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Y aura-t-il du nucléaire au dîner de Noël ?

Jade Lindgaard | mediapart.fr | lundi 19 décembre 2011

mardi 20 décembre 2011

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Si votre beau-frère travaille dans le nucléaire, ne vous inquiétez pas si entre la salade et le fromage, en plein dîner du réveillon, il se met soudain à vous dire que : « Pour assurer son indépendance énergétique et maîtriser les coûts de l’électricité, après les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France a décidé de baser son mix énergétique sur le nucléaire. » Sans en avoir l’air, ou presque, il sera en train de faire des heures sup en vous récitant l’argumentaire présenté ces jours-ci par son chef de service.

Car EDF demande en effet à ses cadres de présenter, avant le 31 décembre, à tous les agents, pendant une heure, une note sous la forme d’un Power Point sur « quel débat sur le nucléaire après Fukushima ? ». Cette opération de communication interne a déjà commencé dans une centrale de l’ouest de la France, ce qui a permis à Mediapart de récupérer le document.

Sur ce site nucléaire, un représentant de la direction et une personne du service de communication viennent devant chaque équipe « pour expliquer ce que nous devons dire à l’extérieur et dans nos familles », raconte un agent, selon qui « on sert d’ambassadeurs du nucléaire. Ils attendent qu’on en fasse l’apologie ».

Note d’EDF sur "Quel débat sur le nucléaire après Fukushima ?"

Ce document d’une vingtaine de pages ne recèle pas d’énormes surprises : il fait l’apologie du nucléaire en reprenant les arguments habituels (bon marché, faibles émissions de CO2, emplois). Son objectif principal semble être de rassurer le grand public après l’accident de Fukushima : quatre pages sont consacrées à la description des différences entre réacteurs japonais et français, et à la qualité de la sûreté made in France. Peut-être rédigé un peu vite, le document n’évite pas toujours les formulations maladroites. Comme cet objectif affiché d’« éviter, en cas de fusion du cœur, que des rejets entraînent une contamination d’un territoire contraignant la vie des populations pour des décennies ». Brrr ! Au vu du désastre décrit dans la deuxième partie de la phrase, on peut se demander si le verbe « éviter » n’est pas un peu faible.

EDF, comme François Hollande

La note d’EDF insiste sur l’avantage du nucléaire dans la lutte contre le réchauffement climatique : la page 6 décrit « un impact CO2 faible » ; la page 14 explique que « pour produire l’énergie dont nous avons besoin, il est devenu impératif de s’appuyer sur des moyens de production peu émetteurs en CO2 » et énumère d’un même élan « les énergies renouvelables dont l’hydraulique et le nucléaire ». La ligne suivante insiste : « Le réchauffement climatique est une réalité et le risque d’impact est fort. »

A l’heure de l’échec de la conférence de Durban, du Giec et du Grenelle de l’environnement, la filière de l’atome cherche ainsi à se parer d’arguments écologistes pour défendre sa légitimité. On est loin de la proclamation de la « fierté » atomique qui se manifeste par exemple dans ce tract syndical que nous avons publié la semaine dernière. Le ton d’EDF est ici plus en retrait, plus modeste et se veut écolo-compatible.

Encore plus fort, page 14, la note explique qu’« avec une augmentation de la consommation d’électricité de 2% par an en France, la part du nucléaire dans la production d’électricité tombe à 50% d’ici 2030/2040 ». Notons d’abord que la prévision d’une hausse de la consommation d’électricité de 2% par an d’ici 2030/2040 est un scénario-catastrophe combattu par tous les écologistes qui appellent bien au contraire à procéder à de massives économies d’énergie d’ici 2020.

Mais surtout, François Hollande appréciera l’ironie de la remarque : EDF fait sien – à quelques années près – son objectif de campagne (50% de nucléaire en 2025), et s’en sert de justification pour le maintien de la filière. L’argument procède d’un art consommé de l’équilibrisme : c’est donc parce qu’il ne sera plus dominant que l’atome peut être conservé dans le mix énergétique...On a entendu défense plus sûre d’elle-même. Magie inattendue de ce document : parti sur un air de propagande, il semble au contraire révéler l’inconscient vulnérable du géant français de l’électricité.

François Fillon a-t-il lu ce document ? Le premier ministre a annoncé, lundi, le lancement d’un audit de la sécurité des sites nucléaires du pays. Mais il s’agit d’abord, pour le gouvernement, de répondre à l’intrusion menée par Greenpeace, le 5 décembre : neuf
militants s’étaient hissés sur le dôme d’un réacteur de la centrale de Nogent-sur-Seine. Deux autres
étaient restés cachés 14 heures dans la centrale de Cruas, en Ardèche... Dans une lettre aux ministres
concernés, le premier ministre demande que les premières conclusions lui
soient communiquées le 31 janvier prochain, la remise du rapport définitif étant prévue pour le
30 juin 2012.

Cet article a été modifié mardi 20 décembre vers 11h20 pour corriger une imprécision : le tract cité page 2 n’est pas seulement signé de la CGT mais d’une intersyndicale comprenant la CGT, FO, la CFDT et la CFE-CGC.

Cet article a été modifié mardi 20 décembre vers 10h30 pour corriger un élément concernant le rapport d’audit commandé par François Fillon qui porte sur la "sécurité" et non sur la "sûreté" des centrales nucléaires.




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Transmis par Erual
Tue, 20 Dec 2011 11:21:02 +0100 (CET)




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