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Le ton change sur la Syrie

Denys Pluvinage | agoravox.fr | jeudi 9 mai 2013

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Le ton change sur la Syrie
Denys Pluvinage | agoravox.fr | jeudi 9 mai 2013

La visite du M. John Kerry à Moscou en début de semaine a marqué une inflexion de la position américaine à propos du problème syrien. Cette inflexion était en fait perceptible depuis plusieurs semaines. Empêtrés dans des guerres extérieures qu’ils ne peuvent gagner, les Etats Unis ont été, depuis le début des combats, réticents à intervenir sur le terrain en Syrie.

La visite du M. John Kerry à Moscou en début de semaine a marqué une inflexion de la position américaine à propos du problème syrien. Cette inflexion était en fait perceptible depuis plusieurs semaines. Empêtrés dans des guerres extérieures qu’ils ne peuvent gagner, les Etats Unis ont été, depuis le début des combats, réticents à intervenir sur le terrain en Syrie. Le président Obama avait déclaré que l’utilisation d’armes chimiques par le pouvoir syrien serait considéré comme une "ligne rouge", signifiant par là même, mais sans le préciser, que jusque là, les Etats Unis n’interviendraient pas directement dans sur le terrain.

Pendant ce temps, la CIA qui a une forte tendance à jouer conformément à ses propres règles qui ne correspondent pas toujours à celles établies par la Maison Blanche, mais sont tolérées, supervisait les livraisons d’armes aux rebelles pour, disait-on, s’assurer qu’elles ne tombaient pas en de mauvaises mains. On connaît les résultats que ces contrôles ont obtenu dans l’Afghanistan envahi par l’Armée Rouge, ou en Irak ou dans d’autres pays de la région.

Ces livraisons permettaient, entre autres choses de calmer les partisans, aux Etats Unis, d’une intervention armée américaine. Récemment, on a commencé à parler d’utilisation d’armes chimiques. La ligne rouge avait-elle été franchie ? Israël aurait bien aimé que cela fut le cas. Les services français et anglais semblaient confirmer, de même que des officiels israéliens, mais le pouvoir américain déclarait que les preuves n’avaient pas la crédibilité nécessaire. Puis début mai, Mme. Del Ponte, membre de la commission d’enquête sur la Syrie de l’ONU, déclarait qu’il y avait des présomptions très fortes et très concrètes d’utilisation de gaz sarin par l’opposition.

Parallèlement, on apprenait (The New York Times, 27 avril 2013) que l’opposition liée à Al Qaeda qui tenait une partie de la région d’Alep, la plus grande ville de Syrie contrôlait la centrale électrique, les boulangeries et avait instauré des tribunaux islamiques. Ailleurs, ces mêmes rebelles avaient pris le contrôle de champs pétroliers, remis les ouvriers au travail et vendaient le pétrole.

Enfin, Israël profitant du chaos qui règne dans le pays a lancé plusieurs raids aérien sur la Syrie, officiellement pour empêcher la livraison d’armes iraniennes au Hezbollah libanais. Il est de notoriété publique que l’état hébreux cherche à entraîner ses alliés américains dans des raids contre les installations nucléaires iraniennes. Il peut gérer seul les hostilités avec la Syrie, mais les militaires israéliens ont réalisé qu’ils ne pouvaient intervenir seuls en Iran.

Du côté américain, on se souvient des résultats de l’invasion de l’Irak, puis de l’Afghanistan, de la chute organisée du colonel Khadafi et l’administration Obama, manifestement, ne veut pas de nouvelles opérations militaires au moyen orient.

Il est donc temps de revenir à une approche diplomatique du problème, celle que la Russie prône depuis le début. D’où le voyage à Moscou de M. Kerry. Ce voyage a été précédé de plusieurs rencontres entre lui et le ministre des affaires étrangères russe, M. Lavrov, à Londres et à Berlin. Les deux présidents se sont également parlé par téléphone. Comme d’habitude le principe général des discussions était fixé avant la rencontre. Du côté russe on a voulu faire preuve de bonne volonté et d’égards particuliers puisque M. Kerry a été longuement reçu par le président Poutine, ce qui ne correspond pas au protocole habituel.

Les entretiens entre les deux ministres ont été longs, se terminant par une conférence de presse au milieu de la nuit et chacun a exprimé sa satisfaction. M. Kerry a même qualifié ses discussions avec M. Poutine de "très productives, très chaleureuses et amicales".

Il a été décidé de travailler à l’organisation de négociations entre le gouvernement syrien et l’opposition sur la base de l’accord de Genève conclu le 30 juin 2012. Ces négociations devraient commencer "au plus vite", pour M. Kerry, "avant la fin du mois", pour M. Lavrov.

L’importance accordée par les Américains à ces discussions était renforcée par l’annonce, ce matin à Moscou de la visite de M. David Cameron à Sochi demain, 10 mai, pour des discussion avec le président Poutine sur la Syrie.

Ceci n’exclue malheureusement pas totalement l’hypothèse d’un recours à la force voulu par certains protagonistes y compris au sénat américain mais c’est une lueur d’espoir pour ceux qui pensent que, comme le disait Karl von Clauzewitz, "La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens", c’est à dire que contrairement à ce qui se passe trop souvent aujourd’hui, elle ne devrait être envisagée que quand toutes les possibilités de la politique ont été épuisées, et pas avant.




Denys Pluvinage
Consultant en "Management en Milieu Interculturel", spécialisé sur la culture russe, a vécu plus de 15 ans en Russie de 1992 à 2008.
Directeur de l’Institut Franco-Russe de Langues, Cultures et Management (www.ifrlcm.fr)
Professeur de "Gestion en Milieu Interculturel" et de "Comportements Organisationnels" à l’Institut Supérieur de Gestion (ISG, Paris). Intervient également dans d’autres écoles de commerce et à l’Université Paris X Nanterre La Défense.


Voir en ligne : Le ton change sur la Syrie

Messages

  • On ne compte plus articles pro-Assad publiés par Truks en vrac. Là, sur le "ton" le plus docte et posé, l’auteur est simplement pro-Poutine. Sympa. Et comme Poutine est le plus fervent assadiste du monde, tout va bien. L’article a raison de signaler que, par sa visite à Moscou, John Kerry, le nouveau secrétaire d’état américain, s’est grossièrement aplati devant l’autocrate russe. On avait espéré un instant que le remplacement de Clinton par Kerry pouvait signifier un changement dans le sens d’une politique américaine un peu plus digne. L’horreur de cette guerre sans fin que Assad livre contre son peuple, à la longue, aurait pu l’imposer. Et on disait que Kerry, en fin de carrière, voulait marquer d’un brin de courage son passage aux affaires étrangères. On espérait en effet un "changement de ton". Au résultat, il n’aura fait qu’aggraver la note, permettant de fait à Assad y compris l’utilisation des armes chimiques. On aura laissé l’infecte Carla del Ponte oser imputer celle-ci à l’opposition… Et, pour donner le change, la CIA se contente de faire parvenir des armes légères à l’opposition, au lieu des indispensables missiles anti-aériens, si on voulait en finir avec ce scandale d’un Etat qui bombarde son peuple avec les applaudissements de l’obscène "gauche" bien pensante qui s’exprime ici. Plus d’armes légères ne font que prolonger la guerre inutilement, laissant perdurer l’effroyable hémorragie qui saigne à blanc le courageux peuple syrien. L’interdiction aérienne réclamée depuis près d’un an par l’opposition, elle, n’est bien sûr pas à l’ordre du jour. Quant à l’intervention israélienne, elle ne sert que, le plus étroitement possible, les intérêts de la défense d’Israël, mais se fiche éperdument de ceux du peuple syrien, sacrifié sur l’autel de la réalpolitique mondiale. Le Réseau Voltaire, Michel Collon, et tous les autres propagandistes de l’ignoble dictature syrienne auront si bien travaillé qu’aujourd’hui ni Obama, ni Hollande ne se sente tenus de faire quoi que ce soit, tant l’opinion est perplexe dans leurs pays – à force de lire des bêtises comme celles qu’on diffuse sans frein ici. Je ne crois pas que même aux pires époques du stalinisme on aurait pu avaler une politique aussi manifestement anti-populaire. Quand les tanks intervenaient à Budapest en 1956, la conscience publique se révulsait – et les gens allaient jusqu’à quitter massivement le Parti communiste. Aujourd’hui, les avions bombardent Alep, depuis près de dix mois maintenant, avec l’assentiment général. On prétend ici encore une fois nous faire peur avec le chiffon rouge de l’islamisme – des tribunaux islamiques seraient en place dans les parties libérées d’Alep. Il vaudrait mieux demander à voir. On nous a servi la même salade en Libye, mais, à l’arrivée, les islamistes y ont perdu les élections à plate couture – détail qu’on aura oublié de nous signaler, car ça, ça n’était pas intéressant pour cette sale rhétorique anti-populaire qui sera parvenue à infecter nos consciences. Il est à craindre désormais que Assad triomphe, dans des conditions bien plus effroyables que celles de Thiers contre la Commune de Paris, comme Franco en Espagne. Mais la principale victime dans cette affaire, ce sera probablement la conscience collective de la gauche mondiale, aussi perdue qu’elle pouvait l’être, en France, aux heures les plus sombres de la Collaboration.

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