Moscou où leur cote monte logiquement en flèche. Dans une interview accordée au magazine Vice, les Pussy Riot confirment être entrées en résistance au moment du coup d’état légal de Vladimir Poutine.

A ce moment-là nous avons réalisé que ce pays (la Russie, ndlr) avait besoin d’un militantisme punk féministe, de fanfares jouant sauvagement dans les rues de Moscou et sur les places, mobilisant les énergies citoyennes contre les escrocs de la junte Poutiniste et enrichissant l’opposition russe de thèmes qui nous tiennent a cœur : les gender rights et autres droits LGBT, la lutte contre le machisme, l’absence d’un message politique audacieux sur les scènes musicales et artistiques, et la lutte contre la domination des hommes dans tous les domaines du discours public.”

En plus d’être énervées, les Pussy Riot ne perdent jamais de vue l’objectif de leur engagement : faire triompher les libertés dans un pays qui a finalement peu évolué en la matière depuis la fin de l’ère soviétique…

Le véritable coup d’éclat mettra alors peu de temps à intervenir. Le 21 février dernier, plusieurs individus vêtus de cagoules fluorescentes, de robes et de leggings colorés investissent la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou. Leur objectif ? Un nouvel happening, cette fois destiné à dénoncer la collusion du pouvoir politique russe avec l’Eglise orthodoxe. Mimant le geste de croix et autres pieuses simagrées devant des fidèles médusés, les Pussy Riot entament une prière d’un genre étrange intitulée « Sainte Marie Mère de Dieu, chasse Poutine ». Au programme de cette récitation polissonne on trouve une dénonciation sans fard du pouvoir castrateur et des libertés fantômes mais aussi de la menace constante d’un « séjour » en Sibérie pour quiconque critique avec véhémence le manque de libertés dans la Russie de Vladimir Poutine…

Pour le pouvoir en place qui au moment de la révolution Orange, en Ukraine, avait organisé une réunion avec des rockeurs pour prévenir le danger d’une révolte qui pouvait venir du monde de la musique, c’en est trop. Trois membres du collectif Pussy Riot sont emprisonnées à la suite de la performance de la Cathédrale du Christ Saint-Sauveur. Mise sous pression par toute la hiérarchie orthodoxe du pays, la justice russe promet d’être sévère. Accusées de blasphème et d’hooliganisme, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, les trois membres supposées des Pussy Riot encourent d’abord sept années de camp. Non pas de prison classique (et déjà douloureuse) mais bien une peine de camp. Le cas Pussy Riot divise la Russie ; la vidéo originale et sans montage du happening de la Cathédrale montrera pourtant une performance anodine et inoffensive, loin de mériter une quelconque peine d’emprisonnement…

C’est alors que l’opinion publique mondiale, choquée, commence à prendre fait et cause pour ces icônes russes d’un nouveau genre. De Björk à Madonna en passant par Nina Hagen et Sting, des poids lourds de l’industrie de la musique se mobilisent et font pression sur le pouvoir russe. On peut alors identifier deux phases majeures dans l’historique des poursuites judiciaires exercées contre le groupe punk : la première se caractérise par une injuste et démuselée sévérité qui correspondrait au relatif anonymat des Pussy Riot hors des frontières russes. La seconde phase, très récente, semble quant à elle indiquer une tendance nouvelle poussant bon gré mal gré le pouvoir russe à composer avec la nouvelle aura internationale des punkettes.

C’est en effet depuis que la presse internationale (Libération, Spiegel) se focalise sur les activistes russes que la donne semble légèrement s’inverser. De sept années de camp, la peine maximale encourue est ramenée à trois. Première victoire. Ajouter à cela la mobilisation de stars internationales toujours plus nombreuses et vous obtiendrez un cas domestique plutôt banal devenant une vraie épine dans le pied du géant russe…

En marge d’une visite à Londres à l’occasion des Jeux Olympiques, Vladimir Poutine a ainsi estimé qu’il n’y avait “rien de bon” dans ce que les jeunes femmes avaient fait, mais il s’est toutefois montré indulgent à leur égard.

Je ne pense pas qu’elles doivent être jugées trop sévèrement pour ce qu’elles ont fait”.

Effet d’annonce ou réelle volonté de ne pas inutilement engendrer ses propres martyres ? Vendredi 17 aout en début d’après-midi (date du jour de l’énoncé du jugement pour les trois prévenus), on saura à quoi s’en tenir…

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le 13 août 2012 à 15h36




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Messages


  • La condamnation des Pussy Riot "digne de l’Inquisition"
    | lemonde.fr | 17.08.2012

    Au-delà de la seule condamnation du groupe de punk Pussy Riot, c’est la sévérité de celle-ci qui a provoqué des réactions outrées dans de nombreux pays, mais surtout au sein même de la société russe.

    "C’est tout simplement de l’idiotie", a déclaré l’écrivain russe Boris Akounine, une figure de la contestation du pouvoir du président Vladimir Poutine, à la chaîne de télévision Dojd. Le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, autre chef de file de l’opposition, a dénoncé un "anéantissement de la justice" et "un procès digne de l’Inquisition", selon Interfax.

    "Elles sont en prison parce qu’il s’agit d’une revanche personnelle de Poutine, a déclaré Alexeï Navalny. Ce verdict a été écrit par Vladimir Poutine." Il reprend une des lignes de défense des avocats des jeunes femmes, qui ont répété tout au long du procès que le verdict serait, de toutes façons, "dicté par le Kremlin". M. Navalni a lui-même été inculpé de "détournement à grande échelle", un délit pour lequel il risque jusqu’à dix ans de détention.

    L’ÉGLISE ORTHODOXE DEMANDE LA CLÉMENCE
    Conscient de l’ampleur internationale qu’a prise l’affaire, Vladimir Poutine lui-même avait suggéré qu’il ne souhaitait pas que les jeune femmes soient condamnées à de trop lourdes peines. Après l’annonce du verdict, le délégué du Kremlin pour les droits de l’homme, Vladimir Loukine, n’a pas hésité à parler d’une condamnation "injuste", estimant "qu’il ne peut y avoir ici de peine criminelle".

    Même l’Eglise orthodoxe russe, qui avait eu des mots très durs contre les jeunes femmes, a demandé "aux autorités de l’Etat de faire preuve de clémence envers les condamnées, dans l’espoir qu’elles renonceront à toute répétition de ce genre de sacrilège".

    Ailleurs qu’en Russie, la sentence a rapidement été condamnée par la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Catherine Ashton, qui l’a jugée "disproportionnée". La France déplore "un verdict particulièrement disproportionné, compte tenu des faits mineurs qui leur sont reprochés". La Grande-Bretagne et les Etats-Unis utilisent également le mot "disproportionné", Washington demandant aux Russes "de réviser ce procès et de faire en sorte que la liberté d’expression soit maintenue". L’organisation non gouvernementale Amnesty International a estimé que les trois membres du groupe punk étaient des "prisonnières de conscience, détenues uniquement pour avoir exprimé pacifiquement leurs convictions".

    CADENASSAGE

    La fermeté montrée dans cette affaire s’inscrit dans un contexte général de reprise en main ces derniers mois avec l’adoption de plusieurs lois controversées. Une loi qualifie d’"agents de l’étranger" et place sous contrôle étroit les ONG bénéficiant de fonds étrangers, avec des sanctions allant jusqu’à deux ans de détention en cas de violation de la législation. D’autres lois ont été adoptées, l’une sur la diffamation, l’autre sur des "listes noires" de sites Web et une troisième augmente considérablement les sanctions pour violation de la loi sur les manifestations, un texte déjà considéré comme restrictif par l’opposition.

    Vendredi, la justice russe a par ailleurs officiellement banni les gay prides à Moscou pour une durée de cent ans. Nikolay Alexeyev, un activiste qui a dénoncé cette décision de justice, a promis de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. La mairie de Moscou estime que de telles parades peuvent provoquer un désordre public et affirme qu’elles ne sont pas soutenues par la majorité des habitants de la capitale.


    aaa

    D’Oslo à New York, des manifestants en cagoule pour défendre les Pussy Riot
    | lemonde.fr | 17.08.2012


    Avant même l’annonce du verdict, des rassemblements en soutien au groupe Pussy Riot ont été organisés à travers le monde. Partout, les manifestants arboraient la cagoule que les activistes portaient pour la "prière punk" qui leur a coûté deux ans de réclusion.
     Les Pussy Riot condamnées à deux ans de camp pour "vandalisme"
    Crédits : AFP/MARCUS BRANDT / MARCUS BRANDT

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