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Addiction sexuelle : le(s) nœud(s) du problème

Dr Dominique-Jean Bouilliez | jim.fr | mercredi 24 août 2011

mercredi 24 août 2011

L’appétence sexuelle n’étant pas une anomalie, bien au contraire, " peut-on parler de symptôme seulement parce que cette appétence doit être freinée, soit en raison de son orientation prohibée, soit en raison de son intensité estimée excessive ? ", demande Florence Thibault (Rouen) après avoir étudié la littérature la plus récente sur l’hypersexualité. Définie par la présence de 7 orgasmes ou plus par semaine, quel que soit le moyen de l’obtenir (masturbation, rapport sexuel, stimulation orale, …) durant au moins 6 mois consécutifs après l’âge de 15 ans, l’hypersexualité n’est pas rare et concerne 7,6 % des mâles américains selon le rapport Kinsey. Quant à l’addiction au sexe, elle touche 3 à 6 % de la population, surtout chez les consommateurs de cocaïne qui augmente les besoins sexuels.

Générant des difficultés relationnelles, voire une réelle détresse sociale, l’addiction au sexe démarre le plus souvent dans l’adolescence (18,7 ans en moyenne) et atteint 5 hommes pour une femme, qui consultent en moyenne après 12,3 ans, souvent pour une dysfonction érectile (20 % des cas) ou des symptômes psychiatriques : dépression, anxiété, tentative de suicide, alcoolisme, toxicomanie, cleptomanie… Lorsqu’un examen psychiatrique est réalisé, on constate fréquemment (près de 45 % des cas) des troubles de personnalité (paranoïde, compulsif-agressif, narcissique, obsessionnel-compulsif). Enfin, le comportement sexuel est plus souvent « autistique », marqué par une masturbation compulsive (5-15 fois/jour), du voyeurisme, des rapports anonymes, ou avec des prostituées, ou avec de multiples partenaires sexuels, jamais ou rarement satisfaisants, sans compter la cyberpornographie.

Il s’agit clairement d’un syndrome de dépendance tel que l’a décrit l’APA en 2000, très similaire à d’autres syndromes addictifs et marqué par une escalade dans la sévérité, des symptômes de sevrage, une augmentation du temps dévolu aux préoccupations sexuelles, l’échec des efforts pour réduire ou arrêter ce comportement anormal, la persistance du comportement malgré les risques (SIDA, violence physique, problèmes légaux, …), et des comorbidités addictives (alcool, psychotropes, jeu, travaillomanie, achats compulsifs). Ce qui pose clairement la question du risque sociétal, surtout lorsqu’on sait que les déviants sexuels présentent souvent une hypersexualité, tout comme les exhibitionnistes. Très fréquemment, ces personnes rapportent également des antécédents d’abus sexuel dans leur enfance.

Sur le plan thérapeutique, les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS) ont démontré leur intérêt, notamment parce que l’on sait que l’excitation sexuelle va de pair avec une augmentation de la neurotransmission dopaminergique. Mais ce traitement n’a de sens que s’il est associé à une psychothérapie individuelle ou de groupe, d’inspiration analytique ou par déconditionnement, impliquant une abstinence complète (60 à 90 jours) un peu comme chez les alcooliques anonymes. Quant aux anti-androgènes, ils ne semblent indiqués qu’en cas de risque majeur de délinquance sexuelle car l’objectif de la prescription d’anti-androgènes est de freiner le désir et l’activité sexuels chez un sujet qui pense ne pas pouvoir maîtriser ses pulsions.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Thibault F : Sexual addiction : review of recent data. 10th World Congress of Biological Psychiatry, (Prague) : 29 mai-2 juin 2011.

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