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Douze propositions pour l’école

Claude Beaunis | icem-pedagogie-freinet.org | lundi 20 juin 2011

mardi 26 juillet 2011

Pour :
 une école laïque, émancipatrice, coopérative où l’enfant auteur a toute sa place et qui permette une méthode naturelle d’apprentissage par tâtonnement expérimental ;
 une école ou chacun est reconnu, accueilli, respecté … pour l’égalité des droits ;
 une école ouverte à la vie et vers la vie.

Proposition 1 : Les rythmes scolaires : l’année, la semaine, la journée


Nous proposons, pour l’école élémentaire, un retour à une semaine de cinq jours, de manière à alléger la durée quotidienne du temps contraint. Nous proposons en même temps un allongement des temps d’ouverture des écoles, du matin au soir, les mercredis et fins de semaine, en lien avec tous les partenaires d’éducation. Nos écoles ne seraient pas des espaces clos et vides, où l’enfant serait condamné à écouter, à exécuter, à « être gardé ». Elles deviendraient des lieux vivants, où l’on peut vivre et prendre plaisir dans tous les temps d’apprentissages dans et hors l’école.
Afin d’alléger le poids des journées d’école, nous proposons une réduction des vacances d’été, en réorganisant l’année avec des cycles de sept semaines de cours entrecoupés de deux semaines de repos. Nous proposons des journées de travail pour les enfants qui n’excèdent pas cinq heures par jour. La journée de travail scolaire d’un élève pourrait donc commencer par un accueil échelonné de 8 h 30 à 9 h 00 et un démarrage commun à partir de 9 h 00 jusque 11 h 30. Une pause méridienne (avec de vrais temps de liberté, de pause, d’activités, de sieste) puis une reprise du travail émancipateur de 15 h 00 jusqu’à 17 h 00. A partir d’une coordination entre Éducation nationale, mairies, familles et partenaires éducatifs, associatifs, mouvements d’éducation populaire tout au long de la journée, les enfants bénéficieraient d’activités d’éveil, de prévention et de découvertes culturelles ou sportives, selon d’autres modalités (sources d’emplois rémunérés. Cela suppose une formation réelle des différents intervenants et une stabilité des emplois (donc une suppression complète des emplois précaires et contractuels).

Proposition 2 : Les enfants en souffrance, le travail individualisé, personnalisé


A propos des enfants en souffrance, les pratiques de mise à l’écart et de stigmatisation des enfants en difficulté doivent être absentes. Le fonctionnement collectif - coopératif doit permettre de ne pas laisser l’individu se faire envahir par ses souffrances personnelles. On ne cherche pas à transformer à tout prix l’enfant en souffrance en élève en difficulté ayant besoin d’une aide pour s’en sortir. C’est par le travail de la classe et en classe que l’enfant est élève. Et ce sont les formes de travail (conférences, textes libres, expression libre, conseils…) qui mettent en avant le collectif sans discrimination et permettent à l’enfant en souffrance de se construire en tant qu’élève. C’est là où le rapport entre le collectif et l’individuel prend son sens, la classe n’est pas un agrégat d’individus mais un collectif qui coopère.
Nous proposons une aide individualisée présente dans tous les temps scolaires, afin que les enfants n’aient pas à vivre la logique élitiste et stigmatisante actuelle.
C’est par la différenciation pédagogique et la personnalisation des apprentissages que l’école pourra proposer de manière égalitaire à tous les enfants de progresser, pas seulement aux meilleurs ou aux plus en difficultés. Il va de soi de mettre en place une nécessaire formation initiale et continue des enseignants pour organiser cette différenciation, notamment en matière d’organisation de la coopération et de développement d’un travail scolaire émancipateur et porteur de sens.
Les RASED continueraient à apporter aux enfants les plus en difficulté une aide particulière, en premier lieu au sein de la classe et sinon en petits groupes et grâce à des outils qui correspondent précisément à leur profil, sur la durée et en continuité avec les pratiques pédagogiques dans les classes.
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Proposition 3 : Une formation professionnelle initiale au métier d’enseignant


Nous proposons l’organisation d’une formation au métier d’enseignant permettant de combiner exigences de la pratique et savoirs scientifiques en matière d’apprentissage. Celle-ci devra éviter l’écueil de répondre à des questions que les acteurs ne se posent pas encore. Elle consistera à apporter des éléments de réflexion à partir de questionnements et de problématiques induisant ainsi une modification des pratiques enseignantes. L’analyse des pratiques professionnelles sera un élément central de cette formation avec des décrochages théoriques, didactiques et pédagogiques, en fonction des besoins révélés lors de ces situations d’analyse. Elle pourra se décliner en analyses écrites et réflexives distanciées, en études de cas, en théâtre forum, en entretien d’autoconfrontation...
Cette formation au métier pourra correspondre à une alternance entre présences dans des classes en tant qu’observateur ou en responsabilité, et regroupements en IUFM et autres lieux de formation de proximité (circonscriptions…) pour l’analyse de pratiques et le travail prenant en compte les apports des analyses théoriques des recherches universitaires.
Même au sein des universités, en raison de sa spécificité, l’IUFM reste l’entité de référence de la formation des enseignants. Il serait bon, cependant, que l’Éducation nationale s’ouvre à des organismes publics de formation professionnelle, telles les écoles de travail social.
Dans tous les cas, le droit à donner son avis et à participer aux décisions concernant sa formation doit être reconnu pour les personnes en formation.
Cette formation serait aussi l’occasion d’être renseigné sur le statut de fonctionnaire des enseignants, de leurs obligations et de leurs droits, ce qui participerait à la création d’une éthique professionnelle explicite.
Afin de permettre aux personnels d’exercer pleinement leur droit à une formation, il faut veiller à accorder réellement les remplacements pour formation quand ils sont demandés.

Proposition 4 : La formation continue et la carrière des enseignants


Les enseignants qui le souhaitent devraient avoir droit au cours de leur carrière des périodes hors classe conséquentes (autres missions, formation personnelle, projets...).
Ceux-ci doivent pouvoir se former en allant aussi observer des classes de collègues choisis ayant des projets convergents et ainsi mutualiser leurs savoirs.
Les formations continuées doivent également pouvoir être obtenues indépendamment des avis hiérarchiques de l’IEN et répondre aux projets individuels ou d’école (en référence aux projets d’école par exemple) : une année tous les dix ans, ou un semestre tous les cinq ans. Cela contribuerait à une meilleure professionnalisation des personnels et donc du système éducatif dans son entier.
Pour ce faire, un contingent de remplaçants affectés uniquement aux formations continues doit être mis en place de façon pérenne.

Proposition 5 : Les programmes de l’école


Nous proposons la suppression des programmes 2008 et une rédaction des programmes de l’école qui allierait instruction et éducation, entraînements mécaniques et développement de la réflexivité, repères pour l’évaluation et liberté pédagogique des enseignants. Ces programmes émaneraient d’une commission d’élaboration et de suivi, transparente dans ses travaux ainsi que dans sa constitution. Elle s’appuierait sur des réflexions menées selon les principes de la démocratie participative et inclurait de façon significative la coopération. Nous proposons de conserver la logique de travail en cycle qui permet à chaque élève de disposer de plusieurs années pour acquérir un même curriculum de compétences et qui favorise les situations d’entraide entre les élèves.

Proposition 6 : L’école maternelle…et après…


L’école maternelle doit s’inscrire dans une politique nationale de la petite enfance gratuite, laïque et respectueuse des droits et des besoins de chaque enfant.
Pour cela, il faut construire un milieu éducatif cohérent pour tous les enfants de 2 à 6 ans en coordination avec tous les partenaires de la petite enfance (crèche, PMI, relais assistantes maternelles…). Il faut également un aménagement des locaux et des horaires véritablement adaptés aux besoins physiologiques et affectifs des enfants, ainsi que de la cour de récréation, lieu de vie à part entière qui permet les interactions sécurisantes entre enfants..


Dans l’école, nous proposons un projet éducatif favorisant :
 un accueil individualisé et rassurant pour chaque enfant et chaque parent,
 le respect des parcours individuels d’apprentissage,
 les temps de tâtonnements et d’expérimentations, la libre expression et la créativité de l’enfant dans un cadre coopératif,
 l’apprentissage de l’autonomie,
 les échanges entre pairs au sein de la classe et de l’école,
 une libre circulation sécurisée dans les locaux scolaires,
 les échanges avec le milieu extérieur (naturel et culturel),
 des échanges entre l’équipe éducative et les parents.
Nous proposons de constituer des équipes dans les écoles d’adultes formés (ATSEM, éducateurs, Rased, psychologues, infirmiers…) disposant de temps pour élaborer et mener à bien un tel projet éducatif (1 adulte pour 8 enfants) permettant ainsi des regards croisés sur l’adaptation et le développement de chaque enfant.

Proposition 7 : Une évaluation au service de l’apprentissage des élèves


Nous proposons que les évaluations puissent avant tout profiter à l’élève. On pourrait alors disposer :
 d’évaluations diagnostiques qui valorisent et activent ce que les enfants connaissent déjà, afin de pouvoir en tenir compte lors des situations de travail,
 de formes d’évaluation qui leur permettent de s’appuyer sur leurs erreurs et leurs réussites afin de savoir où ils en sont et d’orienter leurs processus d’apprentissages,
 de formes d’évaluation qui leur permettent de comprendre le rôle du repérage des réussites, des échecs dans leurs processus d’apprentissage, en mettant les enfants en situation de recherche pour l’élaboration et la mise en œuvre tâtonnées de critères pertinents,
 d’évaluations validantes permettant de mesurer les progrès de manière spontanée, de jalonner le chemin sur lequel chaque enfant est engagé et de faire connaître autour de lui la teneur de son travail dans des cadres coopératifs d’apprentissage.
Les notes et classements doivent être supprimés. C’est dans la mise en œuvre d’outils d’évaluation présents dans les classes coopératives tels les « brevets », les « chefs-d’œuvre », les « arbres de connaissances »,... que l’enfant sera acteur et auteur de tous ses apprentissages.

Proposition 8 : Une éducation globale


C’est en permettant à l’enfant d’être acteur et auteur, en créant une rupture avec le système actuel dans la nature du travail que les problèmes de violence pourront d’abord être résolus. La lutte contre la violence ne saurait être un objectif à lui seul, c’est l’éducation du travail qui en est un afin que chaque enfant puisse libérer sa capacité à agir sur l’environnement.
Afin de surseoir aux sources de toutes les violences, nous proposons que les écoles s’engagent dans un véritable travail de valorisation du groupe et de la collectivité. En inscrivant les actions éducatives dans une véritable culture de l’accueil, de la reconnaissance et du respect de chacun, en assurant chaque enfant qu’il sera considéré à sa place et qu’il sera protégé de ses propres excès comme de ceux des autres, nous avons conscience que nous mettons en œuvre la seule et véritable prévention de toute violence qui soit.
Nous avons à cœur de différencier les règles et les lois :
 Les règles ne sont pas envisagées comme des indicateurs de sanction, mais comme la base même du travail éducatif. Elles doivent pouvoir être élaborées par le groupe-classe. Nous savons qu’elles seront enfreintes et que le travail repose sur l’accompagnement collectif, coopératif et individuel de ces infractions.
 Les lois s’imposent à tous et sont instauratrice de libertés ; c’est en ce sens que chacun se sent responsable de les faire respecter.
Bien entendu, les lois et les règles ne peuvent être intégrées que parce qu’elles permettent une vie collective intéressante, motivante et riche, qui concerne l’enfant d’un point de vue politique, affectif, social et cognitif..


Proposition 9 : Une école ouverte vers la vie, la vie qui rentre dans l’école


Nous proposons une formation qui inclut l’organisation de sorties scolaires dans le respect des règles de sécurité, ainsi qu’un système de financement pour aider les zones rurales à disposer de davantage de ressources culturelles présentes en majorité dans les grandes villes et les zones urbaines à développer une conscience écologique par une rencontre avec la nature.
L’école devrait englober l’ouverture de l’école vers la vie et l’entrée de la vie dans l’école. Cela implique des propositions pour faciliter le travail avec des intervenants extérieurs (artistes, scientifiques) et les sorties scolaires « ordinaires et hebdomadaires ». Cela repose la question de la nature du travail dans l’école, avec l’idée de « patrimoines culturels » qui se croisent, se tissent, s’échangent, s’élargissent… Nous proposons une école ouverte et qui s’ouvre…

Proposition 10 : les relations école – familles – milieu


Tous les enseignants passent du temps à recevoir les parents et partenaires de l’école en dehors de leurs horaires de travail. Ces relations sont indispensables pour travailler de concert avec les familles, créer un milieu favorable et cohérent dans lequel l’enfant pourra s’épanouir, les inciter à s’investir dans l’école.

Proposition 11 : nombre d’élèves, espaces de travail


Jamais plus de 25 enfants dans une classe.
Afin de permette à l’enseignant de consacrer quotidiennement du temps personnel à chacun, nous proposons quatre adultes pour trois classes. Ces adultes supplémentaires seraient un enseignant, un éducateur spécialisé ou un animateur. Chaque équipe pourrait définir un projet pour organiser un temps de travail permettant aux classes des temps différents, avec des ateliers, des projets et des différenciations.
Pour la construction de nouvelles écoles, nous proposons que soit prévu un espace de travail tel qu’il permettra aux classes de disposer de salles adaptées pour permettre les déplacements et organiser des ateliers de travail, différencier les pratiques, accueillir du public, des expositions et permettre des alternatives.

Proposition 12 : Pour un engagement sur projet, pas de hiérarchie dans les écoles


L’école doit être un lieu de responsabilité partagée. La prise de responsabilité des membres de la communauté éducative doit être facilitée par l’application d’une véritable démocratie participative.
Si une inspection des obligations de fonctionnaire reste indispensable (par exemple ponctualité, respect des droits des enfants et usagers de l’école, …) et permet de s’assurer que les devoirs et droits sont respectés, les inspections pédagogiques n’ont pas d’utilité pour l’amélioration des pratiques professionnelles et restent souvent infantilisantes.
Il faut réaffirmer le pouvoir des conseils de professeurs et conseils d’école qui doivent devenir l’instance décisionnelle dans le respect de projets d’école élaborés coopérativement. La direction d’école doit être partagée et la responsabilité de chacun reconnue dans ce cadre coopératif de travail.

ICEM - Pédagogie Freinet


Transmis par ManuV
Tue, 26 Jul 2011 16:29:04 +0200


Voir en ligne : Douze propositions pour l’école

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