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Christian Vanneste et 10 autres députés déposent une proposition de loi pour restreindre les pouvoirs des associations

Audrey Banegas | 24 septembre 2010

dimanche 26 septembre 2010

Transmis par Plume -
collectifs locaux anti-délation - Fri, 24 Sep 2010

Onze députés UMP, parmi lesquels Christian Vanneste, ont déposé le 16 septembre dernier une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à modifier les conditions de constitution de partie civile par les associations, ou plus clairement à restreindre radicalement leur pouvoir juridique. Au nom de la liberté d’expression, évidemment.

« UNE ASSIMILATION REGRETTABLE EST FAITE ENTRE LA RÉPUTATION D’UNE PERSONNE ET CELLE D’UN GROUPE »
Voici comment ces députés justifient une telle proposition de loi, dans l’exposé des motifs : »(…) une liberté d’expression reconnue mais limitée règne dans notre pays depuis la Révolution française. (…) Ce contrôle ciblé de l’étendue du principe de liberté d’expression ne peut être remis en cause mais est actuellement source de dérives comme le prouvent les nombreuses affaires judiciaires actuelles. (…) Une assimilation regrettable est faite entre la réputation d’une personne et celle d’un groupe. Cette assimilation conduit à la condamnation de personnes ayant formulé un propos de portée générale dont l’appréciation de la véracité reste totalement subjective. Ce propos peut être désagréable. Il est laissé au jugement de l’opinion publique mais ne peut faire l’objet d’une action judiciaire dès lors qu’il n’entraîne pas d’atteinte à la dignité d’une personne déterminée ».

« Pour éviter la multiplication des procédures et le bâillonnement de la liberté d’expression, aucune action ne devrait être menée par une association sans qu’une personne n’ait préalablement porté plainte pour injure ou diffamation. Les associations ne doivent en aucun cas se constituer en « chien de garde » des éventuelles dérives de la liberté d’expression. Ce rôle serait en effet en contradiction profonde avec le principe même de notre droit qui soutient qu’il ne peut y avoir d’infraction sans victime (…) ».

« (…) Une fois la plainte déposée par la personne visée par des propos outrageants, cette dernière peut choisir de demander à une association de se porter partie civile au regard du principe posé par l’article 2 du code de procédure pénale. Toutefois, cette constitution ne devrait pas se contenter d’être subordonnée au simple accord de la victime mais devrait requérir le dépôt d’une plainte préalable de la victime et la demande de cette dernière. L’association ne doit intervenir que dans un deuxième temps, une fois la plainte déposée par la victime, afin d’appuyer sa demande et non d’exercer un contrôle de ce qui constitue selon elle une opinion outrageante ».

« (…) C’est pourquoi, une modification de l’article 2-1 du code de procédure pénale énonçant la possibilité pour une association de se constituer partie civile et les conditions de cette constitution apparaît nécessaire ».

QUAND VANNESTE PRÊCHE POUR SA PAROISSE…
En résumé, selon ces députés, une association ne devrait plus avoir le droit de porter plainte pour des insultes, ou des propos discriminatoires, portés de façon générale contre un groupe de personne. Seul un individu pourrait alors le faire. À la condition qu’il prouve que ces insultes le concerne directement. Ainsi, si une personnalité politique venait à déclarer publiquement des horreurs telles que « les homosexuels sont des pédophiles » ou « les noirs sentent mauvais », pour ne prendre que ces deux exemples extrêmes, il faudrait qu’un individu parvienne à prouver que lui, en tant qu’individu, est concerné par ces injures et donc victime. Ce qui laisserait libre champs à tous les propos extrémistes, racistes, homophobes, discriminants envers tous les groupes possibles de la société prononcés de façon générale.

On comprend rapidement où ces députés veulent en venir et en quoi Christian Vanneste prêche pour sa paroisse. Petit rappel des faits : en 2005, trois associations – Act Up, le SNEG et SOS Homophobie – avaient porté plainte contre le député du Nord pour « injures en raison de l’orientation sexuelle », suite aux propos tenus par celui-ci dans des interviews parues dans La Voix du Nord et Nord Éclair, dans lesquelles il déclarait que « l’homosexualité est inférieure à l’hétérosexualité » et « qu’elle est une menace pour la survie de l’humanité ». C’était alors la première utilisation de la loi du 30 décembre 2004, appliquant les sanctions liées à l’injure envers une personne ou un groupe à raison de l’orientation sexuelle. Christian Vanneste a tout d’abord été condamné pour ces propos par le tribunal correctionnel de Lille, en janvier 2006. La condamnation a été confirmée par la cour d’appel de Douai, le 25 janvier 2007, mais Christian Vanneste a finalement été blanchi le 12 novembre 2008 par la Cour de cassation.

QUI SONT LES AUTRES DÉPUTÉS SIGNATAIRES DE CETTE PROPOSITION DE LOI ?
Les autres députés associés à Christian Vanneste pour signer cette proposition de loi font partie des plus à droite de l’UMP. On y retrouve par exemple Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes. Grand défenseur du retour de la peine de mort, il s’est également rendu célèbre pour quelques autres faits : en 2006, par exemple, quelques jours avant la première commémoration de l’abrogation de l’esclavage, il avait mené un groupe de députés UMP à demander l’abrogation de l’article sur l’enseignement de l’esclavage, en réaction à l’abrogation de celui qui mentionnant un rôle positif de la colonisation. C’est aussi lui qui, en octobre 2009, trouvait « un petit peu indécent qu’on s’apitoie sur le sort de trois réfugiés afghans renvoyés dans leur pays d’origine, quand au même moment nos soldats se battent pour leur liberté ». Et plus récemment, en avril 2010, il accusait le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb sur la guerre d’Algérie de « falsification historique », le qualifiant de « négationniste » et d’ »anti-français ». Ça donne une idée du personnage.
« CETTE PROPOSITION DE LOI ENLÈVE TOUS SON SENS À LA LOI CONTRE LES DISCRIMINATIONS »
La proposition de loi dont il est question ici vise donc à ajouter un deuxième alinéa à l’article 2-1 du code de procédure pénale. « L’article 2-1 prévoit normalement de protéger les victimes de discriminations, de condamner les atteintes homophobes, racistes, qui touchent les individus et des groupes de personnes, explique Caroline Mécary, avocate spécialiste des questions LGBT. Ces atteintes sont en réalité d’intérêt général. C’est pour cette raison que le législateur n’oblige pas à une plainte préalable d’une victime. Cette proposition de loi signée par Christian Vanneste et quelques autres députés enlèverait finalement tout le sens de cette loi. »

« Les associations se proposent normalement par ce statut de porter plainte au nom d’un groupe, pour qu’un homme noir, par exemple, ne soit pas obligé de porté plainte à chaque fois qu’il entend un propos raciste. Elles ont aujourd’hui du souci à se faire, avec cette proposition de loi qui oblige la plainte préalable d’une victime, parce que c’est tout simplement une façon de saper le pouvoir des associations. Vanneste appartient à cette droite extrême qui essaie par tous les moyens légaux de museler tous ceux qui luttent contre les discriminations. En même temps, il est parfaitement cohérent avec lui-même… ».

Bartholomé Girard, président de l’association Sos homophobie qui se porte régulièrement partie civile, est inquiet : « C’est tout simplement scandaleux. Il s’agit d’une proposition de loi qui pourrait permettre de débiter des horreurs, comme Christian Vanneste l’a fait dans le passé, et de ne pas être inquiété. On voit déjà de façon très nette à quoi il fait référence avec cette proposition de loi : au fait que trois associations avaient porté plainte, il y a quelques années, pour les propos homophobes qu’il avait tenus. C’est clairement pour se prémunir de ce genre de chose qu’il fait aujourd’hui cette proposition de loi qui l’autoriserait à dire par exemple que les homosexuels sont des malades mentaux ou encore que les noirs sont inférieurs aux blancs, sans que les associations ne puissent porter plainte et se porter partie civile. C’est simplement scandaleux. Heureusement, pour l’instant cette proposition n’est pas inscrite à l’ordre du jour, elle le sera peut-être dans six mois ou peut-être jamais. Espérons-le ».

« UNE IMMUNITÉ JURIDIQUE SUR MESURE »
Hussein Bourgi, président du Collectif contre l’Homophobie, lui aussi concerné par cette proposition de loi, s’indigne également : « Ce n’est ni plus ni moins qu’une restriction fondamentale de certains droits accordés aux associations. Christian Vanneste et les autres députés très à droite de l’UMP essaient de sortir du champs juridique les propos généraux qui pourraient être tenu à l’encontre des homos mais aussi, des arabes, des noirs, des handicapés, de toutes les minorités. Il s’autorise, par cette proposition, à porter des propos injurieux. Parce qu’évidement lorsque Christian Vanneste tient des propos homophobes, il se garde bien de citer nommément quelqu’un, il s’exprime de manière générale. Avec cette proposition de loi, il dit en quelque sorte : « puisque je n’ai nommé personne, il n’y a pas de victime ». Et en limitant le droit des associations, il essaie de se créer une immunité juridique sur mesure ».

« Or les associations sont justement là pour représenter les intérêts moraux d’un groupe de personnes qui est injurié, discriminé, agressé, lorsqu’il n’y a pas une victime identifiée. Et lorsqu’il y a une victime identifiée, c’est de toutes façon la victime qui est prioritaire et qui choisit seule de se faire accompagner ou non par une association qui se portera partie civile. Les associations n’entrent jamais de force dans une procédure. »

« On sait qui sont ces députés, ce sont les députés les plus extrêmes de l’UMP qui sont à l’origine de cette proposition de loi, l’ultra-droite de l’UMP, si on peut les appeler ainsi. Et à mon avis, il faut être vigilant. Ce n’est pour l’instant qu’une proposition de loi, mais il faut veiller à ce qu’elle ne soit pas inscrite pendant une niche parlementaire. Il y a désormais un véritable travail de veille à effectuer avec les autres associations de lutte contre les discriminations. Il ne faut pas la prendre à la légère. »

Audrey Banegas

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