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Dette bancaire espagnole : La valse des milliards et la crise de la zone euro

Nick Beams | wsws.org | mardi 15 mai 2012

mardi 15 mai 2012

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La dette bancaire espagnole aggrave la crise de la zone euro
Nick Beams | wsws.org | mardi 15 mai 2012

La crise financière européenne s’est à nouveau
aggravée alors que les doutes augmentent sur la solvabilité du système
bancaire espagnol et que la possibilité d’un retrait de la Grèce de la zone
euro devient de plus en plus probable.

Vendredi dernier, le gouvernement espagnol a
demandé aux banques de prévoir 30 milliards d’euros (39 milliards de
dollars) pour couvrir les pertes massives en actifs immobiliers, c’est sa
quatrième tentative en trois ans pour assainir le système bancaire du pays.
Mais, pour les marchés financiers, la mesure est généralement considérée
comme trop insignifiante et trop tardive. Les valeurs bancaires ont chuté et
le taux d’intérêt des obligations espagnoles a grimpé à plus de 6 pour cent,
un niveau jugé insoutenable, face aux craintes que l’Espagne aurait à
solliciter un plan de sauvetage de l’Union européenne. La chute des valeurs
bancaires inclut Banco Santander, la plus importante banque en termes de
valeurs de la zone euro.

L’appel du gouvernement espagnol à provisionner
des fonds supplémentaires a fait suite à sa décision en début de semaine de
convertir en actions ses 4,5 milliards d’euros de participation dans le
conglomérat Bankia, ce qui revient dans les faits à une nationalisation du
prêteur.

Cette prise de contrôle signifie l’effondrement
d’un plan de sauvetage précédent soutenu par le gouvernement et met au grand
jour les prétentions frauduleuses à la fois du gouvernement et des autorités
de régulation selon lesquels le marché de l’immobilier s’était stabilisé et
que les banques espagnoles étaient sur la voie de la reprise.

Bankia, qui détient 10 pour cent de l’ensemble des
dépôts nationaux des banques, fut créé en 2010 de la fusion de banques
régionales qui avaient littéralement été rendues insolvables du fait de
l’éclatement de la bulle immobilière espagnole après le début de la crise
financière mondiale de 2008. Les sept banques impliquées dans la fusion
avaient accumulé 55 milliards d’euros en actifs toxiques, liés aux prêts
immobiliers et qui s’élevaient à près de 30 pour cent de leurs bilans
combinés.

Depuis leur lancement sur le marché d’action en
juillet dernier, les actions de Bankia ont dégringolé de plus de 45 pour
cent étant donné que ses plus gros investisseurs internationaux retiraient
leur argent. Nombre de ceux qui avaient initialement acquis des actions
étaient de petits investisseurs qui avaient réagi à la campagne
gouvernementale invitant à soutenir une reprise nationale.

L’économiste en chef pour l’Europe méridionale
chez Barclays, Antonio Pascual, a dit qu’il y avait eu d’énormes sorties de
fonds de l’Espagne ces six derniers mois. Il a averti qu’un soutien
financier externe serait nécessaire si les investisseurs étrangers
continuaient à réduire leur exposition à un « taux économiquement
perturbateur ».

Par ailleurs, l’on estime que les banques
détiennent environ 308 milliards d’euros en actifs immobiliers dont 184
milliards sont considérés être des « actifs toxiques ». Ces prêts douteux
sont la conséquence du krach immobilier qui a laissé vides et sans
acquéreurs les parcs de biens immobiliers saisis. De plus, l’on craint
l’exposition des banques aux prêts immobiliers qui totalisent 656 milliards
d’euros. Ces actifs figurent encore à leur valeur originale dans les livres
des banques malgré le fait que les prix des maisons ont chuté d’environ 25
pour cent depuis 2008. Jeudi dernier, des données officielles ont montré que
les ventes des maisons avaient baissé pour le 13ème mois consécutif.

Loin de soulager la crise, les dernières mesures
du gouvernement pourraient l’intensifier. L’Espagne est déjà en prise avec
un programme d’austérité qui a réduit les dépenses gouvernementales de 27
milliards d’euros et qui a fait bondir le taux de chômage à 25 pour cent.
Par conséquent, un nombre de banques plus faibles auront des difficultés à
lever les fonds supplémentaires requis, ce qui nécessitera une intervention
de l’Etat. Comme l’indiquait le Financial Times, ceci a mis en branle
un cercle vicieux : « Au fur et à mesure que la dette gouvernementale
augmente, davantage de mesures d’austérité seront nécessaires, accélérant la
croissance économique et rendant les banques probablement encore moins
enclines (ou incapables) à prêter. »

Un processus similaire est en oeuvre en raison de
l’opération de refinancement à long terme (LTRO) de la Banque centrale
européenne en vertu de laquelle 1 milliard d’euros a été mis à la
disposition des banques européennes faibles pendant trois ans au taux
d’intérêt ultra bas de 1 pour cent.

Les banques espagnoles ont reçu de l’argent pour
racheter la dette gouvernementale ce qui a enclenché un nouveau cercle
vicieux potentiel. Alors que la position des banques s’affaiblit et qu’elles
empilent plus d’argent sous forme d’obligations, elles deviennent de plus en
plus exposées aux risques de la dette souveraine.

La crise est aussi exacerbée par la perspective
d’une poursuite de la baisse de la croissance espagnole. Selon les dernières
prévisions de l’Union européenne, l’Espagne peut s’attendre à un marasme
pendant les deux prochaines années au moins. Ceci signifie que les recettes
du gouvernement continueront de baisser en occasionnant de nouvelles
demandes de mesures de rigueur alors que son ratio endettement/PIB augmente
et qu’il ne réussit pas à atteindre ses objectifs en matière de déficit. De
nouvelles réductions gouvernementales résulteront à leur tour en davantage
de contraction économique. La Commission européenne a prédit un déficit
budgétaire de 6,4 pour du PIB en 2012 en manquant l’objectif de l’UE de 5,3
pour cent.

Alors que l’on a beaucoup parlé de ce que l’UE
pourrait permettre une certaine souplesse à l’Espagne pour ses objectifs de
déficits, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaire,
Olli Rehn, a mis en garde que la situation de la dette « exige un traitement
très ferme pour réfréner les dépenses excessives des gouvernements
régionaux. »

Le récent tournant dans la crise de la dette
espagnole s’est accompagné de craintes qu’une situation politique instable
en Grèce, où des pourparlers concernant la formation d’un nouveau
gouvernement ont pratiquement tous échoué, pourrait résulter pour la Grèce
en une sortie de la zone euro.

Le mois prochain, il est prévu que la Grèce
élabore un programme de 11,5 milliards d’euros de coupes budgétaires en
vertu du programme de rigueur imposé par l’UE, au milieu des avertissements
que si elle manque d’obtempérer, l’octroi des fonds sera coupé. Les
réductions impliqueront probablement de nouvelles réductions des salaires et
des retraites – les mesures mêmes que le peuple grec a massivement rejetées
lors des élections du 6 mai.

Les responsables de la BCE ont accru la pression
lors du week-end pour l’application du programme d’austérité. Patrick
Honohan, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a dit qu’alors que le
retrait grec compromettait la confiance dans l’union monétaire, il pourrait
être traité « techniquement. »

Menaçant le peuple grec d’une nouvelle catastrophe
économique, Jens Weidman, président de la banque centrale allemande,
Bundesbank, a averti que : « Pour la Grèce, les conséquences [d’un retrait
de la zone euro] seraient plus sérieuses que pour le reste de la zone
euro. »

Alors que la BCE et d’autres responsables
insistent pour dire que la zone euro sera en mesure de survivre à la tempête
d’un retrait grec, il existe des doutes considérables là-dessus. La crainte
est que le Portugal soit immédiatement ciblé – avec les banques et les
institutions financières retirant leur argent pour le placer dans les
banques allemandes – suivi de l’Espagne et de l’Italie.

Le ministre britannique du Commerce, Vince Cable,
a dit que le Royaume Uni « doit espérer » que les mesures mises en place
pour éviter une contagion se soient révélées suffisamment fortes pour
empêcher que la crise ne se propage à l’Espagne et à l’Italie, sinon il y
aurait un « impact massif » sur le commerce britannique. La contagion ne
s’arrêterait pas là mais déclencherait une crise mondiale dépassant de loin
celle qui avait été provoquée par l’effondrement de Lehman Brothers en
septembre 2008.

(Article original paru le 14 mai 2012)



Nick Beams est secrétaire national du Socialist Equality Party (SEP, Australie)




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