Photo : citea.com

La succession en quelques jours de plusieurs règlements de compte criminels à Marseille a suffit pour déclencher un petit incendie médiatique. « La cité phocéenne est-elle devenue le nouveau Chicago ? » se demandait par exemple L’Express. Dans cet article, deux journalistes fournissent quelques éléments d’analyse en donnant les liens vers des articles plus anciens. Ce qui nous rappelle que cette médiatisation nationale de la question criminelle marseillaise est tout sauf nouvelle. Elle a déjà eu lieu à plusieurs reprises, la dernière en date pas plus tard qu’à la fin de l’année 2011. Alors disons les choses : ce sujet est devenu un véritable marronnier dans la presse, avec l’association de trois mots-clefs : Marseille, Drogue et Kalachnikov. Et comme l’univers médiatique fonctionne de plus en plus sur la base d’une amnésie générale, le même sujet est ressorti périodiquement tout en étant à chaque fois présenté comme « nouveau » et forcément « pire qu’avant ». Une mauvaise langue dirait que ce système consistant à faire du nouveau avec de l’ancien ressemble étrangement au marketing commercial. Quoi qu’il en soit, comme d’habitude, il faut donc démentir l’existence du scoop et rappeler les données de base nécessaires pour comprendre la réalité et l’intensité des phénomènes de grande délinquance à Marseille, en particulier :

- l’histoire et la culture qui donnent au banditisme une place dans la vie sociale et dans l’imaginaire collectif marseillais ;

- les liens fondamentaux avec le grand banditisme corse ;

- l’extrême dureté du contexte socio-économique qui jette en permanence de jeunes gens désœuvrés dans les bras de délinquants plus expérimentés qui les enrôlent ;

- la généralisation au cours des vingt dernières années (à Marseille comme ailleurs) du trafic de drogue comme carrière délinquante pour certains mais aussi comme économie de survie pour beaucoup ;

- le manque de moyens matériel et humain des forces de police et de la justice ;

- le fait que tout ceci ne doit pas être pris non plus pour quelque chose de significatif dans la vie quotidienne des habitants de Marseille. Ces derniers découvrent en réalité ces meurtres dans la presse, comme les autres citoyens. Et leur quotidien en matière de sécurité n’est pas lié au grand banditisme mais à la petite et moyenne délinquance économique (les vols - avec ou sans violence -, les dégradations et les cambriolages), comme partout ailleurs en France.

Toutes choses que méconnaissent ou que dénient des discours politiciens d’auto-satisfaction ridicules et parfois même indécents, que ce soient ceux du ministre de l’Intérieur Claude Guéant ou ceux du préfet de police de Marseille qu’il a nommé il y a quelques mois, Alain Gardère, lequel n’hésitez pas à prétendre dans une émission récente de France Inter que, depuis son arrivée, « les marseillais peuvent ressortir le soir » !

* Pour commencer, on proposera aux lecteurs de lire nos interviews sur ce site du monde.fr (16 avril 2012) et sur celui de lexpress.fr (2 décembre 2011).

* Sur l’histoire du banditisme à Marseille, on signalera d’abord la thèse de Laurence Montel (Marseille. Capitale du crime, 1820-1940) dont on attend avec impatience la publication, ensuite le livre de Thierry Colombié qui vient au contraire de paraître, il consacré à l’histoire de la French Connection dans les années 1950-1970.

* Sur les trafics de drogue, on lira le récent travail de recherche dirigé par Claire Duport « L’intervention sociale à l’épreuve des trafics de drogues ».

* Sur l’actualité marseillaise, on recommande le blog de Philippe Pujol, journaliste à La Marseillaise, sans doute le journaliste le mieux renseigné sur ces questions à Marseille.

* Sur ce site, on pourra lire aussi : « Sécurité à Marseille : la politisation nationale d’une question locale » (14 janvier 2012) et « Marseille cherche policiers désespérément » (25 mai 2011).

* Enfin, signalons le site de l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux en région PACA, et notamment sa première grande étude statistique démontrant les liens entre certaines formes de délinquance et certaines indicateurs socio-économiques.

 
 



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Transmis par Anne & Ahmid
Sat, 14 Apr 2012 06:21:35 -0700

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