L’accroissement de la population urbaine offre des opportunités d’investissement inépuisables

Plus de 50% de la population vit désormais dans les villes. Cette tendance va s’amplifier, ce qui stimulera la croissance de plusieurs secteurs. La construction et surtout les cimentiers en profiteront. De même que les entreprises actives dans le luxe.

Pour la première fois dans l’histoire, plus de 50% de la population mondiale vit actuellement dans des régions urbaines. Et la vigueur à laquelle les villes connaissent cette croissance dans le monde – surtout en Asie – devrait se poursuivre dans les décennies à venir en raison de plusieurs changements structurels de la population et des vecteurs de croissance.

La première cause de l’explosion urbaine est la croissance de la population mondiale : le nombre d’habitants du monde a plus que doublé depuis 1960, pour atteindre près de 7 milliards. Et ce n’est pas fini : la dernière prévision de l’ONU indique que la population globale atteindra 9,2 milliards d’ici à 2050, soit 33% de plus qu’au­jourd’hui. Cela est permis par l’élargissement aux marchés émergents des causes principales de hausse de population en Occident ce dernier siècle : extension de la couverture médicale, chute de la mortalité infantile, amélioration de l’hygiène de vie, notamment de l’assiette alimentaire, accroissement de la sécurité.

L’urbanisation est ensuite rattachée à l’enrichissement : la richesse individuelle croît dans les marchés émergents, grâce à l’industrialisation, aux exportations, à la globalisation des biens et services. Cela implique l’émergence d’une classe moyenne, et d’une société de services, qui est surtout concentrée sur de grands centres urbains. C’est particulièrement le cas pour la Chine, pays où le fort soutien politique à l’industrie et à l’exportation, l’élévation du niveau de revenu et d’éducation ainsi que l’amélioration du système de transport national permettront probablement d’élever le taux d’urbanisation (de 46% à 60% sur les vingt prochaines années). De manière générale, la ville représente le lieu d’opportunités, a contrario de campagnes mal reliées au monde et peu propices au développement de centres industriels. Enfin, l’accroissement de la mobilité individuelle (d’un point de vue tant technique que juridique) et les meilleures possibilités de communication facilitent d’autant plus la tendance d’urbanisation.

En Occident, le vieillissement de la population devrait également profiter aux centres urbains et à leurs périphéries. En effet, une population âgée aura tendance à privilégier la proximité des centres médicaux, des commerces, le déplacement à pied ou en transport en commun.

L’urbanisation est ainsi solidement ancrée dans les changements et les développements de la société globale et de l’économie. De ce fait, la population urbaine augmente chaque année de plus de 60 millions, soit l’équivalent de la population française. D’ici à 2050, la population urbaine devrait atteindre 70% de la population mondiale, contre la moitié actuellement. En comptabilisant la hausse totale de la population, cela correspond à une hausse de près de 3 milliards d’êtres en ville d’ici à 2050.

L’urbanisation implique maintes conséquences. La première conséquence évidente de l’urbanisation est l’infrastructure, les complexes résidentiels, les immeubles, le transport et la distribution. Les bâtiments et ouvrages exigent une grande quantité d’acier et de béton, en croissance avec le développement économique : en effet, une relation linéaire existe entre PIB par habitant et consommation de ciment, et cela jusqu’à un certain seuil. Par exemple, le Maroc, pays avec un PIB par habitant de moins de 3500 dollars, consomme environ 300 kg de ciment par habitant et par an. La Malaisie, avec un PIB/hab. de près de 5000 dollars, en consomme 600 kg, la Corée du Sud avec un PIB/hab. de près de 10 000 dollars en consomment plus de 1100 kg. L’accélération rapide du PIB individuel dans de nombreux pays permettra d’après cette relation une croissance rapide de la consommation de ciment. Les bénéficiaires directs de l’urbanisation sont donc des entreprises telles que Lafarge, Holcim ou le sud-africain Murray & Roberts.

Mais l’urbanisation comme thème d’investissement couvre une plus large gamme d’opportunités que la pure construction des maisons : l’eau et la distribution d’électricité, en premier lieu, les services liés à la sécurité, le transport en commun, la distribution alimentaire, les restaurants, les services bancaires… Prenons l’exemple de l’eau : comme les sources locales sont d’habitude trop maigres pour fournir les besoins des grandes villes et comme beaucoup de réserves d’eau douce sont polluées, l’infrastructure nécessaire en distribution d’eau et de nettoyage est considérable : l’OCDE estime que près de 800 milliards dollars doivent être investis annuellement jusqu’à 2020 pour construire et maintenir l’approvisionnement en eau nécessaire. Dans de nombreux pays, la dessalinisation de l’eau de mer devient un recours face à l’épuisement des sources d’eau douce, comme en Asie, profitant à des sociétés comme Hyflux, leader du traitement de l’eau basé à Singapour.

L a consommation de masse est également une conséquence indirecte de l’urbanisation. En ville, en effet, les facilités de distribution, la prééminence de la mode, le besoin de paraître social rendent la consommation bien plus fondamentale qu’en campagne. L’exemple de la Chine est flagrant, avec le succès des marques de sportswear Belle International, Anta Sport ainsi que la marque de cosmétiques Shiseido dans les grands centres. De même, des grandes marques comme LVMH se concentrent de plus en plus sur les grandes villes des marchés émergents pour présenter leurs vitrines et même leurs défilés.

Fabien Jakob

Ancien conseiller senior auprès des tiers gérants en Suisse romande chez Credit Suisse ; aujourd’hui en poste chez UBS