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Quand Facebook est le terrain de chasse de la police

Cynthia Gani - mardi 28 septembre 2010

mardi 28 septembre 2010

(Tirabosco)

A Genève, la police a déjoué une rixe collective et massive organisée via le réseau social. Dans les cantons romands, Facebook est à la fois perçu comme une nouvelle source d’information et une menace
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Le grisant sentiment d’impunité éprouvé par certains internautes sur Facebook pourrait bien disparaître. A Genève, le groupe de jeunes qui a tenté d’organiser une rixe collective géante via le réseau social en a fait l’expérience : ils étaient une centaine, âgés de 14 à 16 ans, à s’être donné rendez-vous vendredi 17 septembre dans la commune de Meyrin pour se battre. Mais la police a eu vent du projet – révélé par l’hebdomadaire GHI – et a pu l’anticiper : son intervention a permis d’éviter le déclenchement de la bagarre. Comment éviter que ce type de débordements s’organise sur Facebook ? Et qui, au sein de la police, s’occupe de surveiller la Toile pour limiter les dérives ?

A Genève, la police a été alertée par le personnel d’un collège, explique le porte-parole Patrick Puhl. Mais la source première de l’information était Facebook : « Ce réseau constitue indéniablement un nouveau moyen d’information, même s’il ne s’agit pas d’une base de données. » La police compte en priorité sur les parents, les professeurs et les travailleurs sociaux pour être mis au courant quand des plans s’échafaudent.

Aucun canton romand n’a mobilisé un policier à plein temps pour faire de la veille sur le réseau social. Mais à Neuchâtel, visiblement plus à la pointe que les autres dans ce domaine, la police est à l’affût « à chaque fois qu’un événement à risque se prépare, comme un match ou la fête des vendanges », explique Olivier Guéniat, chef de la police de sûreté.

De plus, la police neuchâteloise a décidé d’être proactive sur Facebook en créant sa page officielle, à laquelle les internautes peuvent souscrire. « Par ailleurs, une soixantaine de policiers sont membres de Facebook à titre privé. Si quelqu’un repère quelque chose qui pourrait nuire à la sécurité publique, il est de son devoir de faire remonter l’information », selon Pascal Lüthi, porte-parole.

Dans le canton de Vaud, la police n’a pas les effectifs pour faire de la veille, explique le porte-parole Philippe Jaton. Mais il est arrivé qu’elle déjoue, grâce à Internet, une rixe prévue dans l’Ouest vaudois : « On a su que des gens étaient en train de s’allumer via Facebook. Nous devons nous préparer à trouver des solutions à ce nouveau type d’organisation. »

Dans les cantons du Valais, de Fribourg et du Jura, on jette un œil sur Facebook quand un événement à risque se prépare. Mais malgré cette absence de surveillance systématique, toutes les polices se disent impressionnées par la force de frappe que représente le réseau social. Cela peut être positif, comme dans le cas de fugues ou de disparitions : « Facebook nous permet d’entrer très vite en contact avec le réseau de la personne disparue », explique Pascal Lüthi.

Mais utilisé dans l’intention de nuire, Facebook peut inquiéter : « Son utilisation constitue un nouveau risque, qui nous a déjà mis en difficulté lors de l’organisation de « botellones ». L’amplitude du rassemblement de Meyrin laisse perplexe », admet Olivier Guéniat. « Les échelles changent, tout va à deux cents à l’heure », ajoute Philippe Jaton. Comme le note le sociologue Sandro Cattacin (lire ci-dessous), Facebook permet de réunir un nombre impressionnant de personnes en un temps record, bien plus vite que par SMS par exemple. « C’est là que réside la difficulté : il est plus difficile pour la police d’anticiper, de s’organiser et de se mobiliser », selon Pascal Lüthi.

Pour la police, Facebook est une arme à double tranchant : « Ce média permet autant d’organiser un événement illégal, comme la rixe, que de le dénoncer, souligne Sami Coll, sociologue des nouvelles technologies de l’information. En communiquant sur l’affaire, la police genevoise a clairement envoyé un signal disant qu’elle est à la page en matière de nouvelles technologies, que Facebook n’est plus un espace de non-droit. »

Pour l’heure, la police se contente d’une « délégation de la surveillance. Le pouvoir officiel espère mobiliser des utilisateurs citoyens pour exercer le contrôle. Mais à l’avenir, la police pourrait développer des techniques de surveillance : on peut imaginer un travail d’infiltration virtuelle, en créant peut-être des faux profils pour surveiller des personnes à risques », illustre Sami Coll. A ses yeux, « l’utopie de la liberté de l’information est remise en cause. »

Cynthia Gani


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