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Lettre ouverte à mes amis de Democracia Real Ya

José Camarena | samesoule.wordpress.com | 25 mai 2011

vendredi 27 mai 2011

manifestation en Grèce ce 25052011

En ces heures de débats, d’assemblées, de réunions locales dans tous les quartiers, les places et les villages d’Espagne. En ces heures où les amis d’Athènes manifestent en masse contre les plans d’austérité en se revendiquant de l’esprit de la #spanishrevolution, je tiens une fois de plus à saluer le mouvement du 15M. Permettez-moi, devant l’immense espoir suscité et les attentes, non moins grandes, soulevées, de souligner dans ma lettre ce qui du mouvement me semble marquer une étape historique –dont la portée est impossible à définir aujourd’hui, mais qui va bien au-delà des comparatifs avec la Place Tahrir ou le mai 68 Parisien.

Pourquoi le mouvement appelé de la révolution espagnole (ou Democracia Real Ya) qui est né ce 15 mai 2011 nous semble si important –au-delà de ce que les penseurs prennent le temps de penser, de ce que les puissants veulent bien laisser transparaître, au-delà aussi de l’impact réel, immédiat, sur la politique du pays ? Ainsi, on a vu lors des élections du week-end dernier, combien il est difficile de connaître l’influence du mouvement sur les résultats sortis des urnes et, quoi qu’il en soit, de toutes manières, la question n’est pas là. Elle n’est pas là pour des raisons assez simples à définir, en fin de compte.

D’abord, le fond de la contestation (on tente volontiers le parallèle avec le livre de Hessel en appelant le mouvement, celui des « indignados ») réside dans le fait que les démocraties occidentales –pas seulement, même si d’abord, l’espagnole- ne sont pas de véritables démocraties, des démocraties « réelles ». En leur sein, l’on constate, effectivement, une hiérarchisation verticale qui se reflète dans l’ensemble de la société et où il n’existe aucun moyen de contrôle des politiques par les citoyens, aucune médiation possible entre politiques et citoyens condamnés à la passivité face à des enjeux dont ils sont les premiers acteurs comme les premières victimes ; où, contrairement à la théorie et la rhétorique dominantes, la majorité du peuple subit les conséquences d’une minorité qui possède tous les rênes du pouvoir. Transformer cette démocratie formelle en démocratie réelle, tenter l’expérience de la hiérarchie horizontale et non plus verticale, faire du citoyen le sujet central des affaires et des décisions politiques en lui redonnant des espaces de parole et d’expression, voilà le pari essentiel de cette révolution en marche.

Ensuite, parce que le choix n’est plus entre choisir les meilleurs gestionnaires du système (en crise ou pas), mais bien de tenter l’expérience révolutionnaire d’un système « autre », fonctionnant sur des bases différentes –comme le disait l’une des pancartes à Madrid : « nous ne sommes pas des antisystème, nous sommes pour un changement de système ». (No somos antisistema, somos cambiasistemas)

Enfin, le mouvement est important sur le moyen et le long terme, en dehors des aléas de l’actualité et de l’immédiateté, parce qu’il porte en lui les germes d’un nouvel internationalisme qui, paraphrasant la célèbre sentence marxienne du « prolétaires de tous les pays, unissez-vous », pourrait se décliner de la manière suivante : « victimes du système capitaliste de tous les pays, indignez-vous et unissez-vous dans le changement. »

Le mouvement Démocratie Réelle, Maintenant ou #spanishrevolution constitue une véritable révolution politico-mentale : une manière de récupérer l’Histoire et de se réapproprier l’Utopie, une manière d’entendre les problèmes de société comme partant des citoyens et aboutissant à eux, dans une globalité qui inclut l’ensemble des habitants du Globe, tout autant que la Planète elle-même, et au départ d’une manière nouvelle de pratiquer –de réaliser- la démocratie (une démocratie non seulement parlementaire, mais économique, sociale, culturelle, de tous les domaines du vivre ensemble), une démocratie non verticale qu’il s’agit encore d’inventer.

A ce stade, nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements. Et même si ces places d’Espagne et d’ailleurs, pleines à craquer, représentent –ne l’oublions pas- autant de points d’orgue de campagnes vieilles de plus de vingt ans, pendant lesquels des collectifs de terrain ont semé la graine de la réflexion et de la révolte, le parcours sera long, très vraisemblablement semé d’embûches, plus que probablement avec des errements et des maladies de jeunesse, mais le virus est parti et, avec lui, l’esprit du mouvement qui dit « la révolution sera une fête ou ne sera pas ! »

D’ores et déjà, les amis, la responsabilité est grande comme grands sont les espoirs que des dizaines de millions de personnes, en Espagne mais aussi à travers le monde, mettent dans cet élan révolutionnaire qu’on n’osait plus espérer. Le monde entier a les yeux fixés sur le mouvement, il ne tient qu’à nous tous, que ce mouvement s’organise de telle manière que l’onde de choc se poursuive bien au-delà du printemps, jusqu’à atteindre sa visée ultime, à long terme. Oui, car d’ores et déjà, « un fantôme parcourt l’Espagne, l’Europe et le Monde : le fantôme d’un autre monde possible, plus juste, solidaire et véritablement démocratique. » Au travail, camarades !

José Camarena 250511

© Hozé 5/2011

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