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Voltaire au bout de la nuit (part two)

Michel Sitbon

vendredi 27 mai 2011

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« Ils ont entouré l’immeuble pour se saisir des snipers et ont demandé aux forains d’éteindre toute lumière. » Encore un détail criant de vérité, n’est-il pas ? « Quelques-uns des snipers qui cherchaient à fuir ont été touchés par les balles de nos soldats. Ils ont été transportés à l’hôpital militaire. » Notre « institutrice » anonyme peut ajouter là encore un témoignage personnel : « Je connais le médecin en chef de cet hôpital, Dr. Kasser Finar. » Et elle peut nous faire part du « témoignage » de son ami le docteur Finar : « Le soir il était bouleversé en nous racontant que ces snipers étaient des Syriens venus des villages reculés aux confins du désert. » En fait donc, ces mercenaires professionnels, libanais, irakiens ou égyptiens, seraient plutôt des syriens. Mais ce n’est pas ça qui « bouleversait » le docteur Finar, non. Ce qui était si terrible, c’est que ces adolescents-snipers-perdeurs-de-pantoufles-interrupteurs-de-messe-et-découpeurs-de-généraux « étaient drogués au point de ricaner tout le temps et de n’avoir aucune sensation de souffrance ». C’est impressionnant, non ?

Mais ça n’est pas fini : « Hier l’armée a mis la main sur une cache d’arme importante à Homs, dans la mosquée de Mreij à Bab El Sbah. » Aïe. Ces adolescents-snipers venus des « confins du désert » auraient en fait des relais en ville… Et carrément une cache d’armes, qui plus est « importante ». De quoi vraiment s’inquiéter, non ?

« Ce soir les manifestants se sont rassemblés autour de la place de l’horloge qu’ils ont nommée “place de la libération”. » Ces adolescents mal élevés en pantoufles auraient ainsi la curieuse idée de manifester pour une « libération ». La libération des coupeurs en morceaux de victimes tuées à bout portant – avouons que ça n’est pas très exaltant. « Nous les avons entendus vociférer sans arrêt durant la nuit des slogans effrayants : “Le front de Homs proclame le Jihad, habitants de Homs, au Jihad !”. » Oh, mais c’est terrible, ça. On n’avait pas du tout compris ça, avec tous ces médias qui complotent pour vous faire comprendre tout à l’envers… Ainsi, la révolution syrienne serait fondamentaliste islamiste… et ses manifestants appellent carrément à la guerre sainte tels d’horribles terroristes capables de vous faire sauter des tours jumelles – ou bien aurais-je mal compris ?

« Mais personne de la ville n’a bougé. » Heureusement. Le bon peuple syrien n’est pas comme ça, et seuls des adolescents en pantoufles venus des confins du désert pour interrompre les messes et découper les généraux avant de revenir jouer les snipers, drogués au point de ne sentir aucune douleur et payés 500 ou 1000 livres syriennes par jour, seuls des gens comme ça peuvent manifester pour leur « libération » dans un pays où « la coexistence islamo-chrétienne est idéale » grâce à notre bon Bachir el Assad qui, comme son père qui a régné tant d’années, nous veut seulement du bien et se voit agressé par des adolescents drogués soutenus par les médias étrangers.

« Vers 4 heures du matin nous avons entendu des salves d’armes à feu. » On n’en saura pas plus à ce sujet. C’est normal. À quatre heures du matin, on dort. On ne peut pas être au courant de tout non plus. Mais « le matin quel fut notre soulagement de voir que toute cette foule hirsute avait été dispersée ». Car le pire, il faut bien le dire, c’est que ces gens-là sont « hirsutes » – même pas le crâne rasé… « Aujourd’hui Homs est comme en état de siège. Les forces de sécurité ont interdit les motocyclettes. Personne ne peut rentrer à Homs mais on peut en sortir. » C’est comme ça. « Nous avons tous vu que ces manifestants étaient des occupants à la solde d’une entité extérieure à la Syrie. » Ah… Et laquelle ? Notre institutrice serait aussi pudique que mère Agnès-Mariam à ce propos. C’est probablement qu’elle aussi, elle ne fait pas de politique… « On nous dit que ce sont des salafistes. » « Nous n’avons aucune hésitation à le croire, nous avons vu de nos yeux leurs agissements. » « Ils ne sont pas des nôtres, ils viennent pour un complot occulte, pas pour une réforme constructive. » « Que Dieu nous assiste. »

Peut-être n’apprend-on pas sur les bancs du séminaire à distinguer un récit imaginaire d’un témoignage véridique. Mère Agnès-Mariam se sera laissée abuser par la bonne réputation de cette institutrice « membre d’une paroisse très proche de [son] monastère depuis des années ». Il n’empêche que ça n’est pas beau de mentir. À défaut de l’apprendre à l’église, mère Agnès-Mariam, sa pseudo-institutrice et l’obscène Thierry Meyssan auraient pu apprendre ça de leurs mamans.

Un deuxième témoignage sur les « événements » de Homs, est reproduit par notre analyste dévouée au « maître de l’Histoire ». Il s’agit cette fois d’un « étudiant », désigné, comme notre institutrice, par ses initiales. Celui-ci aura vu « en marge des manifestants », « des voitures 4x4 équipées avec de grosses mitraillettes bien fixées sur l’arrière ». Si. C’est comme ça en Syrie, un des États les plus policés de la terre. Puisqu’on vous le dit. « Un milicien se tenait derrière la mitraillette et tenait la gâchette appuyée pour cribler de balles tous les magasins de la rue commerçante qui va du rond-point au centre-ville. » Carrément. Comme on imagine, « les gens qui circulaient s’aplatirent sur le sol », et « il y eu quelques blessés ». Ce sont « les jeunes du comité populaire » qui sont intervenus. « Avec les forces de l’ordre », quand même… Ils « finirent par tirer sur le véhicule qui dérapa ». Ensuite – notre témoin faisait-il partie du « comité populaire » ? – « nous accourûmes pour maîtriser ses occupants ». Ceux-ci « étaient trois ». « Quel ne fut notre étonnement de voir qu’ils étaient dans un état inexplicable, comme drogués. » Ah, voilà qui explique tout ! La preuve ? « Celui qui actionnait la mitraillette avait été blessé par une balle qui avait laminé son bras en profondeur, mais il riait aux éclats, insensible à la souffrance. » On suppose que ce qui le faisait le plus rire, ce n’est pas tant d’avoir le bras déchiqueté que d’être arrêté par les flics syriens. Ces gens sont si sympathiques. On n’en sait pas plus d’ailleurs car les personnes arrêtées ont été transportées « ailleurs par les forces de l’ordre ». « Ailleurs », sans plus de précisions. De quoi frémir – surtout quand on sait comment la torture est la chose la plus banale dans les geôles syriennes aujourd’hui.

Mère Agnès-Mariam et Thierry Meyssan devraient plus se méfier des témoignages spontanés de militants des pseudo « comités populaires », véritables miliciens sponsorisés généreusement par la police de Bachir el Assad. On comprend qu’une bonne sœur versée dans la contemplation divine ne puisse distinguer une chèvre d’un chameau, mais Thiery Meyssan, plus habitué des grossières réalités politiques de ce bas-monde pourrait comprendre que des manifestants démocrates, qui se font mitrailler par l’armée syrienne tous les jours depuis tant de semaines, ne vont pas manifester avec des 4X4 sur lesquelles ils fixeraient « solidement » de magnifiques mitrailleuses. Si, par extraordinaire, une telle chose était possible, l’auto-mitrailleuse servirait plutôt à tirer sur les forces de l’ordre, et non sur les passants ou les commerces… Par contre, s’il était vrai qu’une telle auto-mitrailleuse circule en marge d’une manifestation démocratique, tirant de façon indiscriminée sur les passants, il y aurait tout lieu de penser que ce sont les forces de l’ordre elles-mêmes qui la sponsorise, pour inciter les gens à se terrer chez eux plutôt qu’à aller manifester. Et il n’y a que dans les ignobles services de propagande franco-vaticanesques qu’une telle histoire peut être reproduite sans honte. Car ces gens-là n’ont décidément aucune pudeur.

Mais, non, nous sommes décidément trop sévères. Que faisons-nous de la bonne foi abusée de ces pauvres débiles ? C’est aussi une possibilité, c’est vrai.

Si notre bonne sœur arrête là la série de ces témoignages écrits, servilement reproduits, elle évoque néanmoins les beaucoup plus nombreux « témoignages » qu’elle aura eut l’occasion de recueillir auprès de ses « amis », en divers quartiers de Damas – où elle enregistre même « un juteux commerce d’armes » – ou Daraa, Suwaida, Lattaquieh, et y compris « le littoral ou Jezzirah ». Sans bien connaître, on a ainsi l’impression d’avoir fait le tour du pays. Et, dit-elle, en tous lieux, « nous relevons plus ou moins le même scénario » : « les gens, jeunes et adultes confondus se rassemblent au sortir des mosquées ou à une autre occasion. Ils s’avancent dans une manifestation pacifique. À l’intérieur de la foule il y a des groupuscules qui commencent à faire monter la tension. Les slogans deviennent plus violents et fanatiques. À un moment donné ces intrus commencent à commettre des actes violents : casser des magasins, brûler des voitures, s’en prendre aux passants ou aux forces de l’ordre. L’ensemble des manifestants n’est pas forcément au courant de ces agressions qui se déroulent à un bout de la file de la manifestation. À un moment donné des snipers embusqués sur les toits ou des gens armés de l’intérieur de la foule, tirent tant sur les forces de l’ordre que sur les manifestants. C’est la débandade. » C’est là qu’on aurait tendance à voir dans ce texte écœurant l’œuvre d’une « bonne foi abusée ». Car quoi, ne voit-elle pas dans la scène qu’elle décrit le scénario le plus banal de ce qu’on appelle classiquement à travers le monde une provocation policière ? N’entend-elle pas, du fond de son couvent relié à internet, que la seule force politique qui a intérêt à provoquer la « débandade » des manifestations oppositionnelles, c’est le régime et sa police parfaitement outillée pour mettre en œuvre ce type de provocation ?

« Les séquences de vidéo sont prises à ce moment-là pour prouver que les forces de l’ordre ont tiré gratuitement sur une foule pacifique », dit-elle, pour preuve de l’horrible conjuration sioniste s’appuyant sur l’Arabie séoudite et on ne quoi encore… À quel moment ? Lorsque l’armée tire sur la foule – on aura compris que cet aspect des choses intéresse si peu Mère Agnès-Mariam qu’elle évite d’en rendre compte. « C’est une évidence pour des observateurs impartiaux qu’il s’agit d’un scénario habilement monté et orchestré par les médias mondiaux à partir de concepts-clés. » Oh, bien sûr, les images mentent parfois. Mais moins que les curés stipendiés par les services néo-nazis français. Le « concept-clé », ici, c’est la mauvaise foi sans limites de flics qui prétendent nous faire avaler n’importe quelles sornettes pour justifier de la plus ignoble répression qu’un peuple ait jamais subi.

« Nous ne cherchons pas à protéger le régime », dit-elle pour finir. Ah bon ? On aurait mal compris. « Nous voulons des réformes », exactement comme le prétend Bachir el Assad depuis le premier jour. Quant à « cette manière manipulatoire qui est loin d’être innocente » et qu’elle prétend dénoncer, notre bonne sœur ferait bien de se regarder dans un miroir.

Mais voilà qu’on en aurait fini avec « la réalité des faits », et qu’il s’agirait de donner une analyse politique de tout ça, en plongeant dans le passé pour comprendre le présent. Belle ambition. Alors qu’a-t-elle compris, notre analyste, des œuvres du Christ, « maître de l’Histoire » ? Bien sûr, elle regrette « le limogeage du méchant Saddam Hussein », en Irak. Là encore un dictateur comme on les aime tant dans les services franco-vaticanesques. Le résultat ? « Nous y voilà ! » s’exclame-t-elle, décidément inconsolable d’assister à ces poussées démocratiques à travers le monde arabe. Ce qu’elle voit, on ne sait où, c’est une « subtile et occulte » – bien sûr – « redistribution démographique ». Celle-ci chercherait « à morceler la géographie en des entités faibles à prédominance confessionnelle, où souvent les chrétiens n’ont pas de place ». Si elle le dit. En tout cas, on comprend là son souci. Mais, il faudrait être un peu plus précis. Car on ne voit nullement en quoi la révolution tunisienne, l’égyptienne, la libyenne, ou même les tentatives yéménites ou barheinies, pas plus que la révolution syrienne, pourraient avoir un quelconque effet de « morcellement géographique », ni même « subtil et occulte ». Ce n’est pas parce qu’on est mère supérieure qu’on a le droit de dire n’importe quoi.

Maintenant, que les chrétiens aient peur de ne pas avoir « de place » dans un monde arabe démocratisé, c’est presque compréhensible. Les minorités craignent les bouleversements politiques. Mais justement, rien ne dit jusque-là qu’il s’agirait de démocratisation « à prédominance confessionnelle ». Bien au contraire, tous les mouvements révolutionnaires de ces derniers mois se sont affirmés laïcs. N’est-ce pas plutôt ça que craint notre mère supérieure ?

On aura compris ici que la fondatrice de l’ordre de l’unité d’Antioche ne s’embarrasse pas trop de la vérité, mais s’occupe beaucoup d’idéologie. Elle nous explique donc la finalité de tout ça : ce serait « afin que se réalise dans toute sa puissance l’hypothèse du choc des civilisations de Samuel Hungtinton ». Oh ! On n’y avait pas pensé ! Mais voilà qui est intéressant. Car je crois bien me souvenir qu’il y a bien des années déjà, quand j’ai quitté le Réseau Voltaire, une des raisons de mon départ était que je ne comprenais pas cette obsession de Thierry Meyssan à toujours vouloir tout ramener à cette théorie du « choc des civilisations » qu’il prétendait critiquer mais qu’en fait il reprenait intégralement à son compte.

Ainsi mère Agnès-Mariam et Thierry Meyssan auraient plus qu’une affinité de circonstance, mais partageraient en profondeur certaines analyses, aussi paradoxales et absurdes soient-elles. Voilà qui est certes très intéressant, surtout s’il s’agit ici d’appuyer l’hypothèse que le Réseau Voltaire n’est pas seulement une branche néo-nazie des services français, mais bien un service intégré du Vatican. Paradoxe des paradoxes. Il faut beaucoup avoir étudié la pensée, très paradoxale en effet, de ces gens-là pour comprendre qu’une telle hypothèse est plus qu’une possibilité à ce stade de similitude des discours, mais une certitude en fait.

Mère Agnès-Mariam poursuit l’analyse, et nous allons tenter d’avoir la patience de la suivre encore, jusqu’au bout de sa connerie insondable. Que voit-elle, aujourd’hui, « derrière le brouhaha des manifestations et le fracas des armes et des slogans pseudo-humanitaires » ? « On assiste à l’émergence réelle », nous dit-elle, « d’un front chiite qui s’oppose à un front sunnite ». Oh, mais voilà encore qu’on n’avait rien compris. Décidément, nous sommes sûrement trop bêtes. Un « front chiite » s’opposerait ainsi à un « front sunnite »… Où ça ? On se souvient de la guerre Iran-Irak, il y a fort longtemps maintenant, énorme guerre, où l’on pouvait en effet avoir l’impression de ce que l’Iran, à majorité effectivement chiite, s’affrontait à l’Irak, à majorité sunnite. Les analystes s’étaient alors gargarisé de cette grille de lecture religieuse. Mais aujourd’hui ? Où est donc son « front chiite » ? Place Tahrir, au Caire ? Ou dans la Kasbah de Tunis ? À moins qu’elle puisse le voir dans les rues de Damas ? Et qui incarne le « chiisme » ? Bachir, l’alaouite ? Ou bien nos amis démocrates et laïcs qui s’en tamponnent allègrement de toutes ces conneries ? Peut-être l’affrontement entre ces deux branches de l’islam nées au VIIème siècle explique-t-il la mobilisation de la jeunesse madrilène depuis une semaine Puerta del Sol ? Baste.

Cette dame serait en train simplement de nous faire perdre notre temps, avec ses bêtises, sornettes à dormir debout, nouvelle « géo-politique » voltairienne, véritable saloperie idéologique de notre temps, tout à fait comparable, sinon identique à la dégoutante théorie d’Huntington sur le prétendu « choc des civilisations ». Il faut comprendre ici que tous ceux qui en parlent en fait y aspirent, et se désolent de voir que les humains puissent s’intéresser à autre chose qu’à leur lecture raciste des relations internationales, seule grille d’analyse valide selon eux – s’inspirant directement à la source de cette pensée, la « géopolitique » de Karl Haussofer, le maître à penser d’Adolf Hitler.

« Pour mettre en place cet ultime scénario on a favorisé d’une manière occulte les mouvements “religieux”, Frères musulmans ou ayatollah », nous dit mère Agnès-Mariam. Ne confondrait-elle pas un peu tout ? Les « ayatollah » sont en effet « chiites ». Les « Frères musulmans », eux, seraient plutôt « sunnites », que l’on sache. Est-ce « l’affrontement » entre ces deux-là que l’« on » vise ? Et, à propos, qui serait ce « on » ? Si les « ayatollah » ont été soutenus, jadis, par une quelconque force « occulte », c’est par la diplomatie et les services français. On se souvient comment l’ayatollah Khomeiny lançait ses diatribes contre le shah d’Iran à partir de Neauphle-le-Château – après avoir été longtemps hébergé par Saddam Hussein. Et c’est dans un avion d’Air France qu’il a pu opérer un retour triomphal en Iran dans la dictature des Pahlavis qui ne s’en est pas remise. Quant à l’ancienneté des Frères musulmans, elle remonte à beaucoup plus loin encore, et on voit mal en quoi l’évocation de ces vieilles lunes expliquerait un « ultime scénario ». Cela fait bien longtemps en effet que tous les intégrismes sont favorisés de façon à la fois « occulte » et spectaculaire, et on n’a pas vraiment le sentiment que ce soit le signe dominant de l’événement contemporain qui, au contraire, en dépit de ces décennies de sponsorisation de la bêtise par tous les pouvoirs, voit un soulèvement général des peuples qui s’inscrivent assez rigoureusement en dehors de ce schéma que notre religieuse prétend voir là.

Il semble d’ailleurs que notre mère supérieure perde un peu le fil de son raisonnement. « Soudainement les grandes puissances sont très soucieuses des Droits de l’Homme dans nos pays. » Cette assertion est bien sans rapport avec la précédente. Est-elle plus fondée ? On aura surtout vu que les dirigeants élus des « grandes puissances », en dépit de leurs intérêts liés avec les dictatures, ne peuvent assumer, face à leurs peuples, de se solidariser avec des massacreurs, et rivalisent de déclaration vertueuses. Il y a là en effet matière à ironiser. Mais encore ?

« N’avaient-elles pas pactisé, mieux collaboré, au grè de leurs intérêts avoués ou occultes, pendant des décennies avec les régimes décriés aujourd’hui ? » s’indigne notre bonne sœur. En effet, son observation est pour une fois indiscutable. Elle, par contre, et le Réseau Voltaire, préfèrent continuer à « pactiser » avec les dictateurs – si on a bien compris. Ce n’est pas forcément mieux.

Voilà que notre nonne se gausse de l’« ingérence “humanitaire” en Libye ». Celle-ci a « déjà fait des dizaines de morts dans la population civile », dénonce-t-elle. Sans blagues. Et les centaines de morts attribués à l’armée syrienne – 850 au dernier comptage, rappelons-le –, qu’en fait-elle ? La polémique sur la légitimité de l’intervention aérienne internationale pour défendre Benghazi est certes intéressante. Mais combien de morts aurait-on pu escompter si les troupes du boucher de Tripoli étaient entrées dans la deuxième ville du pays, capitale de l’insurrection ?

Cette intervention créée « un précédent effrayant », selon elle. « Elle élimine l’État de droit et sape les fondements de l’indépendance des nations, mieux la notion elle-même de nation. » Mais de quel « État de droit » parle-t-on dans des dictatures policières dont les gouvernants sont inamovibles depuis des décennies en dépit du fait qu’ils ruinent leur peuples en plus de les museler avec la plus grande cruauté – particulièrement en Syrie ? La « nation » libyenne est soulevée contre un dictateur inepte et appelle à l’intervention internationale très explicitement. On peut se plaindre d’ailleurs plutôt que celle-ci ait tant tardé, après avoir laissé au dictateur le temps de se ressaisir, et qu’elle se fasse à reculons, permettant que la guerre civile s’installe au lieu d’établir une bonne fois pour toutes un « État de droit » auquel aspirent les démocrates libyens. Mais, on comprend que ces subtilités échappent aux analystes de l’histoire « au sens johannique », ou aux flics français qui regrettent tant le merveilleux marché pour les avions Rafale que Patrick Ollier était en train de conclure en Libye avec son excellent ami Mouammar Kadhafi.

« L’objection humanitaire est bien la motivation de ce droit à l’ingérence. Mais alors pourquoi ne pas en faire bénéficier tous les spoliés de la terre. Pourquoi deux poids, deux mesures ? » note avec bon sens mère Agnès-Mariam. En effet, pourquoi ne pas « intervenir » en Syrie quand on est confronté à un dictateur aussi sourd aux revendications de son peuple ? La question pourrait se poser. Il se trouve qu’elle n’a pas été posée, ni même par l’opposition syrienne. C’est toute la différence. Oh, oui, bien sûr, on rêverait de « brigades internationales » pour la liberté qui iraient, en Syrie et ailleurs, foutre par terre les salopards qui exploitent leurs peuples depuis trop longtemps. Ce n’est, malheureusement, pas si simple. Entre autres parce que ce ne sont pas de simples idées qui s’affrontent, mais des principes avec parfois un peu plus de profondeurs que des « concepts » tels qu’on les enseigne dans les séminaires ou dans d’autres écoles de sciences politiques.

Il y a des questions sérieuses, comme celle de la légitimité. C’est parce que l’opposition libyenne, en quelques jours, a pu conquérir 90% du territoire, qu’à pu s’instituer, à Benghazi, une instance représentative de l’opposition qui a pu en appeler à l’aide internationale légitimement face à l’agression sauvage d’une armée de mercenaires embauchés par le voleur au pouvoir à Tripoli depuis tant de décennies. Rien de comparable en Syrie où l’État militaire s’est beaucoup mieux maintenu. S’il s’agissait simplement de justice, on pourrait dire que c’est « injuste » que Kadhafi soit l’objet d’une réaction plus sévère… pour n’avoir pas investi déraisonnablement dans l’armée, comme Hafiz et Bachir el Assad l’ont fait. Mais ce serait encore simplifier que de prétendre qu’il ne s’agit là que d’une question militaire.

Comme on le voit dans cet article, les chrétiens de Syrie, par exemple, et qui ne comptent pas pour si peu – ne serait-ce que parce qu’ils représentent 7,5% de la population –, sont en partie attachés à ce régime, et lui donnent une forme de légitimité que la dictature libyenne, reposant quasi-exclusivement sur sa montagne de pétro-dollars, n’a pas. Mais coupons court à cette dissertation qui pourrait nous entrainer inutilement bien loin. Les questions complexes ne se résolvent pas simplement, et il faut, là encore, beaucoup de mauvaise foi à notre bonne sœur et à ses amis du Réseau Voltaire pour oser des syllogismes aussi simplets alors qu’on parle de questions sérieuses lorsqu’il s’agit de la liberté et du bonheur des peuples – des « concept-clés » dont ces gens-là n’ont manifestement rien à faire.

Reconnaissons leur franchise à ces idéologues : « Aussi, pour notre part, sommes-nous loin de reconnaître dans les manifestations qui envahissent le monde arabe en général et la Syrie en particulier, les prodromes d’un quelconque printemps, au contraire nous préconisons le maximum de retenue et de prudence. Nous n’y voyons qu’un acte hivernal impitoyable pour nous enrôler dans un nouveau façonnement qui plaise aux maîtres du monde. » Un « nouveau façonnement »… En voilà un concept. Rassurons mère Agnès-Mariam : les « maîtres du monde » – si une telle chose existe en deçà du « maître de l’Histoire » qu’elle adore –, ne sont certes pas satisfaits de voir dégommé l’un après l’autre de très anciens camarades dictateurs, comme Ben Ali, Moubarak, Kadhafi ou Bachir el Assad. Ils ont toutes les raisons de craindre pour eux-mêmes, particulièrement à l’heure où, non seulement en Islande mais y compris en Espagne, et pourquoi pas à Paris, les peuples exigent qu’on remette à plat le contrat social et qu’on s’engage sur la voie de ce qui pourrait être une « démocratie réelle », « maintenant », sans plus attendre.

Mais non, notre mère supérieure à une « preuve » de ce qu’elle avance. C’est dans Le Figaro du 18 avril qu’elle a lu ça – comme quoi on a beau faire de l’archéologie mystique au fin fond du désert de Syrie, on n’en est pas moins au fait de l’information… Il y a là la « preuve » « que les USA ont financé l’opposition en Syrie ». Voilà qui, pour le coup, ne serait pas complètement impossible : « Selon le Washington Post, la chaîne Barada TV est proche du Mouvement pour la justice et le développement, un réseau d’opposants syriens exilés. Le Département d’État américain a financé ce mouvement à hauteur de 6 millions de dollars depuis 2006. L’administration américaine a commencé à financer des figures de l’opposition sous la présidence de George W. Bush quand ce dernier a rompu ses relations avec Damas en 2005. Les financements ont perduré avec le président Barack Obama.... »

Six millions de dollars, c’est une somme. Même si c’est beaucoup moins cher qu’un avion Rafale. Mais que faut-il penser d’une telle « information » ? Celle-ci est en effet plausible. Le fait que sa source soit Le Figaro n’est pas forcément rassurant. La retranscription qui en est donnée non plus, étant donnée la mauvaise foi largement démontrée de ses auteurs, mais on peut tout-à-fait concevoir que Washington soutienne l’opposition démocratique syrienne. Admettons que ce n’est pas très joli. Pour le coup, c’est bien d’une forme d’ingérence qu’il s’agirait. Mais l’angélisme serait aussi déplacé : en effet la diplomatie américaine est lourdement interventionniste, et dans de nombreux pays. Nul besoin de le démontrer : le fait a malheureusement bien trop souvent pu être vérifié. On notera simplement que six millions de dollars pour une opposition démocratique, c’est un peu moins méchant qu’une opération « Tempête du désert », ou l’horrible « Juste cause », qui ont coûté singulièrement plus cher au contribuable américain, sans parler du nombre hallucinant de victimes humaines, en particulier civiles, qu’a pu valoir l’hostilité américaine à cet autre dictateur de la région, Saddam Hussein.

Ceci explique-t-il le « printemps arabe » dont mère Agnès-Mariam prétend se méfier ? Certes non. Et ces millions de dollars auraient été distribués en pure perte si un jour, à Sidi Bouzid, un homme n’avait pas signifié, en s’immolant, qu’on ne peut plus vivre dans un régime d’oppression éternel, sans rîme ni raison. Des millions de dollars n’auraient jamais suffi à susciter le désespoir de la jeunesse tunisienne, ou du peuple de Syrie qui aujourd’hui, avec un courage sans limite, affronte non seulement les balles de l’armée de Bachir et l’horreur de ses salles de torture, mais toute la perversité d’une rhétorique qui voudrait priver sa colère de toute légitimité.

Mais voilà notre bonne sœur partie pour citer pêle-mêle une collection d’articles, dont certains du Réseau Voltaire, qui dénoncent cette Freedom house, officine qui se chargerait de propager les idéaux de la liberté… Bien sûr, Voltaire, le Figaro et sœur Agnès-Mariam voient une telle vocation d’un très mauvais œil. On ne sait quoi en penser. Cela semblerait un peu trop vertueux pour être honnête. On aura bien remarqué que l’actuel mouvement révolutionnaire mondial se produit sous la présidence de Barack Obama, un homme dont l’élection a suscité beaucoup d’espoirs qui auront légitimement pu sembler déplacés quand on voit comment les États-Unis ne sont pas moins aujourd’hui qu’hier sous la coupe du « complexe militaro-industriel » jadis dénoncé par Eisenhower. On note néanmoins qu’on n’aurait probablement pas attendu de son prédécesseur tant de déclarations vertueuses, que ce soit vis-à-vis de la Libye ou d’une manière générale dans ce contexte de démocratisation relativement spectaculaire.

Il ne semble pas qu’on puisse pour autant attribuer les mouvements actuels à une quelconque influence favorable dont le vent soufflerait de Washington. Rien ne l’atteste, sinon l’existence de cette Freedom house dont se gargarise Voltaire. C’est lui faire trop d’honneur. Le mouvement de libération universel en cours actuellement est sans précédent historique. Aucun institut « étatsunien », fut-il vertueux ou machiavélique, n’aura eu la force ni l’intelligence d’une réalité aussi imprévisible qu’on ne peut dire à l’instant ce qu’il adviendra de l’Espagne – et de l’Europe – demain. Y aurait-il des apprentis sorciers comme ceux que Voltaire se plait à décrire qui théorisent la « destruction créatrice », on a du mal à voir, en l’état, ce qu’il pourrait y avoir de « malsain » dans un tel phénomène. La coïncidence entre le phénomène planétaire en cours et ces théories amusantes serait certainement troublante, peut-être même à porter au crédit de tels « théoriciens », mais certainement pas le scandale du siècle si ce dont il est question serait d’abattre des dictateurs et même des « dirigeants récalcitrants ».

Décidément très en phase avec Voltaire, mère Agnès-Mariam partage complètement son analyse sur ce point : « C’est bien de destruction créatrice qu’il s’agit. » « Les architectes de nos nouvelles révolutions peuvent se vanter qu’à un prix dérisoire ils ont pu allumer des incendies qui tiennent à la fois du virtuel, du sentimental, de la boule de neige, bref, de la suggestion médiatique. » « Mais pour mettre le feu aux poudres il n’en faut pas plus et la puissance douce peut se changer en volcan qui charrie tout. » « Car il s’agit bien d’en arriver là ? »

Doutons ici un instant qu’il faille attribuer à l’administration de Barack Obama la révolution mondiale en cours, mais constatons simplement que mère Agnès-Mariam, comme Voltaire, en véritables gardiens de l’ordre qu’ils sont, craignent surtout que le mouvement actuel puisse emporter « tout » – leur église et leur sainte connerie avec. Voltaire considère que ceci serait l’œuvre d’« élites déviantes ». Pour sûr, les « élites » qu’incarnent les services français et l’ordre de l’unité d’Antioche ne sont pas « déviantes » – elles sont simplement réactionnaires.

Approchant de la fin de sa dissertation, après avoir fait ce long détour par la géopolitique planétaire et les intéressantes théories voltairiennes, Mère Agnès-Mariam revient en Syrie, et tout d’un coup se fait un peu plus réaliste, car en somme, quoi qu’elle puisse développer comme désinformation délirante, accordons-lui qu’elle connaît un peu le pays où elle demeure. Elle nous parle maintenant de « la spécificité socioculturelle syrienne qui tient sur des équilibres non pas seulement politiques mais humains ». Encore un peu et on redescendra sur terre… « Bien que le parti Baas soit idéologique et essentiellement laïc, il n’en a pas moins gardé, comme tous les autres régimes monarchiques, républicains ou parlementaires de la région, des profondes ramifications dans le tissu tribal et clanique, spécifique du Moyen-Orient. » Voilà qui semble tout à fait exact et ressembler à une description plutôt que le tissu d’inepties qu’on a dû subir depuis tant de pages. « Il [le parti Baas] tient grâce à ces accointances, grâce à un continuel réajustement des relations cordiales à travers les représentants des grandes et des petites familles. » Rien à redire, là non plus, sauf que le système de Bachir el Assad n’est pas toujours « cordial » – en tout cas pas au fond de ses salles de tortures. « C’est cela qui fait sa force ou sa faiblesse, comme celle des autres régimes de la région. » Probable.

« Les médias n’ont pas retransmis la réunion du Président Bachar El Assad avec les notables de Daraa par exemple », se plaint mère Agnès-Mariam. « Accueillis sans aucun protocole, ils ont été touchés par l’intérêt réel du Président et ce contact a réussi à apaiser les esprits et à créer un espace de dialogue et de concorde. » Comme c’est émouvant. On croirait lire un article de la presse officielle syrienne. « Cependant cette atmosphère n’a pas perduré », reconnaît-elle. « Entre-temps les évènements de Homs, de Banias, de Jableh et autres sont venus verser de l’huile sur le feu », ainsi qu’on a déjà pu en entendre parler. Revenant tout d’un coup aux « faits », voilà que notre religieuse dénonce « les nouvelles de plus en plus impartiales de l’existence d’un véritable réseau sunnite de soutien aux manifestants ». Les voilà donc les « sunnites » dont on se demandait ce qu’ils venaient faire là tout à l’heure. Notons toutefois la syntaxe curieuse de cette drôle de phrase : « les nouvelles, de plus en plus impartiales »… Qu’est-ce donc qu’une « nouvelle impartiale » pour sœur Agnès-Mariam de la Croix ? Croit-elle qu’on peut être « plus ou moins » impartial ? A-t-elle idée simplement de ce que signifie l’impartialité ? Il semblerait qu’on n’étudie pas ce genre de « concept-clé » dans les écoles vaticanes, pas plus que dans celles des services français.

Ainsi, il y aurait « un véritable réseau sunnite de soutien aux manifestants » ? Tiens donc. Peut-être. Pourquoi pas ? Et qu’en aurait-on à foutre ? À moins que loin de toute impartialité on se sente, pour une raison ou pour une autre de fortes affinités avec des « réseaux chiites » dans le contexte du « front chiite » censé s’opposer à un « front sunnite »… Sœur Agnès-Mariam ne peut pas comprendre que, du point de vue de la révolution qu’elle abhorre, chiites ou sunnites, quels qu’ils soient, tous les « réseaux » sont les bienvenus pour défendre la liberté… Mais non, la liberté, voilà un autre « concept-clé » dont mère Agnès-Mariam ne nous a pas caché qu’elle n’a rien à faire.

« Ceci aboutit à des mesures préventives », nous explique-t-elle. « Préventives » de quoi ? On ne saura – peut-être d’une excessive influence « sunnite » ? Et ces « mesures » « sont forcément répressives », assume-t-elle enfin. « Comme nous le voyons aujourd’hui à Daraa, Douma, Jableh. »

On n’avait donc pas rêvé : il y a bien une répression sauvage des manifestations, aujourd’hui, en Syrie, comme par exemple « à Daraa, Douma, Jableh ». Il était temps que notre spécialiste ait la bonté de le reconnaître. Il y aurait même eu, « en contrepartie » – en contrepartie de quoi ? –, « la démission de plusieurs officiers de l’armée, de deux députés, du vice-président de la chambre de Commerce et du mufti de Daraa », rien que ça. Voilà qu’on finira par être informés : ainsi, la répression sans nom, qualifiée ici de « mesure préventive » aura été si abusive que nombre de notables auront préféré démissionner plutôt que de rester solidaires de ce régime indéfendable.

Et c’est ainsi que va se terminer cette infinie dissertation en défense de l’ordre, et pas seulement de l’ordre d’Antioche. On approche des mots de la conclusion. « Jamais une ingérence étrangère ne pourra remplacer le dialogue intérieur et serein dans une famille, une région ou une nation », dit-elle.

« Un changement réalisé par la force coûtera cher laissant présager le pire des scénarios à l’avenir. » Et par contre, la conservation de l’ordre existant par la force, elle, ne pose aucun problème à notre religieuse, ni les massacres, ni la torture – phénomènes par lesquels la dictature syrienne se sera hissée au sommet de la hiérarchie planétaire de l’horreur, ce qui n’émeut à aucun moment la conscience « chrétienne » de la dame… Non : ce qu’elle craint, « c’est l’inconnu et l’horreur du vide ». La peur de l’inconnu, on comprend, ça ne peut qu’avoir une certaine vigueur dans l’imaginaire d’une religieuse, comme dans celui d’un flic. Quant à « l’horreur du vide », c’est bien une spéculation, née de la crainte de l’inconnu : une révolution n’instaure certes pas « le vide », mais un nouvel ordre, « inconnu » par avance, certes, mais d’aucune façon « vide ».

Notre religieuse en veut aux « médias » et à « leurs distingués invités » qui « semblent confiants dans l’avenir et pressent vers la déstabilisation du régime ». Tout le monde n’est pas obligé de vouloir demeurer dans l’ordre immuable de la pensée religieuse, avec ses dictatures abjectes, sa mauvaise foi sans bornes, et la misère qui nait de la bêtise d’« élites » réactionnaires.

« Sous cette angle les protestations violentes (admettons-le, il y a des intrus qui sont chargés de faire monter la tension) nuisent à la cause de la vraie réforme. » Qu’elle est belle cette parenthèse ! Ainsi, entre parenthèses, à un paragraphe de la fin de son article de 13 pages, voilà que notre mère supérieure admet le contraire de ce que pendant des pages et des pages elle aura essayé de démontrer, avec force de faux témoignages, ainsi qu’on a pu le voir plus haut… Et voilà qu’on pourrait presque être d’accord avec elle, ce fugace instant. En effet, dans un État où l’armée pèse tellement lourd, la violence n’est certes pas le meilleur moyen de faire avancer la cause de l’opposition, puisque c’est le terrain sur lequel l’État est, à coup sûr, le plus fort. Pacifiques, ces révolutions le sont forcément, tant il est évident que l’ordre a accumulé de moyens militaires – et policiers – pour maîtriser toute situation où le rapport de forces serait autre chose que politique.

On ne sera certes pas d’accord, par contre avec les citations sur lesquelles la fondatrice de l’ordre de l’unité d’Antioche prétend clore son passage « au crible » des « informations tendancieuses » sur la situation en Syrie. Car la voilà qui cite un orientaliste anglais du XVIIIème siècle, largement méconnu de nous, Sir William Jones : « Un système de liberté imposé à un peuple invinciblement attaché à des habitudes opposées serait en vérité un système de tyrannie. » Ce qui nous rappelle un ancien président français, presqu’oublié aujourd’hui, Jacques Chirac, très aimé du Réseau Voltaire lorsque je l’ai quitté il y a quelques années – entre autres pour ce motif –, qui déclarait que la démocratie, ça n’est pas pour l’Afrique.

En Tunisie, comme en Égypte ou en Libye, comme au Yémen ou à Bahrein, comme en Syrie ou au Burkina Faso, les peuples se sont soulevés parce qu’ils en en soupé de ces idéologues de merde qui prétendent penser dans quelles conditions ils doivent accepter d’être écrasés, pillés, escroqués. Cela fait des milliers d’années maintenant que l’église catholique et toutes les religions, avant et après elle, organisent l’oppression absurde dans laquelle les peuples souffrent inutilement. Il est temps que ça change.

Michel Sitbon
La Désirade, le 21-24 mai 2011.


Transmis par Michel Sitbon

Fri, 27 May 2011 02:59:18 +0000

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