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Pour la Fête de l’Humanité, suivre le drapeau israélien

Omar Alsoumi | oumma.com | jeudi 25 août 2011

vendredi 26 août 2011

L’affiche de la Fête de l’Humanité 2011, éditée et placardée à des centaines de milliers d’exemplaires, cache un drapeau israélien au cœur d’une iconographie apparemment censée rendre hommage aux révolutions arabes.

J’étais heureux de découvrir dans mon quartier la semaine dernière les affiches de l’édition 2011 de la Fête de l’Humanité. Voilà près de 10 ans que je suis fidèle à ce grand rendez-vous militant, lieu d’échanges, de réflexions et de rencontres. Mon attention a été retenue par cette grande affiche représentant une belle jeune femme basanée au poing levé sur fond rouge.

Ses yeux soulignés de khôl, son tatouage au henné et sa chevelure noire ondulée ne laissent aucun doute : il s’agit du portrait d’une Arabe, allégorie sans doute des luttes victorieuses de la jeunesse contre l’oppression, pour la dignité et la justice. Heureux de voir les camarades communistes rendre cet hommage mérité, je m’approche et découvre que les mèches colorées qui s’entrelacent avec ses cheveux sont en fait des guirlandes de drapeaux. Je m’attendais à découvrir d’abord les drapeaux de la Tunisie et de l’Egypte, pays dont les révolutions ont inspiré les suivants : Libye, Syrie, Bahrein, Yémen, etc… Cela me semblait la suite logique de cette iconographie, une dédicace à la mémoire de ces martyrs de la liberté et à leurs familles endeuillées.

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Déformation militante ? C’est possible. Mes yeux ont été presque crevés par le drapeau israélien que je découvre dans les cheveux de cette beauté orientale. Ce drapeau, j’ai surtout l’habitude de le voir sur les tourelles des tanks qui assiègent et bombardent Gaza, sur les miradors de ces barrages militaires qui privent mes frères et sœurs de liberté de mouvement, sur les grillages de ces colonies qui rongent la terre de Palestine, et notamment Jérusalem, Al Qods. Comble de l’hypocrisie, le drapeau israélien est juxtaposé au drapeau palestinien, comme pour ces projets financés par le Centre Shimon Pérès pour la Paix, où les Palestiniens, pour exister et avoir le droit à la parole sont systématiquement affublés d’un compagnon-tuteur israélien.

Je me rappelle immédiatement cette affiche de la fédération 93 du PCF, diffusée au lendemain des massacres de Gaza et des manifestations historiques qui avaient traversé la France. Le slogan « un Etat Palestinien ! » y figurait sous les drapeaux palestinien et israélien, accolés. Dans les deux cas, le choix des images exprime l’analyse et le message politique du parti à un moment historique précis : quand les Arabes se lèvent en masse pour combattre l’oppression, le PCF nous rappelle qu’il faut se soucier du destin de l’Etat colonial sioniste. Il nous impose la normalisation de cette présence israélienne au cœur de notre révolte. Un mirador surplombe notre lutte.

Ce sont là les pensées qui m’ont immédiatement traversé. J’ai partagé mon sentiment de rejet et de dégoût avec l’ami qui m’accompagnait et lui ai dit : « cette année, je n’irais pas à la Fête de l’Humanité ». Je refuse de participer à un événement dont l’affiche, qui est l’image-symbole de ce rendez-vous aux 500 000 visiteurs, arbore le drapeau des crimes sionistes.

En regardant encore et encore cette affiche, je me rends compte combien son propos est inacceptable. D’abord, il n’est pas anodin que le symbole choisi pour les révolutions arabes soit une femme. Alors même que l’immense majorité des martyrs tombés pour la liberté sont des hommes, le choix d’une figure féminine reflète cette triste permanence du regard orientaliste : l’Arabe fait peur, à moins d’être une femme maquillée, tatouée, cheveux au vent. En choisissant de parer les cheveux de cette belle arabe d’une guirlande de drapeaux des cinq continents, les graphistes ont internationalisé, en fait désarabisé, les révolutions arabes, comme s’il était honteux de mettre tous les drapeaux des pays arabes en lutte. Hortefeux l’a rendu populaire, on connaît le dicton : « Quand il y’en a un peu, ça va, c’est quand il y’en a beaucoup que… ».

Moi qui pensais que les révolutions arabes avaient changé radicalement le regard porté sur nous, je suis triste de me rendre compte que, sans creuser beaucoup, on débusque encore cet imaginaire paternaliste qui opère jusque dans les rangs de ceux qui se prétendent nos meilleurs amis. Si, par faiblesse sans doute, je suis prêt à tolérer les manifestations ambigües de cet inconscient, il y a un principe inamovible : c’est moi ou le drapeau israélien. Soit j’obtiens des d’explications de la part des responsables de la Fête de l’Humanité sur le sens politique de ce drapeau israélien, soit j’inciterai tous mes frères et sœurs, Palestiniens, Arabes et anti-colonialistes à ne pas participer cette année à la Fête de l’Humanité.

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Messages

  • Plutôt que de ne pas y aller, pourquoi ne pas créer un débat ?
    Moi qui ne connais pas tous les drapeaux représentés, je trouve aussi que l’égyptien et le tunisien devaient être les plus visibles, suivis de tous ceux des peuples en révolte, sans surtout oublier la Syrie (contrairement aux "instances internationales"...) ; mais il y a des révoltes aussi en Israël, non ? Qui sait leur influence sur la suite ?
    Quant au choix de la femme, tu as peut-être raison. Mais ma 1ère réaction était plutôt "les femmes arabes seront les premières à gagner quelque chose dans ces révolutions"... peut-être parce que je suis femme ?
    Bon courage pour réagir ! Mais ne te laisse pas embarquer par la colère : on a toujours intérêt à savoir d’abord la pensée de l’autre et les raisons de sa façon d’agir...

  • Pour vendre une bagnole, un yaourt ou une révolution rien de mieux qu’une belle femme avec ou sans drapeau !
    Je suis vieille bonne femme et j’admire les belles femmes mais, quand même, l’engagement politique doit plutôt venir d’une réflexion que d’une émotion

  • D’accord avec Amalia pour dire qu’il faut chercher vraiment ....Pour moi c’est un mauvais procès.il faut vraiment bien regarder et même cela ne me choque pas car Israel connait aussi ses "indignés,comme d’autres pays . le drapeau israelien n’est pas obligatoirement celui des "crimes". Faut distinguer entre peuple et gouvernement,non ?.Quant au choix de la femme ce n’est pas un regard "orientaliste" mais comme le dit Amalia une des libérations demandée.Les femmes aussi participent aux luttes !! et ce ne sont pas ces rubans colorés qui la "désarabisent". Les deux coexistent : elle est arabe et internationale comme le suggère le nom de la fête qui est celui du journal. Je ne ressens pas du "dégout" dans cette réaction mais du mépris. Cet article m’a choquée.Porquoi ce "procès" ? demande donc à ceux qui ont commandé l’affiche avant de lancer ça. A+ JVM.

  • Euh… comparer les « indignés » citoyens et non-violents aux révoltes arabes, c’est vraiment ne rien comprendre au film. La présence du drapeau israélien est réellement inacceptable.

    Et il est inutile d’attendre une quelconque justification du PCF, qui n’a plus de ligne politique depuis des années. Ce drapeau est accolé aux autres en signe abstrait de « paix », sans égard pour la réalité.

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