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Comment définir les nano-produits ?

Anne-Corinne Zimmer | novethic.fr | 29/03/2011

mardi 29 mars 2011

Depuis plus de 15 ans, les nanomatériaux sont massivement présents au quotidien et s’imposent aux consommateurs sans qu’ils en soient informés. Articles de sports, produits cosmétiques, peintures auto-nettoyantes, pneus longue durée, alimentation…le tout en l’absence de recensement, et donc d’étiquetage.

Chaque mois, selon une estimation de la Commission européenne près de 200 nouveaux nanomatériaux sont mis sur le marché. Alors que le règlement REACH, en 2006 a posé la règle du « no data no market » (« pas de données pas de marché ») à ce jour, les substances manufacturées à l’échelle du nanomètre (nm, taille de l’atome) échappent à ce postulat destiné à fournir des données sur la sécurité sanitaire et environnementale grâce à des évaluations de risques préalable à la mise sur le marché de nouvelle substance. REACH est pourtant le cadre qui doit règlementer les évaluations et autorisations d’utilisation de ces substances. Mais leurs caractéristiques à l’état nanoparticulaire sont radicalement nouvelles et leur propriétés différentes du matériau d’origine : de l’argent, par « réduction » en nano-argent, ce dernier devient bactéricide et invisible ; en utilisant la « technique ascendante » où les atomes sont assemblés sous contrôle informatique, les remaniements au niveau moléculaire ouvrent la voie à des assemblages (à l’image de briques) capables de mêler matière inerte et vivante. Et pour caractériser les risques de ces substances, les outils et méthodes d’évaluation connues jusqu’alors sont inopérantes.

Investissements massifs

Tous les pays industrialisés ont élaboré des stratégies de recherche et développement de la nanotechnologie, considérée comme le moteur de la croissance mondiale à venir. Ce marché, estimé aujourd’hui à plus 150 milliards de dollars devrait atteindre, en 2014, plus de 2600 milliards $, soit 15% de la production manufacturière mondiale (estimation Lux Research). En France, l’initiative « Nano Innov », lancée en 2008 sous les auspices du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) prévoit le développement de 3 « pôles d’excellence » rassemblant sur ces plates-formes, un continuum entre recherche et production : à la clé, 1,15 milliard d’euros d’investissements publics sur 5 ans en faveur de la recherche publique et de l’établissement de partenariats public-privé.

Le soutien public français est ainsi passé de 277 millions d’€ en 2007 à 1,3 milliard d’€ aujourd’hui.

Pour initier un processus d’encadrement et de réglementation, le préalable consiste bien sûr à se doter d’une définition commune sur ce qu’est un « nanomatériau ». La Commission européenne à la demande du Parlement européen en 2009, a proposé une définition à la consultation publique en novembre 2010 sur la base de l’avis rendu par le comité scientifique sur les risques émergents pour la santé et l’environnement (SCHENIR). Elle énonce qu’un nanomatériau est un objet de la taille de 1 à 100 nanomètres et que 1cm3 de nanopoudre a une surface de 60cm2. Plusieurs directives sont concernées par cette inclusion des nanomatériaux en fonction de la définition qui sera retenue (directives biocides, directive sur les déchets électroniques (RoHS), et sur les nouveaux aliments, dite Novel Foods).

Pourtant, souligne Laurent Bontoux, administrateur de l’évaluation des risques à la Direction Générale Santé et Consommateurs (DG SANCO) de la Commission européenne, « il ne faut pas confondre règlement et évaluation des risques. En tant que substances, elles seront, selon un consensus scientifique qui se dessine, évaluées au cas par cas ». Le bureau des consommateurs européens (BEUC) réclame que la définition soumise par la Commission soit revue pour tenir compte, par exemple, de certains nanotubes de carbone, dont la taille est supérieure à 100nm, et la toxicité quasiment certaine. D’ailleurs pour le SCHENIR, « il n’y a aucune preuve scientifique permettant de déterminer la taille appropriée pour la définition d’un nanomatériaux ». Et tandis que les discussions s’éternisent, le corpus des études scientifiques montrant des effets toxiques pour nombre de nanoparticules (dioxyde de titane, nanotube de carbone, par exemple) ne cesse de s’allonger. Et les consommateurs demeurent ignorants de ces expositions.

Face à ce vide, dès 2008, l’Afsset, pointait les dangers liés aux expositions aux nanoparticules et recommandait « de créer une base de données permettant de répertorier les principales utilisations de nanomatériaux sur le territoire français ». (Mai 2008, Afsset). Il s’agissait, ce faisant, d’estimer l’exposition des populations. L’article 185 de la loi « Grenelle 2 » (voir encadré) fait obligation de déclaration périodique par les fabricants, importateurs et distributeurs de « substances à l’état nanoparticulaires ». La consultation publique du décret d’application s’est achevée le 28 février. Les discussions sont en cours.

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Réglementation du Grenelle 2

La loi « Grenelle 2 » a acté la mise en œuvre d’un suivi des nanomatériaux, par le biais d’une déclaration obligatoire périodique de la fabrication, de l’importation ou de la distribution de « substances à l’état nanoparticulaire » ou « des matériaux destinés à rejeter de telles substances » ainsi qu’une information des consommateurs et une gouvernance des nanotechnologies. L’association Vivagora estime que le décret d’application comporte plusieurs lacunes, dont la définition des « substances à l’état nanoparticulaire », « trop large et mouvante », en référence à celle de la Commission européenne et dénonce « de larges dérogations à la déclaration obligatoire des nanosubstances ». « De ce fait, l’efficacité de la procédure de déclaration risque d’être faible ou partielle », souligne l’association dans un communiqué..


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