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L’administration Obama (Nobel de la Paix 2009) élargit le recours aux "assassinats ciblés" au Yémen

Sylvain Cypel | lemonde.fr | vendredi 27 avril 2012

samedi 28 avril 2012


L’administration Obama élargit le recours aux "assassinats ciblés" au Yémen
Sylvain Cypel | lemonde.fr | vendredi 27 avril 2012


La Maison Blanche a donné son feu vert à un usage plus extensif des assassinats ciblés au Yémen de personnes soupçonnées soit d’appartenir à Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), soit d’y "comploter contre la sécurité" des Etats-Unis, ont confirmé plusieurs responsables de l’administration Obama, sous couvert d’anonymat, jeudi 26 avril.

Le même jour, trois membres présumés de l’organisation fondée par Oussama Ben Laden ont été tués par un tir de missile dans la ville yéménite de Moudiah. Après l’explosion, les habitants, selon l’agence Reuters, ont déclaré avoir vu deux drones s’éloigner. Mardi, Mohammed Said Al-Oumda, soupçonné par les services américains d’être un responsable opérationnel d’AQPA - ce que des spécialistes ont contesté aux Etats-Unis - avait été tué par une roquette tirée d’un drone dans la province du Marib (centre).

DIX OPÉRATIONS EN QUATRE MOIS

La reconnaissance de cette escalade dans la guerre secrète menée au Yémen contre les insurgés djihadistes vient confirmer ce que les chiffres montraient déjà : il y a eu dix opérations de ce type durant les quatre premiers mois de l’année, soit plus que durant toute l’année 2011. Les stratèges de l’administration justifient l’augmentation de ces raids par la montée en puissance constatée des forces d’AQPA au Yémen du Sud, et par la crainte qu’elles y créent un "sanctuaire".

John Brennan, conseiller au contreterrorisme de Barack Obama, a récemment estimé qu’Al-Qaida est parvenue à y regrouper plus d’un millier d’hommes. Les termes "Yémen du Sud" sont d’ailleurs trompeurs : les provinces concernées incluent bien celles situées autour d’Aden, mais elles remontent jusqu’au nord-est dans l’immense région désertique de l’Hadramaout.

Contrairement à ce qui se passe des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise où l’armée américaine a la main sur l’usage des tirs de roquettes à partir de drones, au Yémen, la CIA, qui a ouvert en 2011 une base secrète dans la péninsule Arabique, a obtenu d’y procéder également, aux côtés des commandos militaires spéciaux du Joint Special Operation Command (JSOC). C’est la CIA qui aurait fait pression sur la Maison Blanche pour accélérer le recours à cette méthode. Initialement réticente, celle-ci a fini par lui donner raison.

"L’OPINION AMÉRICAINE EST EN DROIT DE SAVOIR"

Principal changement, qui "élargit le créneau" d’intervention, selon les termes d’un officiel : jusqu’ici, les forces américaines, après en avoir obtenu l’autorisation au plus haut échelon, procédaient à des "personality strikes", des attaques contre des responsables identifiés d’Al-Qaida. Exemple type : la "liquidation", le 30 septembre 2011, de l’imam radical américano-yéménite Anwar Al-Awlaki, considéré à Washington comme une figure éminente. Désormais, elles sont aussi autorisées à procéder à ce que la CIA appelle les "signature strikes", ou attaques sur indices. Des personnes dont la CIA peut ne pas même connaître le nom, mais dont le comportement signe l’appartenance à AQPA, ou dont l’attitude apparaît menaçante pour les intérêts américains.

L’agence de renseignement assure disposer aujourd’hui des moyens humains et technologiques aptes à identifier ce type de "cible" avec très peu de risques d’erreur. Ses contempteurs dénoncent cette certitude : dans un pays où tout le monde est armé, comment juger, par exemple, de l’objectif d’un "transport d’armes", cas déjà invoqué pour justifier une "attaque ciblée" sur indices ?

Pour Andrea Prasow, qui suit ce dossier pour l’association Human Rights Watch (HRW), "le plus frustrant est que l’administration Obama entretient un manque total de transparence. Elle n’a jamais défini le cadre juridique de ces opérations : lesquelles sont légales à ses yeux, et lesquelles interdites ? A chaque demande d’information, la CIA nous oppose le secret. L’opinion américaine est en droit de savoir ce qui se mène en son nom. La légitimité d’un assassinat ciblé doit être démontrable et l’impact sur les populations civiles connu", souligne-t-elle.

PAS DE PERTE HUMAINE POUR LE CAMP QUI UTILISE LES DRONES

Parmi les critiques politiques qui ont émergé aux Etats-Unis et devraient se renforcer après ce tournant, la première estime que si AQPA a proliféré depuis deux ans au Yémen, ce n’est pas malgré les raids ciblés auxquels les Américains ont eu recours, mais pour beaucoup à cause de la colère qu’ils suscitent au sein des populations tribales. Ces assassinats, souvent menés dans des zones ou personne n’a accès, causeraient plus de victimes que la CIA ne veut bien l’admettre.

Par ailleurs, des élus jugent que cette guerre inavouée ne peut être menée en dehors de l’aval du Congrès, auquel la Maison Blanche n’a jamais demandé un vote. Les drones, une technologie "qui repousse la dernière barrière pour faire la guerre" en évitant tout risque de perte humaine au camp qui l’utilise, constitueraient ainsi "un risque pour la démocratie", jugeait récemment Peter Singer, directeur de l’Initiative de défense pour le XXIe siècle à l’Institution Brookings de Washington.

De cette inquiétude naît la crainte majeure : qu’en ouvrant insidieusement un nouveau front, M.Obama finisse par entraîner son pays dans un nouveau conflit.


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