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Les jours de Chavez sont comptés

Oscar Fortin | humanisme.blogspot.fr | samedi 9 juin 2012

samedi 16 juin 2012



Les jours de Chavez sont comptés
Oscar Fortin | humanisme.blogspot.fr | samedi 9 juin 2012

Nos âmes sensibles ne manquent pas d’occasions pour dénoncer et condamner avec force et véhémence les manifestations des étudiants qui ne respectent pas les directives énoncées par la loi 78. Nos éditorialistes et faiseurs de nouvelles se font bien présents pour montrer et dénoncer les dérives que génèrent ces manifestations et certains de leurs dirigeants. Ils insistent sur le respect de la loi et les libertés de tous et de toutes. Les libertés des uns n’ont-elles pas pour frontière les libertés des autres ?

Ce qui est vrai pour nous ne devrait-il pas l’être pour tous les peuples et tous les États ? Que faisons-nous en Syrie présentement ? Nous soutenons des groupes de l’opposition armée et des mercenaires qui défient le régime de droit du gouvernement de Bashar Al-Assad. Voici que, maintenant, le président de la Banque mondiale (BM) nous annonce des interventions visant l’élimination du Président légitimement élu du Venezuela et dont la réélection est confirmée par tous les sondages.

En effet, M. Robert Zoellich,  lors d’une conférence, à l’occasion des cérémonies marquant le 30e anniversaire du centre d’analyse Inter-American Dialogue, a annoncé comme un fait sans retour que les jours de Chavez étaient comptés.

QUI EST ROBERT ZOELLICH ?

Il fut représentant spécial des États-Unis pour le Commerce du 7 février 2001 au 22 février 2005, secrétaire d’État adjoint auprès de la secrétaire d’État Condoleezza Rice dans le gouvernement du président George W. Bush de janvier 2005 à juillet 2006. Fin mai 2007, il devient le candidat de George W. Bush au poste de Président de la Banque mondiale, en remplacement de Paul Wolfowitz, poussé à la démission pour népotisme. La nomination à ce poste est approuvée par le conseil des directeurs de la Banque mondiale le 25 juin 2007.

QUELLE EST SA DÉCLARATION EN DATE DU 7 JUIN 2012 ?

 « Les jours de Chavez sont comptés. Et si ses subventions à Cuba et au Nicaragua sont supprimées, ces régimes se retrouveront en difficulté. Les démocrates d’Amérique latine - gauche, centre, et droite devraient se préparer », a déclaré M. Zoellick à Washington, à l’occasion des cérémonies marquant le 30e anniversaire du centre d’analyse Inter-American Dialogue. « Les appels à la démocratie, pour mettre fin aux intimidations, pour revenir au respect des droits de l’Homme, à des élections équitables et à l’État de droit, doivent venir de toutes les capitales », a ajouté M. Zoellick (…) Vous savez bien que si les Latino-américains laissent le travail à Washington et à Ottawa, les opposants de la liberté et des droits de l’Homme joueront la carte (...) du néo impérialisme. Faites-les déchanter, a-t-il lancé.

QUELQUES INTERROGATIONS

1. « Les jours de Chavez sont comptés  »,

Pourquoi ses jours seraient-ils comptés ?

Est-ce en raison d’une élection à venir dont il connaîtrait à l’avance les résultats ?

Est-ce parce que le peuple vénézuélien n’en veut plus et qu’il est prêt à se révolter ?

Est-ce parce que Chavez est malade et qu’il n’y en a plus pour longtemps à vivre ?

Est-ce encore parce que les États-Unis se préparent à le faire disparaître physiquement et à s’emparer des pouvoirs de l’État et du pétrole qui va avec ?

Ce qui ressort de ses propos c’est que les « subventions » de Chavez rendent caduque l’arme économique des États-Unis si souvent utilisée pour mettre à genoux les Pays en difficulté. Il y a les subventions à Cuba et au Nicaragua qui sont nommément identifiées, mais aussi beaucoup d’autres qui dérangent énormément les États-Unis.

Dans son esprit, ce sera donc une bonne chose que cessent ces subventions pour que ces deux peuples ainsi que les autres qui en profitent se retrouvent en difficulté et se révoltent contre leurs dirigeants. Voilà une des raisons évoquées pour que les jours de Chavez soient comptés : mettre en difficulté Cuba et le Nicaragua. Il reprend, ici à son compte, le « mémorandum  » de Lester D. Mallory, sous-secrétaire d’État assistant aux affaires interaméricaines des États-Unis sous la présidence d’Eisenhower. Ce dernier y écrivait  :

« La majorité des Cubains soutient Castro. Il n’y a pas d’opposition politique efficace (…). L’unique moyen possible pour détruire le soutien interne (au régime) est de provoquer le désenchantement et le découragement par l’insatisfaction économique et la pénurie (…). On doit employer rapidement tous les moyens possibles pour affaiblir la vie économique de Cuba (…) Un moyen qui pourrait avoir un fort impact serait de refuser tout financement ou envoi à Cuba, ce qui réduirait les recettes monétaires et les salaires réels et provoquerait la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement. »

La conclusion est que pour mettre fin à cette aide, à cette solidarité humaine, il faut que Chavez disparaisse, peu importe les moyens utilisés. Ce plan est déjà en place, permettant ainsi à ce monsieur « honorable » de dire que les jours de Chavez sont comptés. Autrement, comment pourrait-il le dire ?

2.  Il fait donc appel aux « démocrates d’Amérique latine gauche, centre, et droite pour qu’ils s’y préparent. »

Des « démocrates », mais qui sont-ils ?

Sont-ils les artisans d’une participation toujours plus grande des peuples à leur destin ? Il faut en douter. L’Histoire des dictatures et des despotes mis au pouvoir en Amérique latine n’est plus à démontrer.

Sont-ils les promoteurs de cette démocratie qui rapproche les pouvoirs de l’État (législatif, judiciaire, exécutif) des citoyens et des citoyennes ? Rien n’est plus douteux. Il n’y a qu’à voir le fonctionnement de nos démocraties, dites représentatives, pour comprendre l’aversion que l’on a contre tout ce qui fait appel à une démocratie participative et directe.

Sont-ils les défenseurs du bien commun de l’ensemble de la société ? Il faut encore une fois en douter. Les citoyens latinos américains n’ont jamais pesé lourd pour les dirigeants des États-Unis. Pour preuve, malgré les richesses incroyables de leurs Pays respectifs (mines, pétrole, agriculture, élevage), la pauvreté endémique de la quasi-totalité des citoyens d’Amérique latine est là pour en témoigner. C’est un secret pour personne que les richesses de ces pays ont toujours été et demeurent le motif principal des interventions des États-Unis et du Canada dans cette région du monde.

Ou encore, sont-ils plutôt ceux qui voient à ce que les divers pouvoirs de l’État protègent les intérêts des oligarchies nationales ainsi que ceux des États-Unis d’Amérique et des multinationales qui leur sont rattachées ? L’Histoire passée et récente des démocraties, dites représentatives, témoigne de cette prédominance des pouvoirs oligarchiques dans l’exercice des pouvoirs de l’État.

À ce stade-ci de l’analyse, nous pouvons conclure que ces démocrates de l’Amérique latine ne sont pas des partisans de Cuba, ni du Nicaragua, ni du Venezuela. Bref, ni d’aucun citoyen latino-américain ! Ils en sont plutôt des adversaires. À ce niveau, les différences entre droite, centre et gauche n’existent que pour l’électorat. Sur le fond, ils servent tous et toutes les mêmes intérêts que sont ceux des oligarchies et des États-Unis.

3.  Chavez doit disparaître, également « pour mettre fin aux intimidations, pour revenir au respect des droits de l’homme, à des élections équitables et à l’État de droit »

À écouter ce M. Zoellich, Chavez serait antidémocratique, ne respecterait pas les droits de l’homme et ne se soumettrait pas à l’État de droit. Une raison de plus pour qu’il disparaisse. Le jugement est fait, la sentence est prononcée et son exécution est prochaine. Regardons de plus près certaines de ces revendications.

-mettre fin aux intimidations :

D’abord, intimidation de qui et à l’endroit de qui ?

Ces nouveaux gouvernements, épris de justice sociale, de démocratie participative, d’anticorruption intimident peut-être trop, aux yeux des US, les ex-gouvernants et dirigeants de banques et de réseaux de communication, interpellés pour répondre de leurs méfaits.

Pour les États-Unis, il semble que ces Pays affirment trop leur indépendance et souveraineté territoriale et réclament peut-être trop que l’on respecte leurs droits et leur liberté de gouverner en référence au bien commun de l’ensemble de la société.

Aussi la remise en question de certaines institutions régionales comme l’OEA, sans doute utiles à l’empire, mais tout à fait inadéquates aux préoccupations et aux intérêts des pays latino-américains, n’est pas sans déranger ceux qui avaient l’habitude de tout décider.

Ces divers points sont-ils des « intimidations » que les Pays progressistes et indépendants  infligeraient aux Pays, jadis maître des lieux ?

Il faut dire que ces oligarchies, plus habituées à intimider qu’à être intimidées, n’acceptent tout simplement pas d’être mises dans une situation d’égalité quant aux droits et aux devoirs. Elles n’acceptent pas de se faire rappeler à l’ordre par plus petit que soi. Chavez le fait et on l’intimide en lui disant que ses jours sont comptés.

-pour revenir au respect des droits de l’homme :

Je ne sais pas si les Salvadoriens, les Guatémaltèques, les Honduriens, les Chiliens, les Argentins, les Brésiliens, les Boliviens, les Équatoriens, les Uruguayens, les Vénézuéliens, les Paraguayens et les Colombiens souhaitent ce retour au respect des droits de l’homme des années 1960-1990. Y avait-il des droits de l’homme sous les nombreuses dictatures souvent mises en place et toujours soutenues par les États-Unis ? Pinochet, la Junte militaire en Argentine, les dictateurs Stroessner et Somoza, entre autres, ont surtout laissé de très mauvais souvenirs quant au respect des droits humains. Le plan Condor où on assassinait automatiquement toute opposition demeure toujours une toile de fond de toute la cruauté d’une époque. Y revenir ne serait certainement pas une bonne nouvelle pour les peuples.

-à des élections équitables,

Il est particulièrement intéressant d’entendre de la bouche de ce personnage cette expression d’élections équitables. Quand peut-on dire qu’une élection est équitable ou pas ? Lorsque le résultat plaît aux États unis ? Qui peut décider quand une élection est équitable ou pas ? Les citoyens du pays ou les dirigeants des États-Unis ? S’il y a un président qui a été confronté à plusieurs reprises à son électorat, c’est bien Chavez, et chaque fois le peuple fut derrière lui pour l’appuyer.

-à l’État de droit  : Encore là, qui décide de l’État de droit ? La constitution que se donne un peuple ? La constitution que se donnent les oligarchies ? Les impératifs de la justice, de la vérité, de la solidarité ? Dans le cas du Venezuela, le peuple et toutes les instances gouvernementales et privées sont soumis à une Constitution voulue et votée par le peuple. Elle est la règle de conduite du gouvernement et elle est celle que fuient les escrocs qui ne veulent pas répondre de leurs méfaits devant la justice.

Les « jours de Chavez sont comptés » peut être interprété comme étant une réelle menace de mort.

QUE CONCLURE ?

Pour les oligarchies, la démocratie est celle qui sert en tout premier lieu leurs intérêts et elle ne sera équitable que dans la mesure où elle répondra aux priorités de ces dernières.

Le respect des droits de la personne reposera toujours sur le respect de leurs propres droits, conformément aux lois qu’elles auront elles-mêmes élaborées. Les commissions établies pour assurer l’application du respect de ces droits répondront d’abord et avant tout à leurs propres prérogatives. Nous avons vu au Honduras la réaction des oligarchies lorsque Zelaya, alors président légitime, a voulu, en 2009, aborder la mise sur pied d’une constituante pour une nouvelle constitution. Il a été expulsé du pays, manu militari.

Tout gouvernement mettant en cause ces droits qui leur sont pour ainsi dire acquis sera considéré comme non démocratique, même s’il a l’appui de la majorité de sa population. Les dirigeants pourront être tués et les actions de sabotages justifiées.

Toute tentative pour renverser cet ordre des choses sera considérée comme du terrorisme et sujet à des sanctions sévères.

Les oligarchies et l’empire peuvent se permettre tous les crimes. Dans leur cas, ce ne sera qu’actions humanitaires, luttes pour la démocratie et protection des droits humains.

Leurs adversaires, s’ils descendent dans la rue pour dénoncer ces crimes et réclamer une véritable démocratie au service des peuples, seront considérés comme des délinquants, des anarchistes et confondus à des « casseurs » sans aucun respect du droit des autres.

Pour ma part, je suis contre toute violence particulièrement de ceux qui disposent de l’artillerie lourde et des médias de communication pour couvrir leurs crimes. Je suis contre les groupes armés de l’opposition en Syrie, contre les terroristes qui y sèment la terreur et contre ceux qui les alimentent en armes et en argent. Je suis contre les tentatives d’assassinat de Chavez et contre les mesures visant à faire souffrir les peuples du Nicaragua et de Cuba. Je suis contre les faux positifs qui sèment la terreur et la mort en les attribuant à des groupes qui n’y sont pour rien. Je suis contre les médias qui ont abdiqué de leur mission d’information pour se transformer en une mission de propagande au service de leurs maîtres.

Oscar Fortin
Québec, le 8 juin 2012

Voir en ligne : Les jours de Chavez sont comptés

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