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Emprisonnés depuis la mi-janvier Dan et Olivier ont besoin de notre solidarité matérielle et politique

Yves | mondialisme.org | dimanche 27 mars 2011

samedi 2 avril 2011

Suite à l’affaire de Tarnac, on a vu toute une partie de l’intel­li­gent­sia de gôche se démener pour dén­oncer la machi­na­tion poli­tico-poli­cière qui avait abouti à l’empri­son­ne­ment de Julien Coupat et de ses amis. Dan et Olivier ne béné­ficient appa­rem­ment pas du moin­dre sou­tien de ces mêmes réseaux méd­ia­tiques qui res­tent étr­an­gement silen­cieux.

Deux poids, deux mesu­res ?

Mais ce n’est pas parce que l’exi­gence de leur libé­ration n’est pas aussi "ten­dance", et ne nous vaudra pas la publi­ca­tion d’une tri­bune dans "Libération" ou un pas­sage à la télé ou à la radio, que nous devons rester muets ou apa­thi­ques.

Pour notre part, nous ne par­ta­geons pas toutes les posi­tions et les ana­ly­ses poli­ti­ques de ces cama­ra­des (1).

Mais la condam­na­tion et l’empri­son­ne­ment de Dan et Olivier ne sont pas une ques­tion qui concer­ne­rait les seuls anar­chis­tes (ou pire, encore, une des ten­dan­ces de l’anar­chisme, les autres s’en lavant les mains).

Tous les indi­vi­dus (mili­tants ou pas) qui pen­sent être de gauche ou d’extrême gauche doi­vent réc­lamer leur libé­ration imméd­iate – même si Dan et Olivier ne deman­dent aucune faveur par­ti­cu­lière à l’Etat répub­licain bour­geois ou à ses sou­tiens "socia­lis­tes" et "com­mu­nis­tes".

Les mili­tants et les partis de gauche et d’extrême gauche qui se tai­sent aujourd’hui, tout en com­pa­rant sans cesse Sarkozy à Pétain ou à Le Pen, et le régime actuel à celui de Vichy, mon­trent à la fois le vide de leur pensée poli­ti­que et leur com­pli­cité face à la répr­ession qui frappe des mili­tants anar­chis­tes.

Il n’est jamais trop tard pour mani­fes­ter sa soli­da­rité et faire preuve d’un petit peu de cou­rage poli­ti­que, même si cela ne rap­por­tera pas une voix aux partis de gauche et d’extrême gauche que de se soli­da­ri­ser avec des mili­tants anar­chis­tes qui n’ont aucun res­pect pour la démoc­ratie bour­geoise.

Y.C

Ni patrie ni fron­tières

1. Dans le numéro 27/28/29 de la revue sur "Le gau­chisme post-moderne" paru en octo­bre 2009 on trou­vera quel­ques éléments de dis­cus­sion sur la prét­endue "mou­vance anar­cho-auto­nome", les cou­rants insur­rec­tion­na­lis­tes, et l’insi­pide "Insurrection qui vient", sans bien sûr épuiser le débat sur la caracté­ri­sation de la pér­iode actuelle et les stratégies qui sont le plus appro­priées.

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Nous pou­vons leur écrire

Maison d’arrêt de la Santé Daniel SAYAG N° d’écrou : 293 350 42 rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14

Maison d’arrêt de la Santé Olivier TOUSSAINT N° d’écrou : 293 348 42 rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14

Ou consul­ter le site http://mmpa­peur.blog­spot.com/2011/0...

Ou assis­ter aux ini­tia­ti­ves de soli­da­rité http://nantes.indy­me­dia.org/arti­cle...
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Nous vou­lons vivre

(Lettre de Dan depuis la prison de la Santé, 6 février 2011)

« Le sol sur lequel vous vous trou­vez est en feu » August Spies à ses juges (1)

Depuis tou­jours, des humains oppri­ment d’autres humains. C’est sur ces bases mau­di­tes qu’est née cette civi­li­sa­tion de l’enfer­me­ment. La domi­na­tion, qu’elle soit éco­no­mique, sexiste ou morale régit les rap­ports entre les gens, à tel point et depuis si long­temps que le simple fait d’inven­ter d’autres rap­ports, vivre ses rela­tions différ­emment, vou­loir un avenir déb­arrassé de toute auto­rité et agir dans ce but est un « crime ». Des ami­tiés se trans­for­ment en « asso­cia­tion de mal­fai­teurs », des asso­cia­tions d’indi­vi­dus sans hiér­archie devien­nent des « orga­ni­sa­tions ter­ro­ris­tes » avec tous les fan­tas­mes du pou­voir : lea­ders, exé­cutants, théo­riciens, etc. De la France au Chili en pas­sant par la Grèce, l’Italie et tant d’autres endroits où s’orga­ni­sent des anar­chis­tes et anti-auto­ri­tai­res en vue d’en finir avec les rap­ports de domi­na­tion, en face, la répr­ession s’orga­nise aussi avec son arse­nal mili­taro-juri­di­que. Cette situa­tion, en soi, n’est pas tel­le­ment étonn­ante, en vrai, elle est aussi vieille que le sont nos idées et nos désirs de vivre. Des lois scé­lé­rates de la belle époque en France jusqu’au délit d’anar­chisme en Italie de nos jours, ce der­nier a tou­jours servi d’épouv­antail social. Si je parle tant d’anar­chisme, c’est que moi-même je suis anar­chiste, mais ce cons­tat s’appli­que à de nom­breu­ses caté­gories fan­tasmées du pou­voir : les « bandes », les « cas­seurs », les « anar­cho-auto­no­mes », les « Rroms » et autres « bandes eth­ni­ques à capu­che » si chers aux cra­pu­les méd­ia­tiques.

En fait, il s’agit d’attri­buer à ces caté­gories montées de toute pièce à des fins élec­to­rales et socia­les, des pra­ti­ques séculaires et rép­andues comme la rét­ri­bution sociale, le sabo­tage, l’expres­sion murale et autres moyens d’expres­sion qui n’appar­tien­nent à per­sonne, sinon à ceux que la société pousse à réagir contre elle. On peut alors confi­ner ces pra­ti­ques à quel­ques « têtes brulées » pour mieux faire oublier à tous qu’il n’appar­tient qu’à eux de repren­dre le contrôle de leurs vies.

Entrent alors en jeu syn­di­cats, poli­ti­ciens, porte-paro­les et figu­res mythi­ques pour tem­po­ri­ser la rage des opprimés, pour déposséder chacun de sa propre rév­olte et la conver­tir en pou­voir et en argent pour quel­ques-uns.

Nous sommes tous en prison. Qui peut nier sans mau­vaise foi que tra­vailler, s’enfer­mer dans une salle de classe, une usine, un super­mar­ché, ce n’est pas se cons­ti­tuer pri­son­nier ? Qui ne res­sent pas, du haut de sa cage à poule emboitée dans des barres d’immeu­bles qui nous bar­rent l’hori­zon, que sa vie n’est qu’une suite d’incarcé­rations diver­ses ? Qui réussit encore à éviter du regard les bar­belés, bar­rières, portes blindées, grilles qui peu­plent de plus en plus les lieux où nous nous trou­vons et ram­pons, du tra­vail au métro, de son 15m2 aux grands espa­ces des hyper­mar­chés. Cette société est une vaste prison qui contient en elle une autre prison qui elle-même en contient d’autres. Dehors la menace de la prison, dedans la menace du mitard.

Dans cette vie morne et froide cepen­dant, se soulèvent par­fois les flam­mes de la colère. Récemment, en Tunisie, Algérie ou en Egypte, elles sont venues récha­uffer le bra­sier de nos coeurs qui ne s’éte­indra pas à coup de répr­ession.

Nous avons voulu expri­mer notre soli­da­rité avec tous les émeutiers qui bra­vent l’ordre au mépris des mena­ces et des balles, car nous aussi nous vou­lons en finir avec ce monde de fric et de pou­voir, nous vou­lons vivre. Comme une minus­cule contri­bu­tion aux cris de colères qui ont tra­versé ces der­niers mois la Méditerranée, nous avons écrit quel­ques tags sur les tris­tes murs des quar­tiers où nous vivons, contre les domi­na­tions démoc­ra­tiques et dic­ta­to­ria­les contre le règne du fric et des Etats.

Des patrouilles de la BAC qui nous avaient repérés depuis quel­ques temps nous inter­pel­lent alors aux alen­tours de 3h du matin, rue de Tourtille (XXe). Après une courte nuit au com­mis­sa­riat du XXe, la sec­tion anti-ter­ro­riste de la bri­gade cri­mi­nelle prend le relais et nous ramène au 36 quai des Orfèvres après des per­qui­si­tions à nos domi­ci­les pour mettre à jour leurs fichiers. Nous appre­nons qu’ils nous met­tent alors sur le dos une série de tags contre la Croix-Rouge et son impli­ca­tion omni­prés­ente et inter­na­tio­nale dans la machine à expul­ser et l’encam­pe­ment pro­gres­sif des pau­vres. Nous sommes éga­lement pour­sui­vis pour refus de fichage ADN et emprein­tes ainsi que pour non-res­pect du contrôle judi­ciaire qu’Olivier et moi avions déjà sur le dos. En février 2010, la SAT, encore elle, nous avait arrêtés pour notre par­ti­ci­pa­tion à la lutte contre la machine à expul­ser. Nous avions alors été mis en examen ainsi que plu­sieurs autres cama­ra­des pour de sup­posés sabo­ta­ges de dis­tri­bu­teurs de billets.

Il s’agis­sait alors, et aujourd’hui encore, de punir et d’isoler quel­ques indi­vi­dus pour des luttes et des désirs par­tagés par tant d’autres.

Lors de notre incarcé­ration, le pro­cu­reur fut très clair : « Il faut mettre un coup d’arrêt défi­nitif à la Mouvance anar­cho-auto­nome et donner une leçon à M. Sayag avant qu’il ne s’engage sur la pente d’une contes­ta­tion plus vio­lente encore. »

Si l’Etat s’acharne aujourd’hui sur nous, c’est que nous n’avons jamais cessé, et très visi­ble­ment, de porter nos idées dans la rue, de parler d’anar­chie à ceux qui n’en ont jamais entendu parler, et d’expri­mer fiè­rement notre soli­da­rité avec les révoltés du monde entier, et ce n’est pas un secret pour grand monde.

Je ne suis ni « inno­cent », ni « cou­pa­ble » des faits qui me sont repro­chés. Je suis anar­chiste, en cela, toutes les pra­ti­ques qui visent à se libérer des rap­ports de domi­na­tion sans les repro­duire, obtien­nent ma soli­da­rité, que ces pra­ti­ques soient ou non les mien­nes.

A tous ceux qui ne pleu­rent pas pour ces pau­vres murs que nous avons décidé de faire parler, à tous ceux aussi qui se sen­tent enchaînés, lors­que d’autres le sont, je vous envoie mes salu­ta­tions révo­luti­onn­aires et vous appelle à ne pas mar­quer de trêve dans le combat pour la liberté qui est le vôtre, et qui est aussi le mien.

A tous les ser­vi­teurs de cet état de choses, vos peines de prison ne sèc­heront ni mes larmes ni n’attén­uerons notre joie de tra­vailler à la trans­for­ma­tion des rap­ports. Je réaff­irme toute ma soli­da­rité avec les révoltés qui s’agi­tent sans pour autant rêver de rem­pla­cer les dic­ta­tu­res par une domi­na­tion démoc­ra­tique. Ainsi qu’à tous les pri­son­niers de la planète qui ne bais­sent pas les bras et qui ne se séparent pas des autres en s’inven­tant des caté­gories comme « pri­son­nier poli­ti­que ». De Sidi Bouzid à Athènes, de Bal-el-oued à Santiago, de Villiers-le-Bel aux fau­bourgs de Rio, que nos rév­oltes engen­drent nos soli­da­rités, et vice et versa.

Liberté.

Le 06/02/2011, Dan

PS : vous pouvez m’écrire en anglais et en français Maison d’arrêt de la Santé Daniel SAYAG N° d’écrou : 293 350 42, rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14 http://mmpa­peur.blog­spot.com/2011/0...

(1) August Vincent Theodore Spies (10 déc­embre 1855 - Chicago, 11 novem­bre 1887) était un acti­viste anar­chiste amé­ricain qui fut pendu pour des rai­sons dou­teu­ses suite à l’atten­tat à la bombe contre la police à Haymarket Square.

(2) http://www.legrand­soir.info/STEPHAN...

(3) www.you­tube.com/watch ?v=CN3O...

(4) Les Anarchistes : http://video.mail.ru/mail/kreda.kro...

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Lettre d’Olivier, en dét­ention prév­en­tive depuis le 14 jan­vier 2011

Maison d’arrêt de la santé, 21 jan­vier 2011, Nous ne sommes pas en prison pour des tags…

Nous avons été arrêtés dans la rue, dans le quar­tier de Belleville, par la BAC. Deux patrouilles tour­naient en sachant ce qu’elles cher­chaient. Dans un sac, les flics trou­vent une bombe de pein­ture et nos doigts sont un peu trop noirs à leur goût. Notre pas­sage au com­mis­sa­riat ne dure pas long­temps, juste assez pour que les bleus sor­tent la pano­plie de leurs vieilles ficel­les, moins pour faire parler que pour mettre la pres­sion. Dans l’après-midi du 13, ceux de la SAT-Brigade Criminelle vien­nent nous cher­cher, sou­rire aux lèvres. Il est dès lors assez clair que les tags ne seront qu’un détail insi­gni­fiant, un prét­exte pour nous faire tomber.

« C’est con, vous vous étiez calmés, on allait en finir avec tout ça, mais là vous relan­cez tout. » Quelques ten­ta­ti­ves d’audi­tions, pour la forme. Avant ça, des per­qui­si­tions pour mettre à jour leurs archi­ves de publi­ca­tion, foutre un peu de bordel. Dans les bureaux, des notes accro­chées nous infor­ment de plain­tes déposées par la Croix-Rouge. Nous sommes vite fixés. Déjà, au comico du XXe, les flics par­laient d’une réunion excep­tion­nelle entre eux, après un coup de fil du 36 Quai des Orfèvres, concer­nant les dég­ra­dations sur plu­sieurs locaux de la Croix-Rouge à Paris, la nuit du 11 au 12 jan­vier. D’autres tags ont visé la Maison de la Justice et du Droit, dans le Xe arron­dis­se­ment. La Section Anti-Terroriste sur les dents pour des tags ? Il y a quel­que chose qui cloche là-dedans. La nuit de notre arres­ta­tion, ce sont des tags por­tant des mes­sa­ges de soli­da­rité avec les rév­oltes des der­nières semai­nes en Tunisie, en Algérie, contre l’État, qu’il soit dic­ta­to­rial ou démoc­ra­tique. On nous inter­roge donc là-dessus, mais aussi sur les tags de la nuit pré­céd­ente, sous prét­exte que les thèmes seraient pro­ches (c’est vrai que très peu de per­son­nes mani­fes­tent leur hos­ti­lité à l’État…), et que des expres­sions comme « Crève l’État » revien­draient dans les deux cas.

Au-delà de ces faits par­ti­cu­liers, on nous repro­che sur­tout la conti­nuité des acti­vités, de notre par­ti­ci­pa­tion à des luttes, et donc des liens de com­pli­cité et d’amitié tissés au cours de ces luttes. Dans ce contexte, la prison pour punir une vio­la­tion du contrôle judi­ciaire qui nous inter­di­sait, pour deux d’entre nous, de nous voir et de com­mu­ni­quer, a clai­re­ment pour but d’ané­antir toute forme de lutte et d’orga­ni­sa­tion infor­melle qui éch­appe au cadre démoc­ra­tique et à son contrôle sociale.

L’asso­cia­tion de mal­fai­teurs, même si elle n’est pas for­mel­le­ment évoquée dans notre cas, reste l’obses­sion de ceux qui s’empa­rent de tout fait, même aussi « anodin » que des tags, des fumigènes, des affi­ches, pour les faire ren­trer dans le moule « mou­vance anar­cho-auto­nome » ; Une cons­truc­tion bien pra­ti­que, pour séparer de force les uns, ter­ro­ri­ser les autres, dém­arquer éventu­el­lement les « lea­ders » des « sym­pa­thi­sants », « théo­riciens » et « col­leurs d’affi­ches », « pré­pa­rateurs » et « exé­cutants », bref selon le modèle auto­ri­taire et hiér­arc­hique qui est bien celui de la société que nous com­bat­tons, et qui nous dégoûte en tous points. Ce genre de coups de pres­sion, eu moment où cer­tai­nes luttes, contre les cen­tres de rét­ention et toute forme d’enfer­me­ment par exem­ple, semble mar­quer le pas, font office de « prin­cipe de préc­aution », afin de tuer dans l’œuf toute velléité de conflic­tua­lité contre ce qui nous domine. Les plain­tes régulières de la Croix-Rouge par­ti­ci­pent plei­ne­ment à cette offen­sive des flics, ne per­dant pas une occa­sion de col­la­bo­rer avec ces der­niers. Main dans la main pour la ges­tion des pri­sons, main dans la main dans la répr­ession des luttes anti-auto­ri­tai­res. Un peu de pein­ture pour ces huma­ni­tai­res aux mains rouges, ce n’est pas cher payé…

Au-delà de telle ou telle pra­ti­que et moyen employé dans la lutte (puis­que aussi bien sont évoqués incen­dies, des­truc­tions ciblées, sim­ples dég­ra­dations, occu­pa­tions col­lec­ti­ves…), c’est la lutte elle-même et ce qu’elle porte en termes de désirs et de pers­pec­ti­ves (un monde sans exploi­ta­tion, sans fric, sans pri­sons, sans État) que le pou­voir veut éto­uffer. Cela est tout sauf la conséqu­ence d’un état, ou de « lois d’excep­tion ». La liberté et la démoc­ratie n’ont rien à faire ensem­ble. Il faut être un sacré men­teur pour affir­mer le contraire. Ce qui les emmerde, c’est que notre rage, nos rév­oltes, et nos luttes, n’ont rien à réc­lamer, rien à concéder, rien à renier, rien à men­dier. Nous lais­sons tout ça volon­tiers aux pro­fes­sion­nels et oppor­tu­nis­tes de la poli­ti­que. De même, nos ami­tiés, nos affi­nités ne sont pas négoc­iables. La liberté que nous vou­lons est incondi­tion­nelle.

Un slogan de la rév­olte en Kabylie disait : « Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts ».

L’État peut aussi nous foutre en taule, mais les rap­ports sociaux exis­tants nous enfer­ment déjà.

Il y a une chose que nous n’oublions pas : nous n’avons qu’une vie.

Résumons : « pas de liberté pour les enne­mis du pou­voir », nous disent-ils. Nous leur disons : « pas de paix pour les enne­mis de la liberté ».

Olivier

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« Lettre à Yves C. à propos de son arti­cle « Emprisonnés depuis la mi-jan­vier, Dan et Olivier ont besoin de notre soli­da­rité matéri­elle et poli­ti­que »

Cher Yves,

Je me per­mets ici de rép­ondre publi­que­ment à ton com­mu­ni­qué daté du 20 février 2011 et inti­tulé « Emprisonnés depuis la mi-jan­vier, Dan et Olivier ont besoin de notre soli­da­rité matéri­elle et poli­ti­que ». Il ne s’agit aucu­ne­ment de créer la polé­mique pour la polé­mique, au contraire, il s’agit d’écla­ircir quel­ques pistes sou­vent boueu­ses et opa­ques, sou­vent évoquées mais rare­ment appro­fon­dies ou sou­mi­ses à un examen cri­ti­que posé et serein, du moins publi­que­ment. Cela notam­ment en raison de la gra­vité du sujet traité, puis­que des per­son­nes ont été ou sont actuel­le­ment otages de l’Etat, mais aussi, ce qui revient au même, en raison du chan­tage affec­tif qui gra­vite en per­ma­nence autour de ces ques­tions et de l’« urgence » invo­quée, qui vient sou­vent pol­luer toute réflexion.

Ce que j’ai à dire, en effet, je l’affirme tant aujourd’hui qu’hier, urgence ou pas, car cet argu­ment massue de l’urgence doit cesser de sacri­fier sur son autel quel­ques prin­ci­pes qui pour moi, en tant qu’indi­vi­dua­lité anar­chiste sont essen­tiels, comme l’éthique, ou le combat de toute forme de poli­ti­que : cha­pe­let des pires dérives straté­gico-tac­ti­cien­nes. Il s’agit ainsi de per­met­tre à une sincérité si rare et fra­gile d’émerger au sein d’un milieu mili­tant rangé par les ambi­tions de pou­voir d’un côté, et par le manque d’audace théo­rique comme pra­ti­que de l’autre (qu’on pour­rait résumer rapi­de­ment par l’« acti­visme »).

Tu fais référ­ence à l’affaire de Tarnac, ce qui me permet ici d’expri­mer cer­tai­nes choses que je res­sens depuis long­temps, mais qui à l’heure de la publi­ca­tion d’une der­nière tri­bune insou­te­na­ble dans Le Monde, a besoin de sortir. Je vais donc saisir l’oppor­tu­nité de cette lettre de rép­onse à ton texte, qui fait lui-même la « com­pa­rai­son », pour expri­mer mon aver­sion pro­fonde pour la stratégie de déf­ense et les offen­si­ves méd­ia­tiques des inculpés de Tarnac.

Tu com­men­ces ton texte en sou­li­gnant que cette intel­li­gent­sia de gauche qui a fini par deve­nir le prin­ci­pal sou­tien méd­ia­tique des inculpés de Tarnac, n’a pas daigné s’intér­esser l’affaire de Dan et Olivier, ce qui est par­fai­te­ment vrai. Mais cela est loin d’être un hasard, et j’ose ima­gi­ner que si cela avait été leur volonté, ils auraient tout aussi bien pu, éga­lement, faire vibrer la corde du scan­dale et de l’indi­gna­tion, noir­cir les pages des quo­ti­diens et des heb­do­ma­dai­res de la bour­geoi­sie, envoyer leurs famil­les sur les lignes de front méd­ia­tiques, convo­quer des élus à leurs par­loirs et exploi­ter au maxi­mum le poten­tiel mar­ke­ting de leurs his­toi­res. Car si l’on coupe les choses en quatre et qu’on ne garde que le plus tru­cu­lent, on pour­rait résumer cette affaire à la roman­ti­que affir­ma­tion qu’« ils ne sont que des jeunes, bien intégrés dans la société, qui ont décidé sur un coup de tête mala­droit et soixante-hui­tard, de repein­dre quel­ques murs de leur poésie juvé­nile, et que l’infâme bull­do­zer judi­ciaire à la botte d’un pré­sident néo-fas­ciste et pas gentil, a décidé de détr­uire en les incarcérant », suivi de la cohorte habi­tuelle de pétitions et de « J’accuse » de la petite bour­geoi­sie de gauche des beaux quar­tiers.

Imagine un peu les gros titres ! « Nouvel échec de la poli­ti­que sar­ko­zyste », « Portrait de cette nou­velle jeu­nesse en colère » com­mentés autour d’une coupe de cham­pa­gne aux soirée de Monsieur l’ambas­sa­deur. Je m’égare mais je m’amuse.

La surex­po­si­tion méd­ia­tique de l’affaire de Tarnac (ou plutôt de ses inculpés) ainsi que son ins­tru­men­ta­li­sa­tion consen­tie au profit d’une recom­po­si­tion de la gauche, sont le rés­ultat des choix qui ont été faits par les inculpés et qui ne seront jamais ceux de Dan et Olivier.

Voilà donc pour­quoi le silence méd­ia­tique de la presse et des intel­lec­tuels ger­mano-pra­tins, bien heu­reu­se­ment, entoure cette affaire. Mais il faut noter quel­que chose de réjou­issant, c’est qu’à ce silence se super­pose le fracas des com­pa­gnons et cama­ra­des qui sont venus poser le pro­blème de cette affaire, et du système qui l’a pro­vo­qué, dans le social, dans la rue, plutôt que dans les salles de réd­actions putri­des des médias et les hémi­cycles pla­qués or de la démoc­ratie. Tables de presse, dis­cus­sions, bal­la­des, tracts, affi­ches, actions de soli­da­rité à tra­vers la France et ailleurs ont ponc­tué leur incarcé­ration et conti­nuent de le faire. Mettant tou­jours en pers­pec­tive ces arres­ta­tions avec les ques­tions de la machine à expul­ser et des rév­oltes actuel­les des pays arabes. Rappelant aussi à chacun que ce cas n’est qu’une infime partie des conséqu­ences d’un mode de ges­tion de la guerre sociale, et au pas­sage, qu’il n’y a ni deux, ni neuf pri­son­niers en France, mais bien 65 000, et qu’une bonne cen­taine de mil­liers d’autres navi­guent entre contrôles judi­ciai­res, bra­ce­lets élect­ro­niques, assi­gna­tions à résid­ence et attente d’exé­cution de leurs peines de prison ferme. Et que la prison, c’est aussi les cen­tres de rét­ention, l’enfer­me­ment psy­chia­tri­que et la société en général.

Voilà notam­ment, quel­ques-unes des choses que les inculpés de Tarnac ont oublié, à des­sein, d’affir­mer dans leur déf­ense, suivis par une cohorte de comités de sou­tien tout aussi confus qu’amné­siques.

Comme tu le sou­li­gnes avec raison, ils ne deman­dent « aucune faveur par­ti­cu­lière à l’Etat répub­licain bour­geois ou à ses sou­tiens socia­lis­tes ou com­mu­nis­tes ». Cela tout sim­ple­ment parce qu’ils font partie du pro­blème de ce qu’ils com­bat­tent. Il leur paraîtrait inac­cep­ta­ble alors de faire front commun avec tous ceux qui demain les enfer­me­ront à leur tour. Et ce n’est pas un hasard si les inculpés de Tarnac n’ont jamais affi­ché dans leurs inter­ven­tions publi­ques l’un des prin­ci­pes fon­da­men­taux de tout révo­luti­onn­aire un tant soit peu anti-auto­ri­taire : le fin de la prison sous toutes ses formes et la fin de l’Etat. Car ce serait pour eux, s’ampu­ter du sou­tien de toute une gauche qui expulse, enferme et assas­sine. Ce serait se mettre à dos le syn­di­cat de la magis­tra­ture qui fait son beurre dans la pro­fes­sion d’enfer­mer, le PS qui a mis en place un système d’expul­sion des sans-papiers dont la droite au pou­voir n’a fait qu’entre­te­nir les roua­ges, etc. Aussi, à force de mettre en valeur le caractère soi-disant « excep­tion­nel » de la juri­dic­tion anti-ter­ro­riste, ils ont pres­que fini par faire accep­ter le droit commun, qui touche bien plus d’êtres humains, comme Dan et Olivier et tant d’autres.

Voilà pour­quoi, à la lec­ture de l’arti­cle « Paris-Texas, une pro­po­si­tion poli­ti­que des mis en examen de Tarnac » publié dans Le Monde du 25 février 2011 le seul sen­ti­ment qui m’a tra­versé fut le dégoût. Cette dia­tribe anti-sar­ko­zyste à la forme si soi­gnée, réussit mal à cacher qu’elle n’atteint même pas le degré zéro de l’ana­lyse pour­tant suf­fi­sante pour entrer au pan­théon de l’acti­visme. En effet, ce texte brille par son vide idéo­logisé, typi­que de ce que toi même tu ana­ly­ses régul­ièrement dans ta revue, cette gauche radi­cale « anti-fas­ciste » qui se cher­che et se trouve au gré des contre-som­mets et qui a trouvé dans l’affaire de Tarnac un véri­table trem­plin ainsi que quel­ques lea­ders de cons­cience.

Mais rien de neuf sous le soleil, le dégoût dont je par­lais n’est pas le rés­ultat de cela, ce dégoût est pro­vo­qué par la ten­ta­tive de récu­pération qui est faite à leur encontre. Ils y sont présentés comme leurs « cama­ra­des », des « oppo­sants » ou encore comme une « jeu­nesse poli­tisée ». Y sont aussi ins­tru­men­ta­lisés les com­pa­gnons persécutés par l’Etat grec.

J’espère ne pas avoir trop pro­fité de cette rép­onse à ton texte pour tenter de rép­ondre par­tiel­le­ment à l’offen­sive poli­ti­que des « épiciers-ter­ro­ris­tes » appren­tis menui­siers et des adep­tes cré­dules qui com­po­sent pour l’ins­tant leur cour. Il s’agit seu­le­ment d’ajou­ter quel­ques éléments entre les lignes. En espérant sou­le­ver un débat qui existe déjà depuis long­temps chez de nom­breux anti-auto­ri­tai­res et que je ne sou­haite ici que réint­rod­uire avec mes mots.

Au plai­sir, donc, de pro­vo­quer à nou­veau cette dis­cus­sion loin d’être ter­minée, mais aussi que ces ten­ta­ti­ves de récu­pération poli­ti­que ne salis­sent pas les com­pa­gnons incarcérés.

Dan


Voir en ligne : Emprisonnés depuis la mi-janvier Dan et Olivier ont besoin de notre solidarité matérielle et politique

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