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Les chères guerres de Nicolas Sarkozy

Gérald Camier | ladepeche.fr | 13 juillet 2011

mercredi 13 juillet 2011

Nicolas Sarkozy a annoncé comme prévu, hier, le retrait progressif des soldats français engagés en Afghanistan. La visite du chef de l’État au contingent français basé à Tora est restée discrète. Une venue marquée par l’assassinat du frère du président Karzaï.

l faut savoir finir une guerre. » C’est en substance l’annonce faite hier par Nicolas Sarkozy, qui a fait une visite surprise en Afghanistan sur la base de l’armée française de Tora (à l’est de Kaboul), au lendemain de la mort d’un soldat français de 22 ans victime d’un « tir accidentel ». Le chef de l’État, qui a promis de « retirer un quart de nos troupes, c’est-à-dire 1 000 hommes, d’ici la fin 2012 », confirme en somme le retrait progressif des 4 000 soldats français d’Afghanistan annoncé fin juin, suite aux déclarations de Barack Obama. Quelques jours plus tôt, le président américain avait annoncé le retrait de 10 000 G.I’s d’Afghanistan d’ici la fin de l’année, et de 33 000 d’ici l’été 2012. Les deux chefs d’État, qui seront en campagne électorale l’année prochaine, estiment que « la mort de Ben Laden est un coup très sérieux porté aux terroristes, le transfert des responsabilités aux Afghans fonctionne bien et la situation sécuritaire dans certaines provinces

[…] s’améliore ». Une analyse rassurante qui n’a pas empêché hier les talibans d’assassiner le frère du président afghan Hamid Karzaï.

27 000 soldats déployés

Le départ des militaires français d’Afghanistan et le déploiement dans divers théâtres d’opérations extérieures (Opex) sont aussi une question d’argent. La guerre et les missions de maintien de la paix coûtent cher aux contribuables. L’appareil militaire serait « au taquet », dixit le ministre de la Défense Gérard Longuet. Et ce n’est pas l’amiral Guillaud qui le contredira : « Il ne faut pas le nier ni se voiler la face, nous sommes dans une situation difficile », a déclaré le chef d’état-major des armées. L’armée française est présente au Liban, au Tchad, en Côte d’Ivoire, en Bosnie, au Kosovo et ailleurs dans l’océan Indien. Quelque 27 000 soldats français sont projetés dans le monde (12 500 en opération). En Afghanistan en 2010, l’ensemble des opérations s’est élevé à 469 millions d’euros (+ 21 %), soit 54 % du coût de l’ensemble des opérations menées par les forces françaises à l’étranger dont le budget a atteint 866 millions d’euros l’année dernière. Le surcoût des Opex pourrait dépasser le milliard cette année.

Avec la guerre en Libye, la France est désormais certaine de dépasser son budget prévisionnel. Selon le ministère de la Défense, le surcoût généré par les opérations en Libye - après trois mois de bombardements - est déjà de 90 millions d’euros. En pleine crise de la zone euro, de réduction de la dette publique, la France a-t-elle les moyens de jouer aux va-t-en-guerre ?


Syrie, Libye : diplomatie sous tensions…

Depuis quelques jours en Syrie, la diplomatie est mise à rude épreuve. À l’ambassade de France, les gardes de sécurité ont effectué trois tirs de sommation hier pour empêcher des intrusions dans le périmètre de la représentation diplomatique, dont trois agents ont été légèrement blessés. Des partisans du régime syrien ont attaqué lundi, pour la deuxième fois en trois jours, les ambassades des États-Unis et de France à Damas pour dénoncer la visite en fin de semaine dernière de leurs ambassadeurs dans la ville rebelle de Hama (centre).

Hier, le Premier ministre François Fillon a déclaré à l’Assemblée nationale que la France tenait « les autorités syriennes pour responsables de la sécurité de ses représentations et de leurs agents », mais aussi que « Paris ne céderait pas aux intimidations ». Quatre pays européens (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Portugal) ont déposé depuis plusieurs semaines à New York un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’Onu condamnant la répression en Syrie et appelant à des réformes politiques dans le pays.

L’intervention prolongée en Libye

En Libye, la pression des Occidentaux s’accentue. L’Assemblée nationale a autorisé hier par 482 voix contre 27 la prolongation au-delà de quatre mois de l’intervention militaire française en Libye.

Le vote est intervenu à l’issue d’une déclaration du gouvernement et d’un débat comme le prévoit la Constitution pour toute opération militaire qui excède cette durée. Le même débat a eu lieu au Sénat qui a adopté la prolongation de l’intervention par 311 voix contre 24. L’intervention de la coalition, mise en œuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’Onu, a commencé le 19 mars dernier.

« Que les choses soient claires : nous n’avons jamais dit ou pensé que l’intervention en Libye allait être facile et se conclure en quelques jours », a déclaré François Fillon. Mais selon lui, les premiers objectifs fixés à l’intervention, dont la protection de la population de Benghazi, ont « été atteints ». Le Premier ministre a également évoqué l’envoi d’armes aux rebelles libyens.


Les régiments de la région aussi…

Les régiments de la région Midi-Pyrénées sont présents sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures mais également dans le cadre de « force prépositionnée » (Guyane, Antilles, etc.) ou en « missions socle » (surveillance maritime, du ciel, Vigipirate). Afghanistan : 5e RHC de Pau 50 personnels ; 35e RAP de Tarbes 110 personnels ; 1er RHP de Tarbes, 70 personnels ; 1er RCP de Pamiers, 470 personnels ; état-major de la 11e brigade parachutiste de Toulouse, 90 personnels ; 17e RGP de Montauban, 130 personnels. Mayotte : 48e RT (régiment de transmissions) Agen, 150 personnels. Guyane : 31e RG (régiment du génie) de Castelsarrasin, 140 personnels. Gabon : 5e RHC de Pau, 50 personnels et 8e RPIMa de Castres, 130 personnels. Tchad : 1er RHP de Tarbes, 140 personnels. Nouvelle Calédonie : 17e RGP de Montauban, 130 personnels.


"Pas de solution en Afghanistan"

Jean-Dominique Merchet, responsable du blog défense à Libération et auteur de « Mourir en Afghanistan » (éd. Jacob-Duvernet).

L’annonce du retrait des troupes d’Afghanistan emboîte le pas à l’annonce des Américains. La mission est-elle terminée ?

C’est depuis le départ une opération américaine. On a été à leurs côtés au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, on repart avec eux. Au fond, ce sont les Américains qui décident. Il y a un an, ils décidaient d’augmenter leurs effectifs, la France, elle aussi, a augmenté les siens. On partira à leur rythme, on est complètement dans le schéma des États-Unis. L’annonce faite fin juin par Barack Obama est dictée par le calendrier électoral américain. Obama veut se représenter l’an prochain en disant : voilà, on a gagné la guerre, Ben Laden a été tué et sur place la situation s’améliore, les Boys rentrent à la maison et en plus nous ferons des économies.

Justement, on n’a pas l’impression d’une amélioration de la situation en Afghanistan...

Il n’y a pas vraiment de solution en Afghanistan. En tout cas, pas de place pour une solution qui vient de l’extérieur. Sarkozy annonce le retrait des soldats et le même jour, les talibans assassinent le frère du président Karzaï. N’est-ce pas un acte hautement symbolique ? Les talibans veulent revenir au pouvoir. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’en Afghanistan, il s’agit d’une guerre civile qui dure depuis 1978 et l’arrivée des communistes au pouvoir. Sur place, ce n’est jamais un camp contre un autre, mais ça bouge en permanence.

La France a-t-elle les moyens de mener une guerre en Libye ?

On a d’emblée mal évalué la situation. On a beaucoup surévalué les forces de la rébellion, la volonté des Européens et des Américains à s’engager et nous avons sous-estimé la capacité de défense de Kadhafi. Maintenant, il faut gagner la guerre.

Recueilli par G. C.


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