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Passeport biométrique : le Conseil d’Etat censure le fichier des empreintes digitales

Marie Thérèse Ferrisi | mediapart.fr | jeudi 3 novembre 2011

samedi 12 novembre 2011

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Le décret du 30 avril 2008 instaurant le passeport biométrique en droit français se présentait comme un simple instrument de transposition d’une norme européenne.

Il n’en est rien.

Non seulement, il ne respecte pas les recommandations du G29 (Groupe des « CNIL » européennes), mais il viole le Règlement du Conseil européen n° 2252/2004 en date du 13 décembre 2004 (ci‐après le « Règlement 2252/2004  »).

En effet, les articles 5, 8 et 9, et 7 dudit décret prévoient respectivement :

- La numérisation de HUIT doigts au lieu de DEUX ;

- L’enregistrement de données biométriques se rapportant aux demandeurs sur le fichier « DELPHINE » pouvant être interconnecté avec d’autres fichiers de police (STIC, etc.)

- La création d’une base centralisée de donnés biométriques

Alors que les recommandations du G29 refusent toute base de données centralisée et que le Règlement 2252/2004 ne prévoit que la numérisation de deux empreintes digitales au lieu de huit.

C’est en raison de cette violation que le Conseil d’Etat a annulé l’article 5 du Décret.

Cette décision est le résultat de la vigilance d’un groupe de citoyens originaires de Toulouse et menés par M. Didier CUJIVES. Ils ont mandaté Me Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de Paris, aux fins de voir respecter les libertés publiques et afin d’éviter un fichage étatique généralisée à la population française détentrice d’un passeport.

A présent, le Gouvernement est face à un choix :

- soit il considère que 6,3 millions de passeports biométriques en circulations sont nuls et ils doivent être rééditer

- soit, l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) procède à l’effacement matériel de six des huit empreintes conservées dans la base. Un tel effacement est techniquement extrêmement délicat car il ne peut être réalisé que dossier par dossier, au prix d’un long travail qui risque d’être couteux et, de surcroit, générateur d’erreurs de manipulations

En effet, s’il faut effacer les six empreintes surnuméraires de la base (soit une purge de 37 800 000 empreintes), cette opération nécessite de casser les sécurités, d’annuler le dossier, inséparable des huit empreintes et de le reconstituer pour les seules deux empreintes qui ont été identifiées comme figurant dans le composant électronique du titre. L’ANTS estime à six mois de travail au moins cette purge.

Les requérants avaient fait savoir au Conseil d’Etat que l’argumentation du Gouvernement était inacceptable. En effet, des complications administratives, ne doivent pas prévaloir devant la protection des libertés publiques. C’est là tout à la fois un aveu et un recul.

  • Un aveu du peu de cas accordé par le Gouvernement aux libertés publiques, protégés par la constitution, les traités internationaux et européens et par les juridictions, au premier rang desquelles le Conseil d’Etat a toujours joué un rôle éminent, même pendant les périodes les plus sombres de notre histoire
  • Un recul, car pour porter atteinte dans de telles proportions aux libertés fondamentales et à l’intégrité de la personne, le pouvoir réglementaire est rigoureusement incompétent. Seul le législateur, sous le contrôle pointilleux du Conseil constitutionnel, peut se permettre d’arbitrer, après un débat public (et non dans l’ombre des antichambres des ministères fréquentées par des consultants en sécurité qui entretiennent un climat de guerre civile molle pour vendre leurs services et leurs solutions cyniquement répressives et technologiquement dépassées) entre les libertés publique et la sécurité

Par ailleurs, force est de constater que cet argument est de pure mauvaise foi. En adoptant le décret prévoyant le stockage de 8 empreintes au lieu de 2, le Gouvernement savait qu’il excédait sciemment son pouvoir en refusant d’appliquer des recommandations et des réglementations européennes pourtant exempt de difficulté d’interprétation. Qui plus est, en laissant trainer volontairement la procédure durant 3 ans (dans le secret espoir qu’un cavalier législatif viendrait corriger son excès de zèle réglementaire), le gouvernement a seul pris le risque d’étendre le nombre de passeports biométriques en circulation et en violation expresse avec la réglementation européenne. Dès lors, il est particulièrement mal venu d’exciper des difficultés techniques qu’il a lui-même généré par son inconséquence et son imprudence.

Par cette décision, le Conseil d’Etat a refusé d’être placé devant le fait accompli en expliquant que l’annulation du texte évidemment nul entrainerait des conséquences disproportionnées. En cela, on peut considérer que le Conseil d’Etat a fait application de l’adage latin Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (nul ne peut alléguer sa propre turpitude), en rappelant au Gouvernement qu’il est responsable de la conduite de la politique de la Nation.

Ci-joint l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 octobre 2011 :

http://www.droits-justice-et-securites.fr/wp-content/uploads/2011/10/arrêt-CE-Passeport-biométrique.pdf

Source :

 http://www.droits-justice-et-securites.fr/2011/10/passeport-biometrique-le-conseil-detat-annule-le-decret-instaurant-le-passeport-biometrique/

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