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Un contraceptif masculin extrait d’une plante

Nina Susilo, Nawa Tunggal | Kompas | courrierinternational.com | 17.03.2011

jeudi 17 mars 2011

Un chercheur indonésien s’est inspiré de la pharmacopée traditionnelle de plusieurs ethnies papoues pour mettre au point une pilule pour hommes.

La Justicia gendarussa - efloras.org
© DR

Déjà à l’adolescence, Bambang Parjogo Eko Wardojo rêvait d’inventer un moyen d’endiguer l’explosion démographique mondiale. Sa détermination a porté ses fruits. A 54 ans, ce professeur de pharmacologie et de phytochimie de la faculté de pharmacie de l’université Airlangga, à Surabaya, est désormais l’inventeur légal de la pilule contraceptive à base de gendarusse (Justicia gendarussa). Sept ans après en avoir déposé le brevet. C’est pour lui l’aboutissement de toute une vie.

Le gendarusse est une plante qui pousse en buisson dans les plaines de basse altitude. Elle peut atteindre deux mètres de haut. Sa tige est noire ou verte et ses feuilles d’un mauve brillant, tirant sur le marron. En Indonésie, elle est couramment utilisée, de manière empirique, dans les campagnes pour soigner les migraines, les rhumatismes et les douleurs. Et aux Philippines le jus de ses feuilles est administré pour combattre la toux et l’asthme. Mais elle a d’autres vertus.

Bloquer le spermatozoïde

Le principe actif du gendarusse, la gendarusine, possède en effet la particularité d’inhiber la hyaluronidase, une enzyme sécrétée par les spermatozoïdes. Cette enzyme intervient à un moment très précis : lorsque le spermatozoïde entre en contact avec l’ovule. Cette substance produite par le gamète a pour fonction de dissoudre la paroi de l’ovule. “Si l’activité de cette enzyme est inhibée, le spermatozoïde ne peut pas pénétrer dans l’ovule”, explique Bambang. En neutralisant l’activité de la hyaluronidase, le gendarusse fait donc office de contraceptif masculin.

La pilule contraceptive en question, dont la production a été confiée au groupe pharmaceutique indonésien Indofarma, a été lancée le 14 décembre 2010 par l’Office de coordination nationale du planning familial. Mais on ne peut pas encore la trouver en pharmacie. Avant de la lancer sur le marché, Indofarma doit procéder à des tests cliniques sur 350 hommes volontaires. Le gendarusse n’a pas été la première source d’inspiration de Bambang. Au début des années 1980, au cours de son premier cycle d’études de pharmacie, il a d’abord fait des recherches sur la margose (Momordica charantia, appelée aussi pomme de merveille ou melon amer). A cette époque, Bambang a réussi à prouver sur des animaux de laboratoire que la margose renfermait un principe actif qui réduisait temporairement la fertilité du sperme. Il a fait part du résultat de ses recherches au congrès national de pharmacologie en 1983, à Semarang. Et ce n’est finalement que quatre ans plus tard qu’il a commencé à s’intéresser au gendarusse. “Ce sont des recherches en ethnobotanique menées à l’université de Gadjah Mada (Yogyakarta) qui m’ont inspiré. Elles concernaient les traditions entourant les mariages entre Papous où la dot apportée est de faible valeur”, raconte Bambang.

Des coutumes tribales

En fait, les traditions de plusieurs ethnies de Papouasie autorisent la célébration de mariages, même si la dot requise n’a pas été rassemblée. A une condition : le mari n’a pas le droit de mettre sa femme enceinte tant que la somme exigée n’est pas réunie. Dans l’intervalle, c’est l’homme, et non la femme, qui utilise un contraceptif. “Pour empêcher qu’il y ait fécondation, le mari mange des feuilles de gendarusse”, explique Bambang. Quand la dot est enfin rassemblée, l’époux reçoit alors le feu vert et cesse d’ingérer cette plante.

Bambang avoue n’être jamais allé en Papouasie, mais il a étudié les traditions de plusieurs communautés tribales indonésiennes. Elles connaissent les vertus des plantes qui poussent dans leur environnement bien qu’elles ignorent leur composition chimique. Selon Bambang, cette science empirique doit être une source d’inspiration pour les chercheurs.

Bambang s’est donné pour mission de transformer les savoirs traditionnels en savoirs modernes. De fait, sa pilule contraceptive l’a conduit dans plusieurs congrès internationaux, notamment en Suisse, à Lausanne, où il a défendu le droit à des moyens contraceptifs alternatifs, à partir de plantes tropicales, et destinés aux hommes.


REPÈRE : La pilule pour hommes

En attendant la première pilule pour hommes venant vde Papouasie, certains Etats s’efforcent d’aider leurs concitoyens à contrôler leur fertilité. Ainsi, pour faire face à une démographie galopante, le gouvernement rwandais va-t-il lancer sur trois ans une campagne de stérilisation masculine. Il table sur 700 000 volontaires prêts à se faire vasectomiser. Pour le ministre

de la Santé du Rwanda, la vasectomie est moins risquée en termes de complications postopératoires et coûte moins cher que la stérilisation féminine. Le Rwanda est le seul pays d’Afrique à prôner
la vasectomie comme moyen de contraception. En France, cette méthode est acceptée comme telle depuis 2001.


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