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Biométrie et reconnaissance faciale

| planete.lautre.net | lundi 15 août 2011

jeudi 1er septembre 2011

Évoquée ce matin sur France Inter, ayant fait l’objet d’un article du Figaro au 8 août, repris dans un article ultérieur de Numerama, au 12 août.

Un nouveau fichier kafkaïen

Peu de sources, une brève audition de Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale par la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Celui-ci, ami d’enfance de Sarkozy, ne fait qu’évoquer au détour d’une phrase la création d’un fichier de reconnaissance faciale. Cet avenir est présenté comme un choix acté :

on se dirige vers la création d’un troisième fichier de reconnaissance faciale, qui pourrait servir à l’exploitation des données de vidéo surveillance.

Cet homme rattaché à l’exécutif, donc exécutant (en chef) et non législateur, n’évoque que des choix encore sous roche, des choix discutés dans sa branche, l’exécutif.

Il y a un véritable risque, certes. Les liaisons inter-fichiers qu’évoquent le sieur sont une réalité, l’idée des cartes biométriques est passée sous les fourches caudines de nos députés. Nous avons là quelque chose de “froid” qui se retrouve moins en échec sur le terrain que leurs concepts de voisins vigilants :

“pas de citoyens volontaires en Alsace pour devenir « voisin vigilant ». « Le fait de quadriller la ville, de désigner par quartier des responsables, a rappelé des pratiques qu’on aimerait oublier », reconnaît le maire (UMP) d’Altkirch, Jean-Luc Reitzer [qui était pourtant volontaire]” (source afp sans doute, cette citation est fournie telle quelle par le monde et mediapart par exemple).

Inefficacité, copinages vomitifs et coûts démesurés sont les seuls axes pratiques de remise en cause. C’est un tissu d’arrière-plan, et même s’il a de quoi faire hurler, il suffit pour la mise en place de mettre de l’argent public. Pas besoin de soutien réel de la population.

Une information peu sourcée qui a une base tangible.

Ce concept s’intègre à d’autres problématiques, telle le fichage des assurés sociaux couplé à du travail obligatoire en Hongrie qui plaît bien à des politiques installés au premier plan, comme Laurent Wauquiez, ou encore, et il faut hélas y voir un lien, la carte d’identité nouvelle version.
Pourquoi un lien ? A cause certes des sorties médiatiques d’UMPistes, mais aussi à cause de ce projet cité par la LDH de Toulon :

Sur le modèle de la Carte Vitale, chaque citoyen devient titulaire d’une carte sociale biométrique et d’un numéro unique d’enregistrement. Cette carte regroupe les informations ouvrant des droits (Etat civil, situation familiale et professionnelle, etc.)
bq. Elle permet à son titulaire de percevoir des prestations et de les faire évoluer en cas de changement de situation.

Il y a profusion de fichiers et sans cesse des éléments permettant les rapprochements viennent s’ajouter dans les uns et les autres. La numérisation des photos et leur stockage centralisé en est un côté identité. Côté civil comme côté policier, les toiles s’étendent en trois dimensions et sont de plus en plus superposables.

La vidéo-surveillance dont les déboires ne semblent en rien entraver le financement et la mise en place serait paradoxalement une bonne base aussi pour cette fuite en avant. Une justification. Les maçons (sans jeu de mot, je n’en ai rien “à battre” des francs-maçons, qui ne sont pas à considérer comme un tout) sont à pied d’œuvre, faudrait faire attention au type de bâtisse dans laquelle on est en train de s’enfermer.

Comme nous le rappelle ce dessin animé, plusieurs logiques sont explicables, il faut rejeter celles qui sont délétères. Nous avons un monde à laisser à nos enfants, et d’autres choix politiques, dans d’autres domaines, à faire.

Des sources contrariantes.

Numerama est sans nulle doute meilleure source que Le Figaro, sauf que… il n’y a guère que le Figaro qui est fait remonter l’info de façon opportune. Eux, on peut dire qu’ils travaillent avec partialité, en témoigne des éditos défrayant la chronique (ex : Hollande/Banon) ou encore la colère des journalistes trop encadrés.

Jean-Marc Leclerc, qui nous a fait l’ article, pose un cadre de huis clos. La presse était invitée. Un des commentateurs de l’article a relevé le lièvre. Par ailleurs, l’auteur nous dit que le gouvernement a saisi la CNIL.
En tout état de cause, si la CNIL travaille effectivement sur le sujet pour facebook, a aussi été saisie de la question par Jean-Marc Ayrault, de l’ opposition, et ce en tant que Président du groupe PS à l’Assemblée.

Bref, à partir de l’audition d’un haut fonctionnaire de terrain, l’auteur nous construit un décor sur des questions qui nous concernent. De décor à travail au corps, il est là difficile de remarquer la différence. Les internautes face à ce grand théâtre réagissent d’ailleurs pour bonne moitié dans le sens du poil. Ce n’est pas parce qu’ils seraient lecteurs du figaro, si on consulte des articles moins montés ex nihilo, les gens ayant un compte sur le site sont bien moins partagés (ex au hasard).

La question de base est néanmoins inquiétude réelle, et c’est pourquoi Numerama s’est emparé du sujet. D’une certes façon, il est creusé (il ancre l’info dans un processus historique), d’une autre hélas il commet une bévue. Difficile de leur reprocher, l’article du Figaro manque cruellement de solidité, et il est seule base offerte, exception fait des quelques mots de Péchenard. On ne peut pas lui inventer un arrière-plan autre qu’issu d’analyses quant à ce qu’in fine nos gouvernants sont en train de construire.

J’ai cru qu’il y avait un peu plus, Numerama reprenant :

“L’ordinateur ne livrera pas sur un plateau un suspect et un seul. Comme pour l’exploitation des empreintes digitales, il procédera par comparaison de points caractéristiques du visage (distance entre le nez, les yeux, les oreilles…), proposant in fine une liste de possibles suspects classés selon un ordre de pertinence”

Contrairement à ce qu’on peut lire dans Numerama, cette citation est issue de la plume de Jean-Marc Leclerc, non de la DGPN qui n’a pas nuancé dans la direction choisie par le journaliste :

Contactée par Le Figaro, la DGPN apporte toutefois cette précision sémantique : « On ne parlera sans doute pas de reconnaissance faciale, mais plutôt de comparaison physionomique. »

La nuance, maigre vaseline équilibrant l’article du Figaro, c’est au journaliste qu’elle est due. Ce n’est pas la DGPN qui a dit que cela ne permettrait pas de sortir du lot un unique suspect. La DGPN met plutôt en relief l’état d’ébauche du projet, et remet en cause les termes “reconnaissance faciale”. Après, la DGPN aussi communique. Il s’agit donc soit d’une remise en cause des propos tenus lors de l’audition (“on se dirige vers la création d’un troisième fichier de reconnaissance faciale, qui pourrait servir à l’exploitation des données de vidéo surveillance”), soit d’un choix dialectique dont le journaliste, le reformulant, s’est servi comme il faut. En ce cas, “comparaison physionomique” serait à la reconnaissance faciale ce que la vidéo-protection est à la vidéo surveillance.

Un univers digne d’Orwell ou de Kafka ?

Dans les milieux où on a une maîtrise plus grande des questions des domaines des libertés civiles, où l’on aborde par la face réaliste l’impact de la mise en boîte de la population, il est tendance de parler de “Big Brother”, “1984”, bref, du monde imaginé par Orwell.

C’est effectivement un axe de lecture valable, mais pour ceux qui ne sont pas dans les clous.

Ainsi que l’a étudié Daniel Solove, universitaire américain, c’est plus vers le monde de Kafka que nous sommes en train de nous diriger.

“Une situation bien proche du sentiment d’impuissance face à la gestion de nos données personnelles par l’informatique” explique, le juriste. Qui soutient : “Les métaphores littéraires que nous choisissons d’employer ont un effet direct sur la manière dont nous percevons les problèmes de notre société et les solutions à y apporter.”

C’est avant tout Kafka qui nous menace. Si nous prenons un univers à la Orwell en cible, c’est que nous acceptons dès lors de faire partie d’une minorité perdante, d’être le pompier de Fahrenheit 451, d’un monde où l’on brûle les livres.

C’est à Kafka qu’il faut penser. Il nous faut un monde viable pour demain. Il faudra bâtir ensemble. Récusons l’idée d’être aux yeux de l’état des consommateurs à protéger mais assumer notre souveraineté, et lutter contre ceux qui s’y attaquent. Être sous surveillance pendant que Dassault fait ses petites affaires, que les marées vertes empoisonnent la Bretagne et que nous avons à penser le monde de nos enfants (conditions de vie, travail, santé) ne le fait pas. Vous allez me dire que cela n’empêche pas ? De fait en gâchant nos cartouches dans la mauvaise direction, cela empêche.

Même s’il y a réellement des gens prompts au combat pour détruire nos libertés, pour défendre l’idée qu’ils seraient supérieurs, mettre la vie sous brevets et détruire des économies locales, aptitudes à se soigner, à se nourrir, je crois que nous n’avons pas intérêt à nous laisser mettre dans une petite case.

En choisissant Orwell plutôt que Kafka, c’est ce que nous faisons. La réalité commune n’est pas Orwell.

****
Transmis par Emilie
Mon, 15 Aug 2011 16:32:56 +0200

Collectifs Locaux Anti-délation


Voir en ligne : Biométrie et reconnaissance faciale

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