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Guantanamo, « yes we can »... change nothing

Marie Desnos | parismatch.com | Jeudi 10 Mars 2011

vendredi 11 mars 2011

Deux ans après avoir annoncé sous les louanges la fermeture de la prison de Guantanamo, Barack Obama fait machine arrière. Le président justifie cette décision par l’impasse dans laquelle il se trouvait, et lui assortit quelques garanties.

La fermeture du centre pénitentiaire de Guantanamo par Barack Obama semble n’être plus qu’un doux rêve. Le président Barack Obama a annoncé lundi avoir ordonné au département de la Défense d’annuler le décret –pris à sa demande deux ans plus tôt- qui suspendait les procès tenus par les commissions militaires de Guantanamo. Il a également signé le même jour un décret autorisant le maintien en détention illimité de certains détenus n’ayant pourtant jamais été jugés, ni même inculpés. Concrètement, certains prévenus vont être bientôt jugés, comme prévu initialement, par des commissions militaires ; d’autres vont voir leur cas être réexaminés par un jury indépendant d’ici un an. Pour ces derniers, trois possibilités s’ouvriront alors à eux selon leurs dossiers : soit ils seront considérés innocents, et libérés ; soit ils seront traduits en justice ; soit tout bonnement maintenus en détention car considérés comme une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Cette directive s’applique à 47 prisonniers précisément, qui ne peuvent pas être jugés faute de preuves (généralement irrecevables car obtenues sous la torture), sans pour autant pouvoir être libérés parce qu’ils sont considérés comme une menace terroriste sérieuse. La Maison blanche a précisé qu’Obama restait déterminé à fermer la prison de Guantanamo à terme, sans toutefois avancer de date. Et pour cause : les observateurs s’accordent à penser qu’il devra attendre un deuxième mandat –si tel est le cas- pour pouvoir réaliser cet objectif.

« Il est pratiquement impossible d’imaginer comment fermer Guantanamo après cela, déclare ainsi Anthony Romero, directeur exécutif de la principale association de défense des libertés l’American Civil Liberties Union, dans les colonnes du "Washington Post". En un peu moins de deux ans, l’administration Obama a complètement fait machine arrière », constate-t-il. Autant dire que le coup de massue est lourd –bien que prévisible- pour les défenseurs des droits de l’Homme. Certains reconnaissent toutefois les quelques aspects positifs de la nouvelle. D’une part, certains détenus de longue date vont pour la première fois avoir accès à un avocat, puisque le décret l’exige, puis à un procès. D’autre part, le décret vise expressément les 172 détenus que la prison contient à ce jour (ils étaient 242 à l’entrée en fonction d’Obama), ce qui induit que plus jamais un nouveau suspect ne sera écroué là-bas. Enfin, s’il consacre le principe de détention illimitée et sans fondement –ce que les défenseurs des droits civiques condamnent- celle-ci reste limitée à 47 personnes ni plus ni moins. Pour ces derniers cas « problématiques », leur dossier sera révisé tous les trois ans -pour confirmer ou infirmer leur statut de « menace ». (Reste que ce revers revient à tolérer que certaines personnes resteront à vie derrière les barreaux, sans procès…)

Bientôt le procès de l’USS Cole ?

Pourtant, on s’en souvient, le président tout juste investi s’était élevé au rang de héros, le 22 janvier 2009, en annonçant le gel des procédures en cours dans cette prison de non-droits, en attendant sa fermeture définitive. Le chef d’Etat de tous les possibles (« Yes, We Can ») s’était alors donné un an pour tenir sa promesse. Il a vite compris qu’il aurait du mal à s’y tenir. Les Républicains, très hostiles à cette décision, ont en effet usé de toutes leurs forces au Congrès pour mettre des bâtons dans les roues à ce projet. Mais pas seulement. Même les Démocrates se sont montrés timides sur la question. Alors Barack Obama a reculé… reculé… avant de plier sous le poids de la triste réalité. Alors que l’on célèbrera, dans six mois, le dixième anniversaire du 11-Septembre, Khalid Cheikh Mohammed, cerveau revendiqué des attentats du World Trade Center, n’a toujours pas été jugé. Il croupit sur la base navale américaine de Cuba depuis 2006, puisque son transfèrement à New York pour y être jugé, envisagé un temps, est resté dans l’impasse. L’idée initiale de l’administration Obama était en effet de traduite les prisonniers de Guantanamo devant des tribunaux fédéraux américains, mais l’opposition l’a finalement emporté. « C’était devenu inévitable depuis que les membres du Congrès, des deux partis [démocrate et républicain, ndlr], dans un acte de lâcheté politique notable, ont interdit en décembre le déplacement de ces procès aux Etats-Unis », se désole « Le New York Times » dans un éditorial. Pour sa défense, le président invoque son engagement à « traduire les terroristes en justice » et à « protéger le peuple américain ». Il a souligné que son ordonnance comprenait des mesures pour « veiller au bon traitement des détenus » -elle exige en effet le respect des Conventions de Genève et des traités internationaux interdisant la torture et les traitements inhumains.

S’il y en a bien un qui doit se délecter, c’est son prédécesseur. Car comme le souligne Peter King, député républicain de l’Etat de New York et président de la commission sur la sécurité intérieure de la chambre des Représentants, dans le « Washington Post » : « En fin de compte, cela confirme la position du gouvernement Bush selon laquelle notre gouvernement a le droit de maintenir de dangereux terroristes en détention jusqu’à l’arrêt des hostilités. » Mais tous les Républicains ne partagent pas sa satisfaction. Mike Rogers, député du Michigan, cité par le « New York Times », s’est dit « déçu que la Maison Blanche ait choisi de mettre un autre pansement sur ce problème, plutôt que de travailler sur le fond avec le Congrès pour élaborer un cadre législatif global, et à long terme », sur le sujet. Selon les observateurs, le prochain détenu à être traduit devant une commission militaire pourrait être Abd al-Rahim al-Nashiri, un Saoudien accusé d’avoir planifié l’attentat contre le destroyer américain USS Cole au Yémen en 2000.


Voir en ligne : Guantanamo, l’impossible promesse

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