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"Répertoire partagé des professions de santé (RPPS) : Big Brother vous ausculte ! "
Olivier Labouret | juin 2012
mercredi 11 juillet 2012
"RPPS (Répertoire partagé des professions de santé) : Big Brother vous ausculte ! "
Olivier Labouret | juin 2012
Dans le silence
feutré des cabinets médicaux, pour le compte
de l’Etat et du Conseil de l’Ordre,
s’est tranquillement mise en place la
traçabilité informatique du bétail
médical.
Déjà
modifié par l’arrêté du 23
décembre 2011, l’arrêté du 6
février 2009 portant création d’un traitement de données à
caractère personnel dénommé «
Répertoire partagé des professions de santé » est passé
totalement inaperçu. Ce traitement est
présenté en effet comme un répertoire
bien utile, permettant le
partage d’informations et la simplification des
démarches administratives. Il a pour finalités (article 1er)
d’identifier les professionnels de santé, de suivre
leur exercice, et de mettre une
partie de leurs données personnelles à
disposition du public.
Parmi les données collectées, l’état civil et
les coordonnées, la nationalité et sa date
d’acquisition, les diplômes, titres et qualifications, le genre d’activité
et le mode d’exercice, les périodes pendant
lesquelles le professionnel a
fait l’objet d’une mesure de suspension ou d’interdiction
d’exercice, le motif de cessation
de l’activité... Ces données sont
conservées jusqu’au 100ème anniversaire, ou
la 30ème année
suivant la fin d’exercice (article 4) ! Une
liste impressionnante d’administrations y ont accès :
ministère de la
santé, service de santé des armées
et autres services de l’Etat telles que les agences régionales de santé, caisses
d’assurance maladie, conseils des ordres professionnels,
établissements médicaux
ou médico-sociaux, organismes et
établissements scientifiques ayant pour mission
d’agir pour le
développement et la diffusion des connaissances dans le
domaine sanitaire et social1...
L’arrêté
précise que le droit d’opposition ne s’applique pas
(article 10) : le médecin ne peut pas refuser que ses données pourtant
« personnelles » soient ainsi très
largement dévoilées !
Et alors, me direz-vous ?
N’est-il pas normal que la technologie numérique soit
ainsi mise au service de
l’intérêt général, en
améliorant la transparence des activités
réalisées par un corps médical jusqu’ici trop rétif,
individualiste et dispendieux ? N’est-il pas normal que la
sélection joue à
plein, en informant les patients-consommateurs sur le
praticien à qui ils vont confier leur vie, et en écartant ceux qui dans leur
carrière ont failli ? Après tout, les
patients aussi sont fichés et triés, par dossier médical personnel, dossier
pharmaceutique et dossier psychiatrique interposés
; et avec eux les fraudeurs
potentiels, les contribuables et les consommateurs, les
précaires et les étrangers, les suspects et les opposants politiques, les
délinquants et les détenus, les enfants et
les travailleurs, les moutons et même
(paraît-il) les ratons laveurs... Et puis,
la technologie numérique ne porte-t-elle pas les derniers rêves de croissance,
comme notre très normal président
lui-même l’avait annoncé dans son programme électoral ? La
concurrence et le profit : aucune raison que les
médecins échappent
à la loi du marché, mais il y a quand
même des limites pour ces privilégiés
dont le laxisme creuse le trou
de la sécu et la désertification rurale...
Désormais, toute sanction disciplinaire ou financière, par exemple en cas de
débauche de prescription d’arrêts de travail ou
de refus d’appliquer les
injonctions ministérielles en matière de
bonnes pratiques, pourra s’opérer automatiquement grâce au RPPS,
interconnecté avec les organismes de paiement et de
contrôle : net et sans
bavure, et sans contestation possible. Et peu importe que
cette surveillance insidieuse porte fondamentalement atteinte à la vie
privée, à l’égalité, aux
libertés : l’essentiel n’est-il pas que l’ordre (des médecins) règne enfin ?
Le RPPS, un merveilleux
instrument de normalisation technologique des populations, soignantes comme soignées, et de
moralisation néolibérale de la vie, publique
comme privée...
Olivier Labouret, médecin psychiatre de l’Union Syndical de la Psychiatrie
juin 2012
juin 2012
1 C’est sans doute un euphémisme
pour « marketing de l’industrie pharmaceutique
».