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1000€ pour chacun, du nourisson au vieillard

Götz Werner - Oliv92 | mediapart.fr | dimanche 28 août 2011

samedi 3 septembre 2011

Je mets ici en ligne une traduction d’un article trouve il y a quelques jours dans le "Frankfurter Allgemeine Zeitung", decrit comme plutot liberal. Il s’agit d’une interview de Dr. Götz Werner, fondateur de la chaine de magasins DM, et defenseur depuis plusieurs annees d’un revenu de base pour tous.

D’autres textes en francais sur cette idee peuvent etre trouves ici.

Oliv92

 

 

 

 

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"1000 € pour rendre chacun libre" 

 

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Fondateur de la chaine de magasins DM (Drogerie-Markt) Götz Werner s’est engagé depuis plusieurs années en faveur d’un revenu de base pour tous. Dans cette interview il parle de Hartz IV et des droits de l’homme, de la paresse comme une maladie et du petit héritage qui restera à ses sept enfants.

 

 

M. Werner, vous êtes un rêveur, un visionnaire ou un révolutionnaire ?

Un bon entrepreneur doit être les trois.

 Vos magasins dm vous ont rendu riche, votre engagement pour un revenu de base sans condition va-t-il vous rendre célèbre ?

L’idée se propage toute seule. Si je voulais je pourrais en parler tous les jours, tant je suis sollicité de toute part sur le sujet.

 

Votre premier livre a provoqué des remous, et pourtant vous persistez et demandez maintenant le versement mensuel par l’Etat de 1000€ à chaque citoyen, qu’il soit nourrisson ou vieillard.

1000 € par mois, c’est un ordre de grandeur pour pouvoir vivre avec dignité dans la société - une sorte de revenu forfaitaire, qui réduirait la bureaucratie liée aux aides sociales de façon spectaculaire.

 

Toutes les autres prestations sociales, allocations familiales, retraites et ainsi de suite seraient réduites en retour ?  

Non, 1000€ c’est une base. Toute personne ayant des droits plus élevées, par exemple lies a la retraite, recevrait le complément.

 

Première objection : Qui doit payer ?

C’est un faux problème.

 Excusez moi : 1000 € par habitant et par mois, avec 82 millions d’Allemands, cela fait environ 1000 Milliards d’Euros par an. D’ou viendrait l’argent ?

Le problème de financement ne se pose pas. Nous ne vivons pas d’argent, mais de marchandises. La bonne question est :  est-ce que la société est en mesure d’apporter suffisamment de biens et services de façon a ce que 82 Millions de personne reçoivent l’équivalent de 1000€ ? La réponse - avec un PIB de 2500 Milliards de dollars et des dépenses de consommation de € 1800 Milliards - est clairement oui.

 

Cela signifie que le gouvernement en prend la moitié et la partage uniformément entre tous les citoyens ?

Le partage est un terme inapproprié, contaminé par le vocabulaire socialiste. Je veux seulement dire que les gens doivent avoir accès aux biens et services. Quand ce n’est pas le cas, ils ont faim ou deviennent des criminels. Depuis l’Antiquité, même chez les Romains, tout homme devait avoir un moyen de subsistance. Ce qui était dans le passé un bout de terre, est aujourd’hui un revenu de base, soit l’équivalent d’hommes libres sur un lopin de terre libre.

 

Vos adversaires en revanche vont évoquer Saint-Paul qui défendait le : « qui ne travaille pas ne mange pas ».

Le verset de la Bible est mal utilisé. Paul a dit : « Celui qui n’a pas fait fructifier son lopin de terre ne doit pas manger ». Le temps de l’autosubsistance, cependant, est terminé. Appliquée à aujourd’hui, ce commandement devrait être : celui qui ne dépense pas son revenu de base, ne doit pas manger. (jeu de mot sur « Grund » qui veut a la fois dire « sol » comme ground en anglais et « de base » , « fondamental »)

 

Le travail du sol nécessite du muscle et la sueur, le revenu de base ne demande aucun autre effort que de marcher jusqu’au magasin le plus proche et de consommer.

Exact.

 

Cela est injuste.

Pourquoi ?

 Parce que quelqu’un d’autre doit travailler pour fournir le pain et des saucisses.

Mais aujourd’hui déjà nous ne travaillons jamais pour nous-mêmes, mais pour les autres – c’est la société de consommation. Votre argument suppose que toute personne qui reçoit un revenu de base ne travaille plus.

 

Exactement. Il s’agit de la seconde objection à votre idée.

Cette hypothèse n’est pas vérifiée, comme un regard sur les statistiques fiscales le démontre : des centaines de milliers de citoyens ont tellement de revenus (location, capital…), qu’ils n’auraient pas besoin de travailler … et pourtant ils travaillent, et souvent dur. N’est-ce pas assez évident ? Pour qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, je veux dire.Néanmoins, j’ai rencontré cet argument à maintes reprises.

 

Pourtant les travailleurs sociaux suivant les personnes au Hartz-IV (RMI NdT) expliquent à quel point il est dur pour ces gens de se lever le matin pour ne serait-ce que penser à travailler.

Cela le serait aussi pour vous et moi, si l’on nous forçait à faire quelque chose que nous ne voulons pas.

 

Grace aux 1000 € par personne payés par l’Etat, chacun ne fait que ce qu’il veut ?

Oui. "Être libre, c’est pouvoir faire ce que nous croyons devoir faire sans en être empêchée par rien ni personne " – cette phrase de Rousseau devient la nouvelle règle. La révolution c’est de changer le climat social : avec 1000 € par mois, l’homme ne dépend plus de personne, ni de sa famille, ni d’un individu, ni de son employeur.Celui qui ne travaille que parce qu’il a besoin d’argent a chaque matin cinq raisons de ne pas se lever. C’est la même chose pour moi… mais me vient alors a l’esprit une sixième raison, qui elle m’incite à me lever : ce que vais faire aujourd’hui est nécessaire et a du sens pour le monde .

 

Tout le monde n’a pas ces nobles objectifs.

Ils ne sont pas nécessaires. Les gens peuvent avoir un comportement superficiel, et ne travailler que pour gagner quelque chose en plus des 1000€ de façon à se payer un jour une Ferrari. Mais imaginez ce sentiment sublime : vous vous promenez dans les rues et vous ne voyez autour de vous que des gens faire quelque chose parce qu’ils ont envie de le faire.

 

Cependant avec votre modèle la vie devient très confortable, l’Etat fournit tout, nul n’est forcée d’être performant.

Non, au contraire, précisément parce que le revenu de base va améliorer la productivité. Si je n’ai pas à me soucier de ma subsistance, je peux tester de nouvelles idées.Tous les deux nous pouvons nous lancer en tant que musiciens ou pour monter une start-up en informatique, le revenu de base nous donne la liberté d’essayer. Ainsi, nous prenons des risques, développons notre esprit d’entreprise.

 

Vous affirmez que le revenu de base va libérer la créativité de chacun : pensez-vous réellement transformer les Allemands en un peuple de poètes ou de musiciens ?

Si le marché mondial de la chanson se développe, nous pourrions alors noud développer. Si le marché mondial des technologies de l’information se développe, ce sera le point de départ.

 

En définitive, il semble que les clients du monde entier devront payer plus pour les voitures et les machines allemandes.

Développer la Mercedes Classe-S demande aussi beaucoup de créativité.

 Mais qu’en est –il des travaux sales et ennuyeux ? Qui les effectuera si chacun poursuit ses rêves ?

Une entreprise a toujours trois options si elle souhaite produire : soit elle rend le travail attrayant …soit elle paie des salaires plus élevés. Oui, ou soit elle automatise. Si aucune de ces 3 options n’est possible, il ne reste qu’une possibilité : faire le travail soi-même. Quand vous forcez les gens à travailler, ils ne font rien de bon.

 

Vous partez d’une vision optimiste de l’humanité : une humanité ou tout le monde aurait une idée qu’il veut réaliser.

Oui, absolument. L’homme a toujours tendance à vouloir aller au-delà de lui-même. Cette initiative sera renforcee grace au revenu de base.

 

Que faites vous des gens dont le seul rêve est de rester vautrés devant la télé ?

Ces gens ont besoin d’aide. Si on n’a envie de rien faire, c’est qu’on est malade.

 

Et on a alors besoin d’être soutenu par un psychologue ?

Oui. Les malades psychiques ont besoin d’aide autant que ceux qui sont paraplégique après un accident. La communauté doit les prendre en charge.

 

Il y a une différence, entre être incapable de travailler suite à une maladie ou être simplement paresseux.

La paresse est une maladie. Sinon on pourrait simplement dire : « s’il est si paresseux, il n’a qu’a mourir de faim ».

 

Cela ne peut arriver dans l’État-providence allemand. Même si vous avez comparé le système Hartz IV (RMI)à une « prison à ciel ouvert".

Il est évident que les bénéficiaires de Hartz IV perdent une partie des droits de l’homme.

Vous exagérez !

Non, Hartz IV est contraire à plusieurs articles de la Loi fondamentale : le travail forcé est y interdit, le libre choix de l’emploi y est garanti, ainsi que la liberté d’établissement et de logement, ce qui n’est pas vrai avec Hartz IV, tout comme dans une prison ouverte. En outre, on oublie toujours que les bénéficiaires de Hartz IV reçoivent moins de subventions étatiques que les membres des classes moyennes et supérieures : Si vous allez deux fois par mois avec votre femme a l’opéra (fortement subventionné), vous recevrez de la communauté plus d’argent que la plupart des bénéficiaires de Hartz IV. Après que la Cour constitutionnelle a reconnu (il y a quelques semaines) qu’un minimum mensuel est nécessaire si l’on veut avoir une vie digne, il n’y a plus qu’un petit pas a faire pour arriver au revenu de base.

 

Où voyez-vous des partisans politiques à votre idée ?

Pour moi, ce n’est pas un problème. Les hommes politiques sont guidés par le vent qui souffle de la société – et je travaille à renforcer ce vent. Quand nous aurons changé les mentalités, alors les politiques réagiront. Ce sont les mots de Victor Hugo : « rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue ».

 

Au moment où les « super riches » sont en train de créer une fondation dotée de plusieurs milliards afin d’améliorer le monde.

Je ne comprends vraiment pas tout le débat autour de cette histoire, qui est typique de la vision américaine de la société. Au Royaume-Uni et aux USA, il n’y a pas de honte à gagner de l’argent, par contre il y en a à mourir riche. Ici, en Allemagne, c’est tout le contraire : Les riches doivent se justifier en permanence de gagner de l’argent, par contre il est honteux de ne pas laisser suffisamment à ses descendants.

 

Quelle est votre préférence sur cette façon de voir les choses : plutôt allemand ou américain ?

Américain.

 

Vos sept enfants vont souffrir parce qu’ils n’hériteront de rien ?

Mes enfants ne souffrent de rien, mais on leur demande de faire leurs preuves. J’ai créé une fondation dont ils ont une part. Les enfants ont droit à un bon départ dans la vie, mais pas a ce que les parents leur fournissent tout jusqu’à la fin de leurs jours. Parce que cela reflète pour moi tout à fait l’esprit pionnier américain : avec un revenu de base inconditionnel chaque génération peut montrer ce dont elle est capable.

 

 

Götz Werner, né en 1944, a ouvert en 1973 le premier magasin DM a Karlsruhe. Le résultat est une entreprise de 34.000 employés, 2.200 magasins et € 5,2 Milliards de chiffre d’affaire. Le fondateur a renoncé à la gestion et siège au Conseil d’Administration. Il se bat aussi pour un revenu de base inconditionnel. Ces prochaines jours paraitra son nouveau livre (écrit avec Adrienne Goehler) : "1000 € pour tout le monde. "Liberté, égalité, revenu de base ",

Entretien réalisé par Georg Meck.

Traduit par Christel et moi meme. 
Photos : Frank Roth


Voir en ligne : 1000€ pour chacun, du nourisson au vieillard

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