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Complotistes et contre-complotistes : la vérité est ailleurs....

| le-militant.org | lundi 9 mai 2011

lundi 9 mai 2011

Dans la chronique la « tête de Ben Laden sur un plateau », l’image, politiquement significative, n’était pas tout à fait exacte puisqu’on a appris que les Rambos US avaient « enseveli en mer » (sic ! ) le corps de Ben Laden, tout en annonçant avoir procédé à l’inévitable prélèvement d’ADN censé prouver que c’était bien lui.

Les services de Com’ du Pentagone se sont même empressés de dire que de toute façon, les amateurs de théorie du complot allaient sévir, corps jeté à la mer ou pas.

Nous voila donc avertis : quiconque se pose des questions est un adepte des « théories du complot » !

En fait, adeptes des théories du complot et contempteurs patentés des mêmes théories du complot se situent exactement sur le même plan.

Pour les premiers, la lutte sociale et les faits réels au plan international ne sont que le voile d’un complot masqué, généralement attribué au pouvoir impérialiste US dont ils n’ont cependant pas une perception réelle, mais imaginaire - une sorte de pieuvre tenue par des agents secrets, avec la plupart du temps des relents antisémites structurels, consciemment ou non.

Pour les seconds, il y a aussi un complot : celui des auteurs de théories du complot, justement. Les premiers servent aux second à faire taire les critiques et les interrogations.

Car celles-ci sont oh combien justifiées et nécessaires. Le fait est que le corps de Ben Laden a été officiellement escamoté, et qu’on est en droit de se poser des questions !

Complotistes et anti-complotistes se tiennent par la barbichette.

Plus généralement, la base objective des théories du complot, qui ne les justifie pas mais qui les facilite, leur terreau, est bien entendu fourni par le fait que les Ben Laden et les Bush, l’impérialisme et le terrorisme, sont les maillons d’une même chaîne, celle de l’oppression et de l’exploitation capitaliste.

Mais voici un exemple de la manière dont les théories du complot sont utilisées par les chasseurs de complotistes, leurs cousins, pour tenter de discréditer tout questionnement démocratique légitime. Complotistes et chasseurs de complotistes sont liés comme les Dalton et les chasseurs de primes !

Sur le site conspiracywatch - par ailleurs fort intéressant - est republié un extrait d’un livre de 2005 d’un certain Antoine Vitkine, journaliste pro-américain, qui tente de ridiculiser la thèse « Ben Laden lié à la CIA » en déplorant qu’elle se soit imposée dans l’opinion comme une chose communément admise. Il serait bon, estime t’il, d’assimiler cette thèse à une vulgaire théorie du complot, comme ça on n’en parlerai plus. Il tente donc de démontrer :

« À ce fantasme, il faut répondre par les faits. Ben Laden ne fut jamais, de près ou de loin, un agent de la CIA. L’Amérique ne lui a pas versé d’argent pour qu’il recrute des volontaires arabes pour faire le djihad contre les Soviétiques. Considérablement riche, celui-ci n’en avait pas besoin. Au contraire, c’est lui qui récoltait des fonds et fournissait des moyens logistiques aux moudjahiddins et djihadistes. Quant à ses liens avec la CIA, ils sont plus que ténus : Ben Laden collaborait avec le prince Turki Ibn Fayçalhttp://www.le-militant.org/Militant/Actualite_internationale/Entrees/2011/5/4_En_un_week_end___un_mariage,_une_beatification_et_une_tete_de_Ben_Laden_sur_un_plateau..._Mais_pendant_ce_temps....html, chef des services secrets saoudien, lequel le mit en contact avec l’ISI, les renseignements pakistanais.

Bien sûr, il y a une convergence d’intérêts – momentanée – de Ben Laden et des Américains : chasser l’URSS d’Afghanistan. Bien sûr des agents américains ont pu rencontrer Ben Laden, c’est le métier de tous les agents secrets de nouer des contacts avec toute sorte de gens, voire de les utiliser. Mais l’Amérique n’a pas fait Ben Laden, celui-ci s’est fait tout seul. »

Si on lit et relit bien ce passage, on y a la confirmation sinon de la thèse que notre auteur combat, en tout cas de son contenu politique. Ben Laden n’était pas agent de la CIA à proprement parler, il était mieux que ça : un interface, un contact man, grâce à sa fortune, ses relations et sa famille élargie, entre la CIA, les services secrets saoudiens, et l’ISI pakistanaise. Merci M. Vitkine de ces éclaircissements qui confirment et renforcent la compréhension du lien initial, fondamental, entre Ben Laden et la CIA.

Comprendre la nature réactionnaire, contre-révolutionnaire, de l’islamisme en général et d’al Qaida en particulier aide à comprendre en quoi ces gens là ont continuellement fait le jeu de l’impérialisme - notamment en revendiquant les crimes de masse du 11 septembre.

Par contre la théorie du complot mise à la place d’une telle compréhension se situe elle aussi sur un terrain réactionnaire, contre-révolutionnaire.

Ainsi de la dernière production de l’inénarrable Thierry Meyssan, diffusée sur le net par divers militants d’extrême-droite et d’extrême-gauche il faut bien le constater. Monsieur Meyssan « sait » que Ben Laden est mort d’une maladie rénale fin 2001 et explique la décision de mettre en scène sa mort 10 ans plus tard par la réconciliation entre CIA et al Qaida le rendant inutilisable. Contre qui, cette réconciliation ? Mais contre Afez el Assad, Amahdinejad et Kadhafi, voyons ! Car, est-ce bien la police, les nervis, les Moukabarat de El Assad qui tuent en Syrie ? Mais non, voyons, ce sont des snippers planqués derrière les fenêtres qui tirent au hasard sur la gentille police et les pacifiques manifestants de manière à faire croire à ces derniers que Afez el Assad il est méchant. Et qui a infiltré les snippers ? La CIA et al Qaida, bonne mère ! Et bien sûr le Mossad, qui comme chacun sait, a toujours tiré les ficelles …

Un article du non moins inénarrable mandarin de l’université italienne Domenico Losurdo, le « grand philosophe » parait-il post-hégélien, post-gramscien, post-machiavélien et surtout stalinien pas post du tout, émargeant pour cela auprès des services chinois, reprend frontalement ce roman rose et noir, en le complétant par des affirmations à la Ben Ali sur la manipulation des masses par Internet et sur des faits similaires en Chine où des agents dresseraient Hans et Ouigours les uns contre les autres. Losurdo nous fait même le coup des agents qui jettent des bouteilles pleines de sang dans les rues de Syrie, pour faire croire à des massacres … Nous sommes ici au degré zéro de la littérature stipendiée. Au fait, cet individu confère à la Sorbonne courant mai, sur le thème : Psychopathologie et démonologie. La lecture des grandes crises historiographiques de la Restauration à nos jours. Sans blagues !

Et il y a même une réponse d’une personne « neutre » et confite en sainteté à la prose losurdienne, pour l’approuver ; une certaine soeur Agnès-Mariam de la Croix, higoumène du monastère Saint Jacques l’Intercis de Sara en Syrie que l‘on peut découvrir par exemple sur le bien mal nommé site du Grand Soir : en toute fausse candeur, la mère supérieure avoue craindre que les évènements présents ne conduisent à faire de la Syrie un second Irak, autrement dit elle accuse les masses insurgées d’être des envahisseurs impérialistes, et bien entendu elle confirme les allégations sur les snippers et autres agents. Admirons cette trinité : un ex « monsieur laïcité » recyclé dans le complotisme (Meyssan), un mandarin stalinien compagnon de route bien récompensé du régime chinois, et madame l’Higoumène - le sabre et le goupillon …

Et divers sites à qui on la fait pas, des sites qui « savent » que les médias sont aux ordres, que les agents nous espionnent, de reprendre ces infamies, dans une logique qui est celle-là même des complotistes et des anti-complotistes : puisque les médias mentent, prenons le contrepied symétrique. Puisqu’ils sont à la solde de Washington, mettons-nous à celle des Afez el Assad et autres tyrans sanguinaires … et parfaitement capitalistes. Exactement comme les journalistes pro-américains accusent quiconque a des doutes d’être des « complotistes » ou de faire le jeu de l’Iran, ceux-là accusent quiconque met en cause leurs accusations de faire le jeu de l’impérialisme. La boucle est bouclée.

Ni complotistes, ni anti-complotistes, révolutionnaires !

Ces représentations complotistes des uns et des autres, au moment présent, ont en outre ceci de commun de complètement occulter les seuls faits réellement importants dans cet évènement somme toute pas si important que ça qu’est l’annonce de la liquidation de Ben Laden par Obama : le fiasco rapide de la Com’ du Pentagone et de la Maison blanche à ce sujet, et la réaction majoritaire de la presse arabe estimant que ce sont les révolutions arabes qui ont au fond liquidé Ben Laden, bref tous les signes d’affaiblissement et de désarroi bien réel de l’impérialisme nord-américain.

Les Meyssan, Losurdo et autres sœur higoumène de son couvent ne s’en réjouissent certainement pas : contre la lutte des classes réelle, celle des exploités et des opprimés, qui se mène contre eux comme elle se mène contre l’impérialisme, ils ont besoin de pouvoir présenter un ennemi en forme, qui tire les ficelles et manipule ses agents, tout aussi bien que cet ennemi a besoin du mythe de Ben Laden et maintenant de la geste médiatique plus ou moins ratée de sa liquidation.

Et finalement ces vrais faux ennemis tirent tous ensemble dans le même sens : en racontant que ce sont la CIA et les islamistes qui veulent déstabiliser la Syrie, ces messieurs les complotistes « anti-impérialistes » jouent la provocation exactement comme les militaires égyptiens provoquent des affrontements entre musulmans et coptes, ou comme les nervis ben-alistes continuent à semer le trouble en Tunisie. Les méthodes de snippers infiltrés sont bien celles de la CIA, d’al-Qaida, des Moukabarak, baltaguiyas et autres bassidjis. Le prolétariat, lui, manifeste, fait grève et s’organise au grand jour. Comme dans les villes et les campagnes de Syrie !

Décidément, contre l’impérialisme, le terrorisme islamiste et les régimes syrien, iranien et leurs alliés, une seule solution : la révolution, et pas le complot !


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