Lutter contre la fraude des individus
Un vaste filet social
Sauf imprévu, un énorme fichier social, destiné à recenser pour chaque individu, grâce à des interconnexions utilisant son numéro de sécurité sociale (NIR), toutes les prestations sociales dont il bénéficie, sera en place d’ici la fin de l’année.
Ce fichier, que Xavier Bertrand désigne sous le nom de fichier des allocataires sociaux et qui s’appelait jusqu’à présent le Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), a été créé par l’article 138 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 qui a introduit l’article L. 114-12-1 du Code de la sécurité sociale.
Le décret n° 2009-1577 du 16 décembre 2009 qui encadre la mise en place du RNCPS indique que :
- le RNCPS sera mis en oeuvre par la CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse),
- un arrêté interministériel publiera deux listes : celle des « risques, droits et prestations » et celle de leurs organismes de gestion,
- les collectivités territoriales et les centre communaux d’action sociale auront accès au RNCPS par l’intermédiaire du système d’information de la Caisse des dépôts et consignations.
L’arrêté prévu a été publié le 21 mars 2011 ; il énumère d’une part toutes les prestations – maladie, maternité, accident du travail, invalidité, retraite, prestations familiales et RSA, congés payés, allocations chômage... – et il répertorie d’autre part, tous les organismes de toutes les différentes caisses de tous les régimes français public ou privé qui les versent...
Objectif : la fraude des particuliers
L’un des objectifs essentiels de ce répertoire est « l’efficacité accrue de la lutte contre la fraude », comme le président de la République, Nicolas Sarkozy, en avait intimé la consigne dans la lettre de mission adressée le 11 octobre 2007 au ministre du budget, Eric Woerth [1].
Or les fraudes concernant le système social peuvent être réparties en deux catégories :
- d’une part les fraudes aux prestations sociales perçues par les individus (RSA, allocations familiales, retraites, allocation logement etc)
- et d’autre part les fraudes aux cotisations sociales que doivent régler les entreprises.
Et ces deux catégories de fraude n’ont pas la même importance : la fraude aux prestations sociales représente 2 à 3 milliards d’euros, alors que la fraude aux prélèvements, qui concerne au premier chef le manque à gagner dû au travail au noir, représente entre 8 et 15 milliards d’euros, selon le rapport remis le 29 juin dernier par Dominique Tian – député de la Droite populaire que l’on ne peut soupçonner de manipulation gauchiste des chiffres.
Les chiffres officiels montrent que l’importance de la fraude aux prestations sociales commise par des individus est cinq fois moins importante que la fraude aux prélèvements obligatoires, dont la plus grande partie est imputable aux entreprises [2]. Mais le gouvernement s’est focalisé sur les fraudes aux prestations, et ses propositions se concentrent essentiellement sur les particuliers.
- © Alan L. Bauer / www.alanbauer.com
Xavier Bertrand annonce la création d’un fichier des allocataires sociaux "avant fin 2011"
Xavier Bertrand, ministre du travail et de la santé, a annoncé dimanche soir à l’AFP la mise en place d’"un fichier unique des allocataires sociaux avant la fin de l’année", qui est selon lui "la meilleure façon de renforcer la lutte contre des fraudes sociales".
"Je suis tout à fait d’accord avec Thierry Mariani", a affirmé M. Bertrand, en faisant allusion à la proposition de son collègue aux transports de créer un tel fichier. Selon le ministre du travail, "la création d’un répertoire unique des allocataires sociaux, que l’on peut croiser avec les fichiers existants (au niveau départemental par exemple) est la meilleure façon de renforcer la lutte contre les fraudes sociales. On saura exactement qui touche quoi. On pourra éviter les doublons et on s’apercevra des incohérences de versement" des prestations (indemnités d’arrêts maladie, allocations familiales, RSA...).
M. Bertrand a également insisté sur le fait que la lutte contre les fraudes sociales visait "aussi bien celles sur les prélèvements que sur les prestations". Selon lui, la lutte contre la fraude sur les prélèvements (cotisations patronales et salariales non versées en raison du travail au noir) a permis de récupérer en 2010, au profit de l’Urssaf, "un peu plus d’un milliard d’euros, soit 10 % de plus que l’année précédente".
Fondateur du collectif La Droite populaire (aile droite de l’UMP), Thierry Mariani avait affirmé dans une interview au Journal du dimanche qu’il souhaitait "un fichier généralisé des allocataires" sociaux, ceci afin de lutter contre la fraude.
La fraude aux prestations sociales est un thème de campagne récurrent de l’UMP depuis 2007. En avril, Xavier Bertrand avait annoncé un durcissement des mesures de lutte contre ces fraudes. "La fraude, ce n’est pas du système D, c’est du vol", avait alors estimé le ministre, pour qui les contrôles des arrêts de travail avaient permis d’économiser "plusieurs centaines de millions d’euros".
Dimanche dans un communiqué, Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche (PRG) et candidat à la primaire socialiste pour 2012, a dénoncé cette proposition visant selon lui à "stigmatiser celles et ceux qui traversent une période difficile dans leur vie".