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Toxicos, leaders d’opinion, entrepreneurs : même combat

Arnaud Aubron | lesinrocks.com | 25 juillet 2011

mercredi 3 août 2011

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Une fort intéressante tribune du professeur David J. Linden dans le New York Times de samedi met à mal certains clichés sur le toxico. Selon ce neurologue de la très réputée John Hopkins University, les traits de caractère qui font un leader, un visionnaire, sont en effet les mêmes que l’on retrouve chez les personnes les plus prédisposées à l’addiction :

« Le profil psychologique d’un leader incontestable (pensez à des pionniers de la high-tech comme Jeff Bezos, Larry Ellison ou Steve Jobs) est celui d’un preneur de risques compulsif quelqu’un dont le comportement le pousse à rechercher la nouveauté. En résumé, ce que nous recherchons chez un leader est souvent le même type de personnalité que l’on retrouve chez les addicts, qu’ils soient dépendants du jeu, de l’alcool, du sexe ou de drogues. »

Pour comprendre cet étonnant rapprochement entre l’image du looser dénué de volonté que l’on colle aux toxicos et celle de force et de rectitude de l’entrepreneur à succès, il faut s’intéresser au circuit de la récompense à l’oeuvre dans notre cerveau. Un circuit qui peut-être activé par le plaisir d’apprendre ou d’entreprendre, ou de manière artificielle par certaines substances comme la cocaïne, l’alcool, le cannabis… Le circuit de la récompense peut également être activé par des stimuli plus anodins : comme de regarder des chevaux courir. Même si l’on ne gagne pas au tiercé, l’incertitude est en soi source de plaisir. Ce qui joue également dans l’incertitude liée à l’entrepreneuriat.

Or, contrairement à ce que l’on pensait jusque-là, affirme le professeur Linden, il semble que les personnes présentant des prédispositions à l’addiction aient génétiquement besoin de stimuli plus importants que les autres pour atteindre le même niveau de plaisir. Et ce parce que leur dopamine, le neurotransmetteur qui active le circuit de la récompense, fonctionnerait de manière moins efficace.

S’il n’y a pas de gène de l’addiction ou de l’entrepreneuriat, il semble donc bien y avoir une combinaison commune de facteurs génétiques poussant le circuit de la récompense de certaines personnes à l’excès. C’est parce que ces personnes ressentent moins le plaisir qu’elles sont amenées à le rechercher de manière plus compulsive.

De cette analyse découle que l’amour du risque et de la nouveauté ainsi que le caractère obsessionnel que l’on retrouve chez ceux d’entre nous les plus prédisposés à la toxicomanie peuvent devenir un atout au travail s’ils sont canalisés. Les leaders reconnus accros à la drogue ou encore au sexe (je ne vise personne…) n’auraient donc pas réussi « malgré » cette addiction mais « grâce » à cette prédisposition chimique à devenir accro. Et le chercheur de citer, de Bismarck à Churchill en passant par Alexandre le Grand, les grands leaders connus pour leur plaisir immodéré de substances addictives.

Conclusion du Pr Linden : la prochaine fois que vous cherchez un dirigeant pour une entreprise, choisissez quelqu’un dont la dopamine fonctionne au ralenti, « quelqu’un qui n’est jamais satisfait par le statu-quo et qui recherche plus que les autres le sentiment de succès – mais au final l’apprécie moins ». Un drogué ?

Arnaud Aubron

Photo : Steve Jobs à l’Apple Worldwide Developers Conference de San Francisco le 6 juin (Reuters)


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